Ce sujet sur l’OTAN aurait pu être développé de façon plus riche que je ne l’ai fait.
Je n’ai pas vraiment voulu entrer dans cette spéculation assez stérile pour savoir ce qui se serait passé si la France était resté dans l’OTAN ou si la Georgie y était déjà... Pour moi la vrai question n’est pas de savoir si plus ou moins d’Etats membres de cette organisation changerait l’histoire du monde, bien que la réponse soit assez évidente.
Je n’ai pas voulu dire non plus que l’Europe devait se constituer en alliance militaire du même type, puisque tôt où (trop) tard on y retrouverait ces mêmes vices que l’on commence à entrevoir dans le traité Atlantique-Nord.
J’ai voulu dire :
1. Que dans un monde bipolaire où s’affronte deux blocs hégémoniques il est utile que des puissances secondaires tempèrent un climat de suspicion et de surenchère par des interventions diplomatiques, le maintien du dialogue, des gestes d’ouverture et d’apaisement faits en temps utile. La France à pu prendre ce role d’intermédiaire dans la mesure où elle n’était pas elle-même impliquée (dans ses conflits post-coloniaux par exemple). Les relations franco-russes ne datent pas d’hier. L’Urss reconnait des le 23 novembre 1944 le Gouvernement provisoire de la République française. De Gaulle visite la même année du 27 novembre au 13 decembre Bakou, Stalingrad, Moscou et signe un traité franco-soviétique. Suivent d’autres visites et initiatives telle la reconnaissance officielle de la Chine populaire par la France le 27 janvier 1964 : "La reconnaissance de la Chine populaire par le général de Gaulle garde une charge symbolique forte parce qu’elle participait d’une vision planétaire, soucieuse d’indépendance nationale, que ce soit celle de la France à l’égard du bloc occidental ou celle de la Chine à l’égard du bloc soviétique."
2. Ce qui me permet de faire une transition sur un élément qui est peut-être passé au second plan : les institutions de droit international. La Charte des nations unies (26 juin 1945) "
Convention internationale, elle codifie les grands principes des relations internationales, depuis l’égalité souveraine des Etats jusqu’à l’interdiction d’employer la force dans ces relations." Le préambule définit les objectifs :
- à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage,
- à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,
- à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun
L’article 1.1 définit l’objectif prioritaire de : "Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ;
Pour conclure ce point, le droit international semble suffisant pour prévenir, limiter l’extension d’un conflit, en identifier la cause et "réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix".
3. Ainsi on ne peut pas sous pretexte de vouloir la paix ou garantir la sécurité des membres d’une alliance militaire passer sous silence ou écarter une question fondamentale : qui est l’agresseur ? Et si une action militaire d’un Etat est décidée ou non dans les circonstances d’une légitime défense.
En effet l’artice 51 de la Charte des Nations unies est claire à ce sujet :
"Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales."
4. Or dans le cas de la crise en Georgie le systeme de légitime defense collective de l’OTAN est pris en défaut.
La question de l’agression militaire georgienne n’est pas pris en considération. On ne prend pas en compte cet aspect primordial du droit international après avoir écarté le représentant russe de toute possibilité d’éclaircir la position de son pays. Au contraire le conseil des ambassadeurs de l’OTAN exprime " leur solidarité et leur soutien aux autorités de Tbilissi".
Prenant ainsi le risque de s’associer comme complices à l’acte d’agression, voir aux crimes de guerre, actes terroristes ou crimes contre l’humanité commis sur des populations civiles.
Mais cette décision n’est certainement pas unanime. La Turquie prend immédiatement position par exemple pour soutenir la risposte des forces de la Fédération de Russie, pendant que la France court-circuite le dispositif en prenant contact avec Moscou. Ce qui pose le probleme du fonctionement interne de l’alliance Atlantique... La déclaration finale et les commentaires du secrétaire général Jappe de Hoop exprime t’elle les réticences et les réserves des uns et des autres ? Non.
La déclaration de l’Otan était-elle purement et simplement "programmée" à l’avance et les représentants des nations membres ont-ils été placés devant un impératif fixé par quelqu’uns et qu’ils n’ont pas pu discuter ? C’est vraisemblable.
5. Si c’est le cas il faut s’interroger alors sur la suspicion de manipulation de la majorité des membres de l’OTAN par quelques-uns, sur la finalité d’une telle manoeuvre et aussi s’interroger sur les précédents éventuels dans d’autres crises. Il y aurait-il un fil conducteur dans le discours de cette organisation, un changement de doctrine qui expliquerait une mutation d’une alliance offensive vers une organisation offensive ?
Je viens de trouver
ce texte qui signale : "une
évolution très préoccupante, à savoir comment l’OTAN a progressivement glissé d’une alliance défensive qui devait agir sur son territoire dans le respects de l’ONU vers une force d’intervention préventive partout dans le monde et si nécessaire sans mandat de l’ONU."
Ma plus grande crainte c’est que la vision Geopolitique l’emporte sur les principe de la coexistence pacifique. Et quand je dis Geopolitique je sous-entend tout un systeme de pensée liée à
l’Ecole de Berlin
:" une approche cartographique du monde où les "Grands Peuples" (grandes puissances) se partagent la planète en fonction d’alliances et d’une hiérarchie raciale des peuples. Cette Geopolitik active s’inscrit contre l’idée du droit des peuples à disposer d’eux mêmes émise par la SDN. Parmi les disciples de Friedrich Ratzel, il faut citer le général bavarois
Karl Haushofer (1869-1946) qui affine la notion d’"espace de vie" et la perception de l’espace dans un but hégémonique. Après la défaite de 1918, il devient l’un des chantres de la puissance allemande."
Cette évolution préoccupante qui expliquerait l’absurdité de la position défendue par l’OTAN et la molesse des protestations serait donc liée à une
Realpolitik, "une recherche du pouvoir, [d’une hégémonie] indépendamment des questions religieuses et morales."
6. Pour contrer cette nouvelle stratégie hégémonique et dans le cas de la Georgie, il n’est pas inutile que la Russie s’inquiète de porter toute l’affaire devant les instances internationales.
D’une part pour faire reconnaitre l’agression et légitimer une occupation temporaire du territoire georgien puisque l’agression georgienne dont la responsabilité doit-être clairement établie, non seulement justifie : la limitation de facto de son intégrité territoriale contesté à bon droit par la volonté d’indépendance des populations ossètes et abhazes ; mais aussi par le déploiement des forces militaires russes d’interposition, rendu nécessaire puisque leur position initiale ne leur a pas permis d’accomplir la mission originel ni garanti leur propre sécurité.
D’autre part cette agression pose également une question serieuse de l’aptitude de la Georgie à jouir de la pleine souveraineté sur ses affaires intérieures et extérieures.
Selon les termes du
traité 4+2 : "Les actes susceptibles de troubler les relations pacifiques entre les nations ou entrepris dans cette intention, notamment en vue de préparer une guerre d’agression, sont
anticonstitutionnels et constituent une infraction punissable".
Il s’ensuit que ces actes ayant été constatés, un jugement ayant pour objet de sanctionner la Georgie et de rétablir la conformité des institutions georgiennes au droit international aux termes d’un traité de paix accepté et conclu entre les parties belligérantes doit être la conclusion prévisible de cette aventure.
Mais encore plus loin il faut aussi faire porter le regard sur la question de la légalité des initiatives de l’OTAN en regard de l’esprit et la lettre des lois internationales. Laisser les choses en état serait accepter cette épée de Damocles, ce jeu de roulette insupportable avec le feu nucléaire. L’accusation de complicité d’agression dans cette affaire permettraient une enquête aprofondie et représenterait un pas de plus, difficile mais nécessaire, dans la direction de la paix mondiale rétablie sur les bases du droit, de la justice, de la bonne foi et de la coexistence pacifique.