Il me semble nécessaire de préciser ce qu’il faut entendre par "droite" et "gauche", faute de quoi on risque fort de se perdre dans des malentendus sans fin. Ces mots peuvent désigner deux choses bien différentes :
- des partis politiques ou des groupements de partis (par exemple la "gauche plurielle" sous Jospin)
- des familles politiques qui s’identifient moins par l’appartenance à tel ou tel parti que par une communauté d’idées et d’intérêts.
Au premier sens du terme, il est certain que la différence entre droite et gauche s’est largement estompée, et pas seulement en France. Disons, pour simplifier, que l’ensemble de l’échiquier politique est devenu plus à droite (au moins sur la question sociale, c’est-à-dire sur la question de la distribution des richesses, car c’est plus compliqué pour certaines questions "sociétales"). Les principales formations de gauche étaient jusque dans les années 70 sociales-démocrates : elles ne voulaient plus faire la révolution (malgré quelques taupes troskystes au PS, peut-être), mais mettre en oeuvre une redistribution des richesses et une diminution des inégalités. Cela les opposait fortement aux formations de droite (gaullistes, démocrates-chrétiennes, conservatrices...). Cependant, même la droite était attachée à un certain compromis entre socialisme et capitalisme. C’était le règne du fordisme, du keynésianisme et de l’économie mixte. Puis, avec les chocs pétroliers, la montée du chômage de masse, l’inflation, l’arrivée au pouvoir de Thatcher et Reagan, les choses ont profondément changé. Un grand nombre de politiciens se sont convertis aux idées de Milton Friedman et Friedrich Hayek. Au risque de laisser les inégalités croître de plus en plus, ils ont privatisé de grands pans de l’économie, déréglementé les flux financiers et préféré combattre l’inflation plutôt que le chômage. Cette conversion s’est faite aussi bien à "gauche" qu’à "droite" : chez les néo-travaillistes anglais les socio-démocrates allemands, chez la majorité des socialistes français (cf. Srauss-Kahn et Fabius première manière, mais aussi Jospin, Royal, Delanoë, etc.). Bref, tout le monde est devenu plus à droite, seulement le virage a été beaucoup plus spectaculaire chez la gauche : on peut se douter que les formations de droite, dans leur ensemble, n’ont pas eu un gros effort à faire pour abandonner le vieux pacte keynésien entre capitalisme et socialisme.
Si maintenant on laisse de côté les partis politiques, on s’aperçoit que les mots "gauche" et "droite" ont encore un sens bien précis. C’est d’ailleurs ce que semble montrer le sondage résumé par J-C Bernard. Il n’y a pas seulement une différence entre nationaliste et mondialiste (comme l’écrivait Internaute). Il me semble qu’il y a un clivage encore plus profond que celui-là : c’est le clivage entre ceux qui veulent l’égalité entre les hommes et ceux qui acceptent les rapports de domination (même si, parfois, ils en sont victimes). Quand je parle d’"égalité", je ne veux pas dire une égalité parfaite, et encore moins une identité. Je veux seulement parler d’une absence de domination. Etre à gauche, cela signifie être pour l’égaité des droits, bien sûr, mais pas seulement (puisque même la droite, aujourd’hui, a fini par accepté cette égalité-là). Etre à gauche, cela signifie vouloir une société où personne n’a un pouvoir suffisamment grand pour opprimer d’autres hommes. Ce pouvoir peut être celui de l’argent, bien sûr, mais aussi celui de la culture, de l’appartenance au genre masculin, etc.
Pour terminer, j’ajouterai qu’une même personne peut très bien être à gauche sur certains points (être contre les dictatures, pour le droit des femmes, des homosexuels, etc.) et à droite sur d’autres points (pour les inégalités de forturne). Cela est valable aussi pour ceux qui prônent le partage des richesses : ils peuvent très bien être réactionnaires dans d’autres domaines (la condition féminine, par exemple).
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