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En réponse à :


easy easy 9 novembre 2008 02:00
 
Bon alors puisque c’est un essai sur base participative, je participe
 
 
Je vais essayer de te proposer des concepts moins rebattus 

Il y a le sentiment d’exclusion (qui peut être fantasmatique et que nous avons tous connu à divers degrés, sur diverses périodes)
Et il y a l’exclusion réelle, concrète (qui peut porter sur divers plans et que nous avons tous connue à divers degrés, sur diverses périodes)
 
Ici, comme tu sembles parler des clodos, dont la misère la plus frappante semble être matérielle et sociale, autant préciser que très peu d’entre nous, ici, ont eu la malchance de vivre leur sort 
 
Voilà déjà pour dire que nous savons à peu près tous ce que sont le sentiment d’exclusion et l’exclusion réelle.
 
Or, la plupart d’entre nous ont réussi à s’extirper seuls de leurs diverses exclusions (amoureuse, amicales, scolaires, sportives, artistiques, financières, ..)
 
Sauf donc à avoir gardé en mémoire les coups de mains qui nous ont bien aidés (être pris en stop par une nuit pluvieuse, avoir reçu un don de sang) auquel cas nous serions portés par une générosité-gratitude, nous en retirons l’idée que c’est une difficulté qu’il faut surmonter seul. Ce qui serait à l’origine de notre regard si souvent dur envers ceux qui sont tout au fond et qui nous semblent ne rien faire pour en sortir.
 
D’autre part, on ne peut pas aborder la déchéance matérielle et sociale sans parler de la déchéance morale qui la précède très souvent pour ne pas dire toujours.
Il y a beaucoup plus de gens pauvres que de riches. Alors on voit beaucoup plus de dépressifs pauvres (d’autant que la pauvreté est en soi un facteur déprimant dans un contexte fondamentalement compétitif) Mais si un riche a son moral brisé ou amer ou aigri, il sera exclu de bien des cercles (Exemple Papé dans Manon des sources ou tatie Danièle)
 
Un clodo c’est essentiellement un échoué de la compétition et il le sait. Généralement il ne s’estime donc pas, en tous cas pas en tant que compétiteur et ne peut plus s’estimer qu’en tant qu’échoué (ce qui n’est pas rien) Car il y a pire, il y a ceux qui sont condamnés, par la société, par les leurs, pour avoir fauté.
Les clodos ressentent donc divers sentiments d’échec ou d’indignité préalablement à leur arrivée sous les ponts et ils savent très bien quels sentiments nous habitent puisqu’ils les ont partagés. Ils savent très bien que nous leur donnons un bol de soupe mais certainement pas la main de notre fille. Quelques pièces mais jamais notre fortune. Ils savent ce que nous faisons ici, sur ce sujet.
 
 
En nous sourd l’odieuse satisfaction de n’être pas parmi les plus échoués. De là à considérer que nous avons quelque part besoin de voir ces échoué pour nous rassurer, il n’y a qu’un pas et je pense qu’il faut le franchir au moins en cet essai, nonobstant le scandale que ça peut produire.
 
Nous sommes, comme toujours, en plein paradoxe (heureusement)
D’un côté, loi de la compétition oblige, nous nous efforçons de gagner notre place au soleil depuis nos bancs d’école et nous démontrons visiblement, en tous cas à nos plus proches, nos performances ;
De l’autre, à cause de la peur de crever comme un chien, nous cultivons aussi un certain concept d’entraide, sait-on jamais. Au final il s’agit de jouer des coudes sans que ça se voie. Nous avons donc développé une extraordinaire intelligence en ce sens et nos politesses ne sont que des astuces pour paraître agneau alors que nous sommes loups.
 
Nous aurions peut-être préféré être agneaux mais le système ordinaire nous oblige* à concourir et à laisser des échoués derrière nous. Du coup, le jeu consiste à éviter tant que possible de planter complètement des gens en particulier mais de planter un peu le maximum d’inconnus. En fait ça revient à écraser des gens sans se salir les souliers voire par procuration.
 
Le sentiment de culpabilité que nous ressentons devant les clodos ne proviendrait pas du seul constat d’injustice "Il n’a rien pendant que j’ai tout," il proviendrait du fait que ce clochard fait partie de ceux que nous avons éliminés de nos coudes. Nous nous sentons responsables de sa ruine.

Détail qui prouve notre déni de responsabilité personnelle, nous choisissons de parler de ce sujet en évitant le "Je"
Par exemple tu as écrit :
"C’est parce qu’on lui refuse la seule chose qu’un être humain attende vraiment de son semblable : être respecté, considéré, reconnu, désiré, aimé.
Comme une personne normale et incluse"

En cette phrase qui résume le plus le défaut de moralité, tu aurais pu utiliser comme ailleurs le "Nous" qui en appelle à tous, toi compris, ou le "Je" qui te mettait alors singulièrement en examen, mais tu as préféré le "On" qui te désimplique à peine moins que le "Vous" .






Il me semble qu’il faut être allé à ces niveaux de lucidité terrifiante sur soi pour passer à l’entraide concrète avec le cœur plus léger.



* C’est à voir, mais c’est encore un autre débat




Je te cite

"Le revenu minimum d’insertion et le revenu de solidarité active sont des avancées, que beaucoup de pays au monde nous envient. Mais comment ne voit-on pas l’offense qui est faite, à ceux que le sort et nos égoïsmes ont jetés sur les bas-côtés de la route, de conditionner notre aide, alors que nous la leur devons impérativement ?"

J’approuve


 
"Cette sollicitude administrativement organisée sous-tend une méfiance face à d’éventuels profiteurs ou paresseux. Certes, il existe des escrocs, et il faut veiller à les démasquer. Mais plutôt que d’instituer la méfiance et d’accorder l’aide à ceux qui prouvent leur bonne volonté, ne serait-il pas plus humain de faire confiance, d’aider inconditionnellement tous ceux qui en ont réel besoin et de pister ceux qui voudraient détourner le système à leur profit  ?"

Là je ne pige pas. J’ai l’impression que tu n’as pas réussi à nous montrer deux alternatives bien distinctes



"Sans nier la nécessaire disparité des revenus et des biens en fonction des efforts et des talents de chacun, est-il normal que certains puissent manger chaque jour comme dix mille personnes alors que d’autres, dans le même temps, doivent honteusement quémander de quoi personnellement survivre ?"

Tu sais, si chacun voulait vraiment éviter de tels excès, ce serait très simple, on nationaliserait toute entreprise de plus de 20 employés pour retenter l’aventure soviétique. Hélas dans une entreprise nationale, personne n’est motivé pour risquer alors elle végète, elle ne tombe jamais mais ne performe jamais non plus. Mah, c’est p’tet à réétudier tout de même.


 
"Notre devise n’est pourtant pas « Liberté, égalité, Solidarité », mais « Liberté, égalité, Fraternité ».
Il me semble que "fraternité" a posé problème. Il suffit de ne voir en ce mot que son acception familiale pour rater complètement l’objectif qui lui était dévolu. "J’aime mon frère, ma soeur, ça suffit, les autres je men fous"
D’autre part, la fraternité est un sentiment d’amour.

Alors que la solidarité comporte une notion de responsabilité (nous sommes solidaires même dans l’échec, même devant le danger, même devant les accusations etc) Il y a même une dimension politique dans ce mot. Et là, il n’y a pas de restriction familiale possible 
Solidarnosc était de la bonne veine il me semble.

Le problème de "solidarité" c’est que son esprit se heurte au problème des condamnés par la Justice. On a toujours voulu exclure les condamnés pour les faire souffrir d’exclusion au maximum. Alors on a tout fait pour que jamais ils ne puissent bénéficier d’une quelconque solidarité. D’où la préférence pour "fraternité" qui permet à chacun de jouer de son périmètre à géométrie variable







 

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