Quant à l’épithète d’homophobe, jadis attribué à l’ancien ministre Jean Foyer et à Jean-Marie Le Pen, ce furent ensuite André Gide, les sénateurs François Abadie et Gérard Longuet qui se le virent décerné (1) par les autorités médiatiques du PC ; André Gide étant accusé de colonialisme par un critique littéraire dans le Nouvel Obs, pour faire bonne mesure et bonne conscience, malgré le Voyage au Congo. Le quotidien Le Monde - par la plume acide de Roger-Pol Droit (promoteur de l’Appel à la vigilance de 1993 et de l’attaque contre P.-A. Taguieff) - avait, lui, accusé André Gide de complaisance avec le stalinisme, comme s’il n’y avait pas eu Retour de l’URSS ...
Si l’antisémitisme était un délit selon Jean-Paul Sartre – qui en 1941 succéda néanmoins, en tant que professeur titulaire au lycée Condorcet, à un professeur juif révoqué ..., le n° 92 de la revue Commentaire en apportait confirmation –, l’historien Jules Isaac, plus compétent en la matière, et auteur de Genèse de l’antisémitisme, le considérait comme un courant d’opinion ; ce qui ne lui donne pas de consistance logique ou morale pour autant, bien entendu, cela devrait aller sans dire.
Le choix se fait entre ces deux attitudes :
1/ Je ne suis pas d’accord avec vous, et je le dirai, mais vous devez pouvoir vous exprimer. C’est la tolérance humaniste des Lumières ; Voltaire n’était pas d’accord avec Helvétius, mais prenait son parti hautement, quand des "hommes absurdes" faisaient brûler son ouvrage De l’Esprit.
2/ Vous n’avez pas le droit de dire cela. On va vous faire taire, vous fermer votre clapet, etc. Comportement que Christian Combaz a appelé, pas si anachroniquement que cela, un "stalinisme rampant du milieu littéraire français" (La vertu par l’anathème, avril 2000). Pratiquement, le moyen est la poursuite devant les tribunaux par des associations (UEJF, LICRA, MRAP, notamment).
Il revient certes à l’État de maintenir l’ordre public et de rendre la justice, de contrer le racisme, l’antisémitisme, la diffusion de fausses nouvelles, le sexisme, et l’âgisme, lorsqu’un dommage manifeste est causé à une personne ; mais pas de réprimer les divagations historiques ou scientifiques, ni par ailleurs ce qu’on appelle aujourd’hui l’homophobie (extension sociologique discutable d’un trouble psychiatrique masculin rare) ; « Chacun est libre de critiquer ou d’approuver l’homosexualité » assurait le ministre Robert Badinter au Sénat en 1982 (séance du 5 mai). Il n’y a pas davantage à limiter l’expression de points de vue anti-religieux ; or l’anticléricalisme républicain devient lui aussi politiquement incorrect – et ceci malgré la marginalisation du christianisme qui ne se fait plus qu’au profit des deux autres religions monothéistes. On a été jusqu’à inventer le terme d’islamophobie. Certains conflits d’opinions devraient pouvoir subsister dans une République libérale dont Big Brother n’est pas encore le Président (2), ni New Speech la langue officielle, en particulier sur tous les sujets controversés comme l’immigration, la légalisation des drogues dites « douces », la nation, les sectes ou l’adoption par les couples homosexuels, la liberté d’expression devant jouer pour le choix et le traitement de les thèmes de débat possibles. En 1997, des intellectuels de renom – notamment Philippe Sollers – avaient envisagé d’examiner le plus objectivement possible « la question pédophile », et ce genre d’attitude devrait non pas rester confidentiel, mais être étendu. Il importe certes, on l’a dit, de sanctionner les discriminations envers les personnes, lorsqu’elles leur occasionnent un tort manifeste – ce que prévoit déjà, au delà des infractions pénales, l’art. 1382 du Code civil - mais sûrement pas d’exercer une police de la parole par la censure ou l’intimidation, ni même par des dispositions légales, sans cesse renforcées depuis juillet 1972, au point que l’on peut aujourd’hui parler d’un véritable emballement, d’une fuite en avant : loi Pleven (3), suivie des dispositions du Nouveau Code pénal de 1994, de propositions de loi tendant : - à lutter contre l’homophobie (Ppl n° 1893 et 2150 de l’ancienne législature), - à réprimer les propos discriminatoires (n° 2373), - à poursuivre les négateurs des génocides reconnus (n° 2281) ; et plus récemment, les dispositions tendant à aggraver les peines en cas d’intention raciste.
1. « L’homophobie de Gide est évidemment regrettable. » (Leo Bersani, Homos. Repenser l’identité, O. Jacob, 1998).
2. La liberté d’opinion est affirmée par l’art. 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, article proposé par le duc de La Rochefoucauld d’Enville et adopté le 24 août 1789, puis par l’art. 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de l’assemblée générale des Nations Unies de 1948, par l’art. 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe de 1950 et par l’art. 11-1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne de 2000.
3. La loi Pleven du 1er juillet 1972, non contrôlée par le Conseil Constitutionnel, a été complétée et aménagée en 1975, 1977, 1983, 1985, 1987, puis par la loi Gayssot du 13 juillet 1990. Voir Jean-Jacques Pauvert, Nouveaux (et moins nouveaux) visages de la CENSURE, Belles-Lettres, 1994 ; pp. 132-144. Robert Ménard, « La France en liberté surveillée », EPOK, n° 26, mai 2002, p. 21.
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération