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pigripi pigripi 28 mars 2009 09:52

Irritée par les contresens historiques sur Jeanne et les coparaisons qui se voulaient méprisantes entre Ségolène et la Pucelle d’Orléans, voici ce que j’avais mis sur mon blog en sept. dernier, suivi d’un extrait d’un beau discours de Jean Cluzel à l’Académie des sciences morales et politiques :

Ayant entendu plusieurs fois des détracteurs de Ségolène Royal affirmer qu’elle se ’prenait pour Jeanne d’Arc", je suis retournée aux sources.

Dans le langage populaire, dire d’une personne, généralement une femme, qu’elle "se prend pour Jeanne d’Arc" est une manière ironique et péjorative de dire qu’elle entend des voix. Autrement dit qu’elle est la seule à se sentir investie d’une mission. Qu’elle prend ses désirs pour les réalités. Qu’elle croie se vouer à une œuvre absolue comme de droit divin. Qu’elle a des hallucinations. Qu’elle est folle. Qu’elle est comme une petite bergère analphabète encore couverte de la boue de sa cambrousse, qui voudrait jouer dans la cour des puissants.

Dans le langage politique hâtif, c’est la renvoyer au Front national et à Le Pen qui sont aujourd’hui les seuls à célébrer Johanne en se donnant rendez-vous devant sa statue dorée, rue de Rivoli, chaque année pour compter leurs troupes.

Or, d’après de nombreux historiens, Jeanne d’Arc serait une véritable héroïne qui aurait véritablement "bouté les Anglois hors de France" et aidé Charles VII à retrouver sa mission divine, pas contestée celle-ci par les monarchistes de son temps et ceux d’aujourd’hui. Je veux dire par les Orléanistes puisque les Bourguignons s’étaient alliés aux Anglais pour lui couper la tête.

Le plus intéressant dans l’histoire de Jeanne d’Arc est, comme dans l’affaire Dreyfus, l’enjeu dont elle fut le symbole au cours des âges. Tantôt sainte catholique, tantôt héroîne laïque et républicaine, il fallu attendre les travaux de Jules Michelet, puis de ceux Henri Wallon pour réconcilier les catholiques et les laïques à travers la personne de Jeanne d’Arc.

Finalement, comparer Ségolène Royal à Jeanne d’Arc est une forme de compliment pour celle qui assure vouloir réconcilier tous les français et revaloriser l’esprit de fraternité.


Pour en savoir plus sur le rôle historique de Jeanne d’Arc, voici des extraits d’une conférence de Jean Cluzel :


Source : http://www.asmp.fr - Académie des sciences morales et politiques.

Paris, le 11 octobre 2004, Institut de France, Séance en hommage à Alexandre-Henri Wallon

Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Académie des sciences morales et politiques

Wallon, Jeanne d’Arc et la République

INTERVENTION DE JEAN CLUZEL,


Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences morales et politiques

.... Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, les zélateurs de la Jeanne laïque étaient,

dans la première moitié du XIXe siècle, beaucoup plus nombreux et plus puissants que leurs

concurrents catholiques.

Après avoir été ridiculisée par Voltaire, parangon de ces hommes des « Lumières » qui

goûtaient si peu les mystères du Moyen Age, Jeanne d’Arc connut une véritable résurrection à

l’époque du romantisme. Son grand poète ne fut pas Chateaubriand, trop occupé sans doute à

se mesurer à Napoléon. Le mouvement ne vint pas non plus des défenseurs du trône et de

l’autel, sous la Restauration ; au contraire, ceux-ci minimisaient l’épopée de Jeanne, accusée

d’avoir outrepassé sa mission, et dont la fin tragique paraissait incompatible, à leurs yeux,

avec la glorification de la monarchie, du clergé et de la noblesse.

Le grand « inventeur » de la Jeanne laïque et romantique fut Michelet. Avec lui, c’est

une Jeanne « de gauche » qui accable la monarchie, le clergé et la noblesse, pour mieux

exalter le Peuple.

« Le mouvement romantique, a écrit Georges Goyau, aimait d’une passion quelquefois

brumeuse les apparitions historiques où s’incarnait l’âme des peuples, les personnalités où des

consciences collectives se résumaient et s’exprimaient : il fut séduit par Jeanne et l’on vit

éclore, en 1841, l’hymne de Michelet5  ».

Cet « hymne » se trouve dans son Histoire de France, où Jules Michelet assène la

phrase bien connue : « Oui, selon la Religion, selon la Patrie, Jeanne Darc (sic) fut une

sainte. » Il ne nie pas le double sens de l’histoire de la Pucelle, et voit en elle comme la

conclusion de l’aventure spirituelle du Moyen Age. Mais il ajoute, en forme de

recommandation : « Quelle légende plus belle que cette incontestable histoire ? Mais il faut

bien se garder d’en faire une légende. » Pour Michelet, il ne faut pas s’attacher au merveilleux

des récits sur Jeanne d’Arc. Du reste, à propos de ses visions, il ajoute : « Qui n’en avait au

Moyen Age ? ». Michelet ramène Jeanne sur terre : elle a bien existé, figure humaine, très

humaine et vulnérable ; figure populaire surtout ; la Jeanne de Michelet est fille du Peuple et

non fille du Ciel. Il conclut : « La Vierge secourable des batailles que les chevaliers

appelaient, attendaient d’en haut, elle fut ici-bas… » Et c’était une « simple fille des

campagnes, du pauvre peuple de France… Car il y eut un peuple, il y eut une France. Cette

dernière figure du passé fut aussi la première du temps qui commençait. En elle apparurent à

la fois la Vierge… et déjà la Patrie ». Ainsi Michelet confond Jeanne et son identité populaire,

pour mieux l’élever sur les autels de la Patrie et du Peuple. Pour lui, l’histoire de Jeanne est

comme une charnière de l’Histoire de France : voici la dernière figure du passé et la première

des temps modernes ; voici l’Incarnation du Peuple ; voici une femme qui, nonobstant sa

virginité, donne naissance à la Patrie ; et jusque dans la mort effroyable de cette martyre trahie

par les siens, Michelet laisse apercevoir, en filigrane de son portrait de Jeanne, une figure

christique. « Le sauveur de la France devait être une femme, résume-t-il. La France était

femme elle-même  ».

5 Cité dans Michel Winock, « Jeanne d’Arc », in Pierre Nora (dir), Les lieux de mémoire, tome III, Les France,

Paris, 1992, p. 682.


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