Il m’arrive d’avoir de la mémoire.

Lorsque dans les années 80, le Front national était le chiffon rouge du débatpolitique français, régulièrement les uns ou les autres - souvent les mêmes - agitaient la menace de son interdiction...

En sachant très bien qu’elle n’avait strictement aucun fondement juridique.

Charlie Hebdo lança même une pétition en ce sens qui recueillit plus de 170.000 signatures.

Lorsque je vois, près de 15 ans après, le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, réutiliser les mêmes grosses ficelles que les initiateurs de la pétition de l’époque, je réagis avec colère (je ne suis pas le seul).

La même colère froide qui m’avait, alors, conduit à critiquer (dans ma thèse de doctorat en science politique consacrée à l’instutionnalisation du FN, dans mon livre, comme dans mes « travaux » universitaires) toutes les entreprises - intéressées - dedisqualification/promotion du FN.

De la même manière que l’interdiction du FN aurait alors été une ineptie et un déni de démocratie, empêcher Dieudonné de conduire des listes aux élections européennes n’aura pour seul effet que de l’ériger en martyr.

Une posture évidemment profitable pour lui, comme elle l’est toujours pour tous les marginaux et les outsiders.

Dieudonné aura alors beau jeu d’entonner le grand air du paria, rejeté par le système, l’« établissement », l’establishment, les élites, le lobby machin ou le lobby truc...

Bref, les propos de monsieur Guéant - à quel titre s’exprime-t-il d’ailleurs ? - sont à la fois intellectuellement irresponsables, juridiquement irrecevables mais, en revanche, politiquement cyniques et maîtrisés.

Il ne s’agit là que d’une petite ruse - de la pure tactique électorale - destinée à installer au beau milieu du « jeu » un trublion qui ne mérite pas tant d’honneur et n’espérait probablement pas tant d’indignité...

Un piège destiné à éparpiller encore davantage les voix de la gauche et de l’extrême-gauche.

Ne tombons donc pas dans le panneau !

Que Dieudonné soit candidat.

Qu’il incarne les « valeurs » qu’il croit légitime de devoir défendre, dans le respect de nos lois, évidemment.

Et que tous ceux qui sont choqués par ses excès viennent l’affronter dans l’enceinte démocratique pour convaincre les électeurs, un par un.

Et la baudruche éclatera...