Le sujet de l’article est intéressant et l’auteur a des arguments. par contre, je ne suis pas sûr de le suivre dans ses conclusions. Je pense par exemple qu’il est possible de soutenir plusieurs réponses sur un sujet, et que cela peut être le cas dans celui-ci.
On pourrait également défendre ce libellé de la manière suivante. L’objectivité se définirait comme un effort de vérité par rapport à tous les faits que l’on peut avoir sur une période, un évènement donnés. En gros, il faut tenir compte, dans les tentatives de reconstruction, de restitution du passé, de tous les matériaux que l’on a, pour en faire un système cohérent et qui peut intégrer à la fois tous les « objets » dont l’on dispose. L’objectivité serait plus de ce point de vue une forme d’excellence : on se fixe un seuil que l’on ne pourra jamais atteindre, on essaie de tendre au maximum vers un idéal, tout en acceptant dès le départ l’impossibilité d’une adéquation totale de la pratique et du concept.
Il y a aussi le rapport des historiens aux schémas établis par l’historiographie, on pense par exemple aux périodisations. Ces conceptions générales sont à la fois nécessaires et piégeuses, car il faut bien avoir des idées générales pour avancer à une vitesse correcte, mais en même temps ces idées sont un frein à l’objectivité (on va plus penser à se couler dans le schéma global, sans prendre en compte la singularité de l’objet). On peut alors arguer du fait que l’impartialité de l’historien, qui est bien obligé, du fait des limites de l’entendement humain, d’utiliser des constructions intellectuelles préalables, ne peut être totale.
Il y a, ce qui est différend de ce que je disais plus haut, une tendance des sciences humaines à se revendiquer comme des sciences à part entières, ce qui pourrait expliquer un tel sujet. Pour un Levi Strauss, les sciences humaines ne sont pas des sciences car le nombre des variables est trop grand et l’observateur est au même niveau que ce qu’il regarde, ce qui diffère fondamentalement des sciences « dures » et de leurs protocoles expérimentaux.
De telles conceptions ne sont plus partagées par la majorité des historiens ou sociologues actuels, qui veulent être considérés comme des scientifiques à part entière, ce qui n’est pas sans influer sur leur pratique (ultra spécialisation, jargon, manque de signification et de liens avec d’autres domaines de la connaissance de leurs travaux). Le problème, à mon sens, est que cette vision est réductrice et risque de brider une des qualités premières d’un historien, à savoir combler ce qui est perdu par la faute du temps (George Duby).
Ce dernier paragraphe signifierait, finalement, que je partagerais votre opinion. Tout discours sur une période est une réalité construite, et si on essaie de ne s’en tenir qu’aux documents (l’illusion de l’école positiviste), on retombe dans des travers (comme l’a montré Foucault, le document n’est pas là par hasard, il a été produit par une société pour une raison précise, et ce qui n’est pas exprimé a au moins autant d’importance), comme par expemple n’exprimer que la vision des vainqueurs, je rejoins là dessus l’extrait suivant de l’auteur : "Quels témoignages ont donc laissé de la société romaine les esclaves qui en étaient la base économique motrice, en dehors de révoltes épisodiques relatées ça et là par leurs maîtres ?"
Pour conclure sur un point de vue personnel, je dirai qu’à mon sens, les sciences humaines sont tellement complexes qu’elles ne ressemblent pas du tout aux autres. Les âges de maturité d’un historien (entre 50 et 70 ans) et d’un mathématicien (moins de 40 ans) ne sont pas les mêmes.
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