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bluebeer bluebeer 13 août 2009 16:41

Ouaiiiis, un débat ! 

Ma première intervention était pour parler du contenu de l’intervention psychologique en situation de crise. Comme celle-ci est rarement décrite, elle est souvent décriée.

Maintenant, pour préciser le fond de ma pensée sur l’ensemble de l’article.

L’aide psychologique aux victimes est un progrès. Offrir une aide systématiquement est un progrès aussi. Imposer une aide est un non-sens. En état de choc, beaucoup de personnes se replient automatiquement sur elles-mêmes, et ne réclament aucune aide parce qu’elles veulent se détourner autant que possible de « l’agression ». Elles peuvent se chronifier dans cette attitude, cultiver l’évitement et le déni, et donc s’amputer d’une partie de leur potentiel de vie, d’existence. Tenter de circonvenir ce mécanisme est un progrès. Renforcer la résilience est un progrès. Mais pour cela il faut d’abord admettre les faits. Ensuite, il faut se positionner par rapports à ces faits et y choisir son rôle. Ressasser, gémir, se plaindre n’est jamais le but.

Une politique d’intervention systématique a évidemment des inconvénients. Comme celui de soumettre la victime au dictat d’un mieux-être factice. L’intervention psychologique rassure d’abord l’entourage de la victime, plutôt que la victime elle-même. Quand j’entends que « les victimes ont été vues par les psychologues de la cellule de crise », je n’en tire strictement aucune conclusion, si ce n’est : autres temps, autres mœurs. Le boulot des psys n’est ni facile, ni inutile. Simplement il ne convient pas à n’importe qui n’importe quand.

 

Je ne crois pas que tenir compte de la souffrance psychologique s’inscrive dans une logique de victimisation ou de déresponsabilisation. Je ne connais pas un seul confrère qui considère œuvrer dans ce sens. Au contraire, l’idée est d’aider les gens à faire leurs choix et à ne pas rester victimes.

Maintenant en ce qui concerne l’américanisation d’une société qui devient de plus en plus procédurière et revendicatrice.

Les Etats-Unis sont effectivement bien comme ça. C’est mon avocat américain qui me le disait dans le décours d’un accident subi là-bas, quand j’y travaillais.

Les américains jouent virtuellement tous au même jeu : réussir, s’affirmer. On sait que quelqu’un a réussi quand il a accumulé beaucoup d’argent. C’est un peu con mais assez simple et objectif. Peu importe les moyens. Presser l’assurance comme un citron fait partie des stratégies acceptables. La vie américaine est une compétition ouverte où tous les coups sont permis. Deux grandes vertus : self assertiveness and self reliance. On s’affirme et on s’assume. Pour les américains, obtenir quelque chose par la plainte est le contraire d’être dorloté et déresponsabilisé. On a obtenu réparation parce qu’on ne s’est pas laissé faire. C’est comme ça qu’ils le vivent, ça ne les choque pas. Comme les salaires pharamineux ou les dégraissages d’entreprise ne les choquent pas. C’est normal, tout le monde essaye de faire de l’argent. Tout le monde essaye de réussir. Tout le monde essaye de s’affirmer. Tout le monde essaye d’exister. If you cannot stand the heat, leave the kitchen.

Il y a déresponsabilisation quand on cherche systématiquement à rejeter la faute sur autrui. Dans ce sens, la démarche américaine de chercher la proie qui va cracher au bassinet peut être perçue comme une dérive vers la déresponsabilisation de notre point de vue européen. Mais dans leur imaginaire, c’est tout le contraire. Il est hors de question de se laisser faire. On m’a abîmé, j’ai de la valeur, ils ne le payeront jamais assez.

Le raisonnement et l’articulation de l’article me paraissent donc infondés. En revanche, je souscris pleinement à la critique d’une utilisation hygiéniste et normatrice des psychologues (et non de la psychologie), ainsi qu’au glissement progressif des valeurs et idéaux historiques des nations européennes vers une placide société de consommation où chacun roule pour soi et strictement pour soi, détournant l’esprit des lois dans ce sens.

Pour ceux que ça intéresse, essayez de vous procurer le film Etat Second (Fearless), de Peter Weir. Ça parle un peu de tout ça, avec brio.

Pour conclure, j’ai retiré très peu de compensation monétaire de cet accident américain, n’ayant finalement pas su m’intégrer à ce point.


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