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Catherine Coste Catherine Coste 10 septembre 2009 12:55

Merci pour cette information sur le blog d’Aurélien, Nathalie. En fait, c’est le blog d’Aurélien et de ses proches et amis. Je vois votre blog comme la trace matérielle (pas seulement virtuelle) de votre travail quotidien sur votre motivation, que vous portez au fil du temps (votre choix du don). Une fois que l’on a accepté le don d’organes, il faut consolider la motivation initiale au fil du temps, c’est un travail de tous les jours.

Dans la partie actualités du weblog d’information « éthique et transplantation d’organes » que je tiens à jour depuis mars 2005, je donne l’adresse du blog d’Aurélien :
http://actuagencebiomed.blogspot.com/2009/09/temoignage-de-famille-confrontee-au-don.html

Vous voyez, même si je n’ai pas eu à faire un choix aussi « vital » que le vôtre au moment du décès de votre fils, ai moi aussi besoin de consolider ma motivation (informer sur le sujet). Pour moi aussi c’est un travail de tous les jours, qui se « matérialise » par un blog, aussi.

Comme il me semble que notre échange est un échange sur nos motivations, permettez-moi de parler un peu des miennes.

Lorsque, début 2005, j’ai posé la question à Christian Cabrol : « Est-ce que je souffrirai si on me prélève mes organes s’il m’arrive de me retrouver en état de mort encéphalique ? », j’ai été véritablement outrée par sa réponse, qui ne contenait que deux messages :
1. le don, c’est généreux (mais je demandais : quelle mort ?? Une réponse sur le don ne m’aide pas !)
2. « Je vous interdis de faire référence à mon nom sur votre weblog ’éthique et transplantation d’organes’. »
 
Depuis mars 2005, tous mes efforts n’ont tendu que vers un seul but : réfléchir à la mort du donneur d’organes, à cette fameuse « règle du donneur mort ». Auparavant, j’avais été assistante de direction, et enseignante d’allemand et d’anglais en lycée et collège, non titulaire (métier que j’exerce à temps partiel depuis 2007 à nouveau).
 
On pourrait penser que, maintenant qu’il est reconnu que le donneur d’organes est mourant et non mort, mon rôle est terminé, j’ai obtenu ce que je voulais. Il n’en est rien. En tant que non spécialiste sur la question (mais l’éthique n’appartient-elle pas à tout le monde ?), je découvre que les clichés qui ont la peau dure, comme celui qui consiste à dire que le donneur est mort, sont légion dans le domaine des transplantations d’organes. Et qu’aller à contre-courant de ces clichés constitue un travail ingrat, de longue haleine, difficile et incertain, mais à mon sens il est nécessaire que quelqu’un qui n’est pas du domaine, un simple usager de la santé, prenne part à ce travail.
 
En travaillant à mon article sur les clichés dans le domaine de la greffe des tissus composites de la face, j’ai tout à coup compris que le cliché « les organes, ça ne se voit pas, tandis que le visage, ça se voit » est aussi problématique que celui qui consiste à dire que le donneur est mort, ce qui empêche de réfléchir à la fin de vie du donneur. Dans mon cas, je ne pourrais consentir au don des organes et/ou tissus d’un proche que si je suis rassurée sur sa fin de vie : je dois pouvoir être en mesure de l’accompagner au mieux jusqu’à sa mort physiologique (et non jusqu’à sa seule mort légale. Cette « fiction juridique » du « donneur mort » me laisse froide).
 
Ces clichés sont une sorte de réflexe de la forme, qui certes peuvent donner bonne conscience à certains (acteurs des transplantations, proches confrontés à la question du don d’organes), mais ils peuvent aussi être porteurs de graves préjudices. Ils ne sont pas anodins. Je ne prendrai qu’un seul exemple : Dans un des épisodes (récents) de la série télévisée « Urgences », George Clooney joue le rôle d’un médecin coordinateur des transplantations, chargé de convaincre une jeune grand-mère de donner les organes de son petit-fils en état de mort encéphalique. Le médecin joué par Clooney amène la grand-mère à dire que son petit-fils « était » généreux. La situation peut se lire de deux manières :
1. Le petit-fils aurait autorisé ce don des éléments de son corps car il était généreux. Donc le médecin joué par George Clooney a bien fait, et de plus il n’a pas porté préjudice à la grand-mère, c’est-à-dire ni au processus de décision d’abord, ni au travail de deuil qu’elle devra effectuer ensuite. C’est la première lecture (sans doute la plus courante, la plus ... « cliché »).
2. A quel moment la grand-mère a-t-elle eu son libre arbitre dans cette décision ? Ne s’est-elle pas fait piéger ? Tout n’a-t-il pas été orchestré pour recueillir son consentement ? Il y a des ficelles, celles de la générosité en l’occurence, qu’utilise ce professionnel des transplantations (joué par George Clooney). Le non initié, comme cette grand-mère en état de choc, ne connait pas ces ficelles, elle ne peut que, si vous me passez l’expression, tomber dans le panneau. D’après cette seconde lecture, le médecin joué par George Clooney aurait porté préjudice à la grand-mère : les dés auraient été pipés, en quelque sorte.
 
Suis-je contre le don d’organes ? Comme les Jésuites, je vous répondrais par une autre question : comment l’être ? Je me bats contre le manque de transparence et les clichés qui peuvent s’avérer nocifs. Et je pense que ces clichés sont légion. 
 
La réflexion (et l’information) sur de tels sujets si polémiques est très difficile et, pour vous être sans doute utile (à vous et à d’autres), il n’est pas certain que j’en retire, quant à moi, un quelconque bénéfice. Je fais cela car tout simplement, je ne peux pas faire autrement (mais cela, je le découvre à mesure que j’avance dans ma réflexion). Sans doute parce que j’aime les gens et que j’ai le sens de la pédagogie.
 
Pour finir sur une note d’humour : hier soir, alors que mon mari se plaignait de ce que je ne lui avais pas rendu je ne sais plus quel service quelconque, lui ai répondu que cela tombait bien : il fallait qu’il se souvienne que je ne suis pas généreuse, comme ça, s’il lui arrive d’être confronté à la question du don de mes organes, il aura plus de chances d’avoir son libre-arbitre au moment de prendre une décision.


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