Internet est peut-être le caniveau de la démocratie...
Mais c’est sans contestation possible l’oeil de 1984 !!!
Mon propos est dédié à tous ceux qui défendent Internet et condamnent la multiplication des caméras de surveillance dans l’espace public.
A lire un excellente analyse, pleine de bon sens, publiée avant-hier dans l’hebdomadaire « Le Matin Dimanche » et signée Claude Monnier :
Bientôt, vous n’oserez même plus ouvrir la bouche
Sauf à vous transformer en statue de marbre, vous ne pourrez bientôt plus exercer les métiers publics de politicien, de maître d’école, d’inspecteur de police, de sportif adulé ou de « beautiful people ». Car chacun de vos propos, chacune de vos mimiques, chacune de vos plaisanteries seront filmés par téléphone portable et diffusés sur Internet.
Je n’éprouve personnellement aucune sympathie pour Brice Hortefeux, ministre français de l’Intérieur, qui, filmé de la sorte alors qu’il posait à côté d’un jeune militant UMP d’origine maghrébine, a déclaré : « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. » La scène, aussitôt balancée sur le Net, agite la France entière depuis une semaine. « Ministre raciste ! » hurlent les uns. « Simple plaisanterie de mauvais goût », pour les autres. « Propos innocents sciemment sortis de leur contexte », assurent les troisièmes. « Hor-te-feux dé-mis-sion ! » chantent les derniers.
La même mésaventure frappe chaque jour des dizaines de personnalités publiques de tous les pays du monde, provoquant démissions innombrables, tragédies familiales et rognes publiques. On est tenté de se dire : tant pis pour ces personnages publics, ils n’avaient qu’à se retenir de prononcer de telles insanités…
Mais ce serait un peu court.
Premièrement, parce que n’importe qui d’entre nous, même « non public », peut voir sa réputation détruite désormais pour quelques images malheureuses ou quelques mots prononcés de travers. La gamine de 15 ans qui porte une bouteille à sa bouche, filmée à son insu par « un bon copain », retrouvera le clip sur Internet, où, même si elle ne buvait que de l’eau, elle se fera une réputation d’ivrogne précoce – ce que lui rappellera, dix ans plus tard, un chef d’entreprise en refusant net de l’engager… Et même vous, qui êtes, m’assure-t-on, une personne correcte, discrète, aimable, souriante, prudente et réglo, il vous est sûrement arrivé, dans une soirée entre amis, de lâcher, juste pour faire rire, une petite phrase de travers – laquelle, pourtant, si elle est filmée et diffusée, peut vous envoyer aux galères. Ayons donc un peu de compassion pour les personnages publics dont le métier même exige qu’ils plaisantent avec les gens qui viennent en pagaille leur serrer la main.
Deuxièmement, parce que si l’on analysait tout ce qu’un individu – romancier, journaliste ou grand amoureux lettré – a écrit au cours de sa vie, je suis sûr qu’il serait facilissime d’en extraire quelques phrases incorrectes, qui, placardées sur le Net, vaudraient à leur auteur l’excommunication immédiate, suivie d’un supplice en Place de Grève.
Troisièmement, et enfin, parce que si chaque mot sorti de notre bouche risque désormais de nous tuer par un effet boomerang, la solution radicale serait, je l’ai suggéré d’entrée de jeu, de ne plus jamais ouvrir la bouche, de garder en toutes circonstances un visage de marbre, bref, de ne plus rien exprimer du tout. Mais une solution aussi extrême n’apparaissant guère humaine ni praticable, faudra-t-il alors que chacun d’entre nous réapprenne à vouvoyer Madame Son Epouse et Ses Meilleurs Amis, et à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant même de leur dire « bonjour » ? Ou faudra-t-il, pire encore, que nous évitions désormais comme la peste de rien dire ni laisser entendre qui ne soit dans la plus stricte orthodoxie du moment, comme cela se pratiquait en Union soviétique à l’époque de Staline ? Eh ! bonjour, la liberté ! Bonjour, la spontanéité ! Merci, Internet.
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