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gaiaol (---.---.215.93) 8 février 2006 16:09

J’étais en train de lire votre bel article très émouvant sur la souffrance humaine, quand je m’en suis rappelé un autre que j’ai lu sur Albert Camus. Outre la beauté du texte, dans l’Etranger, Meursault tue un Arabe. Avec indifférence.Il ne le connait pas, même pas de nom. C’est une ombre. La figure de la différence, de l’Autre, de l’indigène ?.Meursault n’avait pas subi d’humiliation insupportable. Pourquoi donc va-t-il jusqu’au nihilisme, pourquoi jusqu’au meurtre ? Le meurtre signait-il son suicide ? L’article dit que la réponse se trouve peut-être dans la Peste écrit juste avant ou Camus déclare qu’il y a des fléaux et des victimes et que s’il devient fléau lui même il serait innocent. Donc Meursault tue un innocent mais est innocent lui même. Il ne se sent coupable de rien. Pourtant il a tué. Donc comme le dit Camus coupable mais innocent. « Menacé par la méconnaissance de l’autre, Meursault est la révélation dramatique d’un personnage social dominé par la logique coloniale. S’il ne parvient pas à élaborer sa culpabilité pour se représenter son crime, c’est que le dogme de la violence coloniale l’enferme dans un duel et dans un non sens qui l’aident de façon maladive à ne pas se reconnaitre coupable. » Bien sûr Camus, dans l’Algérie colonisée ne peut être privé de la dimension coloniale. Il pensait, continue l’article (plus fouillé et plus complexe) que le suicide et le meurtre étaient tous deux les faces d’une même pièce. En conclusion, le procureur finit par déclarer Meursault coupable mais dans l’indifférence comme si cela n’était pas important. Un peu comme la France enjolive son passé en déclarant la colonisation positive et finit d’un ton las par reconnaitre sa culpabilité mais sans réellement se sentir coupable. Et Camus que pensait-il vraiment ? A-t-il épongé aussi la culpabilité de Meursault ? Camus sur l’Algérie s’est trompé, il était pour l’Algérie française et a combattu l’Algérie indépendante. Dans ses livres, les Arabes sont pratiquement toujours muets et n’ont pas de nom. Toujours des ombres. L’arabe de Meursault n’a pas d’histoire (dominé dans son propre pays, Camus ne lui donne d’autre consistance que celle du cadavre) .OBrien pense qu’en tant qu’individu Camus était partagé entre sa conscience d’écrivain et une justification inconsciente de la domination française qui durait depuis plus d’un siècle. C’était un état naturel pour lui. Ce faisant, il néglige l’histoire de l’Autre, de l’Algérien, qui lui, ressent la présence française comme un abus de pouvoir quotidien.. Pour un Algérien 1962 est une date auphorique et historique. Pour Camus, elle aurait été tragique. Camus avait une sensibilité toute coloniale. Dans la Femme adultère, qui est l’histoire d’une française qui débarque en Algérie pour se marier, immédiatement Camus fait d’elle l’héritière naturelle de cette terre (qui était peut être la sienne, mais surtout celle des ombres qui tournaient dans l’espace sans trouver leur place). Il identifie Janine comme élément durable de l’Algérie. Il esquive tous les drames algériens qui se nouent autour de lui ou ne les voient pas, par commodité.

La sensibilité coloniale, certains la perpétuent en France de plus en plus fortement comme s’il s’agissait non plus d’êtres humains à part entière, mais comme des entités étranges et étrangers, somme toute trop bizarroides. Ainsi tous les forumeurs qui continuent à ne pas saisir la sensibilité de l’autre, l’histoire de l’autre, pour une meilleure compréhension et un avenir ensemble. C’es t pourquoi les « blessés » de l’affaire des caricatures parlent souvent de l’arrogance. Elle se continue malgré vous qui traitez systématiquement les autres d’obscurs et leur prohète d’idiot. La souffrance morale peut-être violente ainsi que l’atteste la violence des messages. Il me semble que les Meursault sont encore très nombreux même s’ils ne passent plus à l’acte meurtrier. Les nouveaux Meursault sont coquardiers. mais la parole suffit à être dévastatrice. Et ce n’est pas parce que votre point de vue vous semble pertinent qu’il est juste. La résistance qu’oppose les musulmans à un certain angle de la civilisation occidentale, qui veut les subordonner entièrement et totalement, flétrit l’image de l’« humanisme » construit dans vos têtes à force d’images idéologiques sectaires et implacables ; oui il y a d’autres manières de penser, de réagir, de se comporter. Et seule la compréhension, la tolérance nous permettra de nous sortir de cette confusion.


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