@ Bellovese
« on comprend mal pourquoi il nous aurait laissé une topographie erronée quand il est si simple de décrire ce qu’on a sous les yeux »
parce que le premier exercice de rhétorique que l’on apprend c’est la description, l’ecphrasis en grec (nous avons d’excellent manuels de rhétoriques antiques de quintilien jusqu’Aelius Théon ou Ménandre le rhéteur, encore faut-il les connaître et les lire).
Bref décrire c’est le b.a.-ba du métier de l’éloquence et donc tout le monde est attendu au tournant sur une description, on apprend à décrire en refaisant les descriptions célèbre comme celle de la peste de Thucydide, mais aussi les descriptions de lieux etc, on peut faire des livres entiers avec des descriptions (galerie de tableaux de philostrate), des conférences où l’on ne fait que décrire la salle où l’on confère (Lucien, La salle). Ne pas faire une description dans les régles c’est se disqualifier, faire une description qui fait écho à une description célèbre antérieur c’est montrer sa culture, flatter celle de son public cultivé et ravaler ceux qui n’ont pas saisi l’allusion à la plèbe, la masse inculte (oi polloi), alors la topographie après cela, les Romains auraient trouvé scandaleux qu’on objecte un détail de topographie pour reprocher à un auteur la reprise d’un exemplum dès lors qu’il n’y avait pas de contresens évident sur le déroulé final de l’action, sur sa signification, une telle objection n’aurait pu être le fait que d’un rustre, d’un rural mal éduqué et borné. Deux mille ans (et plus) nous séparent de cette culture, la comprendre et l’explorer suppose de ne pas en rester aux réflexes de notre culture à nous, cela demande de la méthode et énormément d’érudition : bellovese avez-vous lu quintilien, aelius théon, ménandre le rhéteur, lucien etc ? Ce n’est pas un reproche mais un constat : n’importe qui peut prendre conscience qu’objecter quelque chose à un physicien nucléaire suppose une connaissance en math considérable, mais pour l’histoire on fait comme si on pouvait débarquer sans pratique, sans un travail considérable et donc comme si n’importe qui pouvait après avoir lu deux livres et une traduction de césar en remontrer à des gens qui parfois y ont passé un vie…
« Il est si simple » mais ce n’est précisément pas une culture simple, c’est une culture raffinée, où la distinction peut disqualifier (pensez, pour avoir une image au film « ridicule » et à la cour de versailles).
Dans son ouvrage Comment on doit écrire l’histoire Lucien critique sévèrement celui qui n’a fait que simplement décrire les faits : il n’aurait jamais du publier un livre ainsi, c’était tout juste des notes valables pour qui devrait écrire.
Bref césar, qui rédigeait un traité sur l’analogie en grammaire durant la guerre des gaules, ne pouvait pas passer pour un illiteratus, et la guerre étant gagné personne ne se souciait de la topographie des lieux, n’oubliez pas que le Bellum Gallicum est composé à la veille de la guerre civile - quand la perspective est inéluctable - et publié durant la dictature.
Ce n’est pas un débat sans fin. Les sources littéraires, socialement construites et historiquement dépendante d’un contexte spécifique et l’archéologie, parfois difficile à maîtriser, sont des sources hétérogènes, le débat sera sans fin seulement si on veut absolument faire coller l’une à l’autre en voulant oublier que précisément c’est impossible.
Dès lors il faut se baser sur un faisceau de faits, et à Alise on a ce faisceau depuis désormais 50 ans de manière éclatante et toute nouvelle investigation n’a fait que le renforcer, le débat est tranché et le jura a suffisamment de sites archéologiques intéressant pour n’avoir pas à se désoler de n’avoir pas alésia.