Concevoir cette émission dans la même perspective que l’expérience de Milgram est au mieux une erreur d’appréciation, au pire un déni des changements majeurs s’étant produit entre la période où Milgram conduit son expérience et aujourd’hui : à savoir confondre modernité et post-modernité.
L’expérience de Milgram s’intéressait au degré de soumission à l’autorité chez l’individu : nous étions là dans le paradigme moderne de l’interactivité, dans un contexte idéologiquement trés marqué ;valable jusque dans les années 80/90, soit avant le développement des ICT et la fin de la guerre froide : nous avions donc forte interaction entre autorité (Etat) et individu ; mais aussi forte charge idéologique autant chez l’Etat que chez l’individu.
aujourd’hui postmodernes, nous évoluons dans le paradigme de l’interpassivité et postérieur à la dite fin des idéologies : cette expérience ne nous renseigne que peu en fait sur la soumission à l’autorité mais plus sur la passivité post-moderne : la décharge électrique envoyée s’apparente plus au mitraillage virtuel via joystick qu’à livrer un résistant à la Kommandantur : faire l’impasse sur le Virtuel devenu notre compagnon du quotidien ne permet pas de tirer de conclusions pertinentes sur Milgram 2010 : le post-moderne est avant tout passif, l’interaction entre autorité et individu n’est plus aussi importante que dans le passé, l’autorité étant devenue un concept aussi diffus que les notions d’état, nation, etc…demeure l’interpassivité qui n’engage que peu l’individu, celui-ci usant des béquilles ou outils technologiques et devenant donc passif.
ce qu’elle nous enseigne cette expérience est que ceux qui ont les moyens d’être passif sont les plus aptes à électrocuter leurs congénères : donc ceux qui ont les moyens de consommer du Virtuel et les divers produits ICT contemporains : ceux qui s’intègrent parfaitement à notre modèle de société ou ont parfaitement intégrés ses normes, règles,etc…
; les autres, ceux qui refusent d’électrocuter ne sont plus forcément des opposants idéologiques à l’Autorité mais plus à notre modèle de société, ou sont condamnés à être actifs car n’ayant pas les moyens de l’interpassivité.
Ainsi donc, l’aspirant électrocuteur post-moderne se conçoit plus par la virtualisation/déshumanisation de l’Autre que par la soumission à une autorité étatique/politique autant diffuse qu’illusoire dans un monde gouverné par la Loi d’un marché autant invisible qu’omnipotent qu’omniprésent ; le rebelle se concevra donc plus comme un exclu volontaire ou involontaire de cette société globale où le Virtuel remplace de plus en plus le Réel comme lieu (ou non-lieu) des interactions entre individus.
A l’époque de Milgram, le Réel était le lieu
exclusif de la confrontation à l’Autre, aujourd’hui c’est de moins en moins le
cas : entre électrocuter dans une émission télé un congénère, jubiler aux spectacles
pyrotechniques d’un bombardement US en live ou en tuer un bon millier sur sa PS :
il n’y a que peu de différence.
*les drones commandés depuis une base en Amérique ou bien encore la présence de consoles de jeux dans les chars US en Irak, motivé par le profil adulescent des GI’s ayant combattu/tué virtuellement et de milles façons l’Ennemi dans leur chambre d’ado avant de connaître le Réel en sont des applications concrètes : le Milgram post-moderne ne nous renseigne plus sur la soumission mais sur la passivité.
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