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Bergame (---.---.39.204) 20 mars 2006 20:58

Vous ne délirez pas, Leo. Personnellement, je suis parfaitement d’accord avec vous. Mais je vois quand même deux problèmes.

Le premier est qu’historiquement, la France n’est pas un pays « libéral », au sens où on entend le terme aujourd’hui. Nous n’avons pas cette culture de « l’entreprendre » qui s’est forgée au sein des anciennes puissances maritimes, Angleterre et Pays-Bas, éventuellement l’Allemagne du nord protestante, puis aux Etats-Unis. Le libéralisme économique tel qu’il se pratique et se comprend dans ces pays, est le résultat d’un véritable process historique. En fait, et je crois que c’est quelque chose que nous avons beaucoup de mal à comprendre, en France, il s’inscrit au sein un background culturel dont il n’est qu’une des facettes PARMI D’AUTRES. Et parmi les autres facettes de ce background culturel, il y a en particulier une éthique, une « sorte de » morale civique, que, dans les pays latins, de tradition catholique et étatique, on ne connait pas, ou pas de la même manière.

Je crois que c’est par exemple une des raisons pour lesquelles cela a du sens, pour des anglo-saxons, de parler de « société auto-régulée », d’envisager -théoriquement, parce qu’empiriquement on en est vraiment très loin, surtout aux USA !- une société ou l’Etat joue un rôle minimal. En France, nous avons une tradition qu est plutôt fondée sur le droit que sur l’éthique, le droit étant forcément garanti par une autorité supérieure, c’est-à-dire l’Etat.

Mais ce que je décris là, le capitalisme fondé sur l’éthique des affaires, c’est la (très) vieille école, désormais. Dans les pays de tradition anglo-saxonne, on n’en est plus là. Dans les faits, on en est à un moment où les fonds de pension exigent du 15% de ROI, ce que même aux USA, on dit être totalement destructeur. Mais dans les pays anglo-saxons, ça peut encore « fonctionner » dans le sens où ils vivent en partie sur ce fond de schémas historico-culturels. Ils sont comme nous, attachés à leur modèle de société malgré tout. Il est frappant, par exemple, de voir le nombre de travaux universitaires US qui continuent de faire référence à des auteurs aussi vieux que Locke ou Adam Smith pour justifier le modèle libéral.

Mais le problème c’est que, nous Français, c’est maintenant que nous arrivons au modèle libéral. Et par conséquent, nous n’en connaissons que le pire visage, celui qui conquiert le monde depuis que la chute du modèle concurrent ne laisse plus d’alternative. Et on a beau nous dire que le libéralisme c’est la liberté, la démocratie, l’enrichissement pour tous, il nous est difficile d’y croire. Car nous ne sommes pas héritiers du fond culturel libéral anglo-saxon, et par conséquent, nous ne sommes pas en mesure d’adhérer fondamentalement à cette idéologie, nous ne pouvons que subir, bon gré ou mal gré, l’instauration d’un ordre économique et culturel mondial qui nous est au départ étranger.

A cet égard, il est intéressant de discuter avec de « vrais » libéraux sur la situation politique en France. Ils vous diront que prsonne, dans ce pays, n’est vraiment libéral. Notre droite, par exemple, est une droite typiquement française, fondée sur les mêmes substrats idéologiques depuis 2 siècles, c’est-à-dire les valeurs d’autorité, de famille, le conservatisme sur le plan des moeurs -quoiqu’on en dise !- et le catholicisme comme communauté spirituelle. Pour être honnête, je ne pense pas que la gauche en France ait beaucoup évolué non plus, mais ce que je veux dire, c’est qu’il n’existe quasiment pas de « libéralisme » en France, comme on l’entend(ait) dans les pays anglo-saxons, c’est-à-dire fondé sur des valeurs de responsabilité personnelle (c’est très différent de croire en la responsabilité individuelle et en l’autorité !), sur le multi-culturalisme (qu’on appelle aujourd’hui communautarisme), sur l’individu en tant qu’être raisonnable et, globalement, sur les fondamentaux de la religion protestante. On ne le sait pas assez, mais les américains, par exemple, ont fondamentalement HORREUR de la hiérarchie (difficilement compatible avec l’idée de liberté, il faut bien le dire) ce qui est tout l’inverse de la culture élitiste de la droite française.

Je pense donc qu’il y a deux problèmes distincts. Il est certain que ce dont nous avons besoin aujourd’hui est d’éthique : Ethique dans les affaires, mais aussi éthique dans la science (ô combien !), éthique en politique. Mais d’abord, nous Français, ne sommes pas familiers de l’éthique des affaires à l’anglo-saxonne, qui est partie intégrante de leur background culturel spécifique. Et ensuite, même dans les pays anglo-saxons eux-mêmes, on s’accorde à dire que le mouvement est plutôt inverse : L’éthique des affaires y est de moins en moins cruciale.

Enfin, le second point reste à discuter. On peut considérer que c’est un trend, mais le scandale que l’affaire Enron a été aux USA tendrait à montrer que les américains croient encore -un peu- à ces valeurs éthiques. En France, des scandales de « dimension » comparable à celui d’Enron, disons Elf, ça ne nous fait plus grand-chose...


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