@l’auteur
Vous affirmez être docteur en sciences de l’éducation. Je présume par conséquent que vos connaissances en droit constitutionnel sont celles du citoyen lambda. Je vous demande par avance pardon de profiter de l’occasion que vous m’offrez d’étaler ma science.
L’article 16 de la Constitution est probablement celui qui suscite le plus de fantasmes ; il éveille des images de dictature au sens que ce mot a pris dans le langage contemporain où il remplace les termes de tyrannie et de despotisme. L’article 16 instaure en effet une dictature mais au sens étymologique du mot : un régime de légalité aménagée pour les périodes de péril grave où il est nécessaire d’agir dans l’urgence.
Le général De Gaulle a lourdement insisté en 1958 pour insérer cet article dans le texte de la Constitution contre l’avis initialement défavorable du comité constitutionnel consultatif. Deux considérations ont guidé sa volonté : le souvenir de juin 1940 où le président Albert Lebrun avait été dépassé par les évènements ; la crainte qu’une attaque nucléaire surprise ne décapite la France (Michel Debré alors garde des sceaux a explicitement fait référence à cette crainte lors de son discours de présentation du projet de constitution au Conseil d’Etat). Dans les années 1990 de nombreuses voix se plaçant dans la continuité d’un débat qui dure depuis 1958 appelaient à l’abrogation de l’article 16. Le 11 septembre 2001 les a fait taire pour la plupart en démontrant par l’exemple la fragilité des infrastructures des sociétés modernes.
Vous avez présenté dans votre article les éléments d’exorbitance que présente ce régime de confusion des pouvoirs. Tout en reconnaissant la légitimité de vos craintes, permettez-moi de faire remarquer les garanties formelles destinées à éviter les excès. Le Président ne peut dissoudre l’Assemblée nationale durant une période d’application de l’article 16 et la Constitution ne peut être révisée (une idée de De Gaulle pour éviter un nouveau 10 juillet 1940). La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit une limite de temps comme indiqué dans votre article. Le parlement est réuni de plein droit, ce qui lui permet éventuellement de mettre en accusation le Président de la République ou de voter une motion de censure. Le Conseil d’Etat est compétent pour contrôler la constitutionnalité des règlements autonomes pris par le Président et le Conseil constitutionnel celle des lois et des ordonnances. Or, les possibilités de saisine du Conseil constitutionnel sont plus étendues aujourd’hui qu’en 1961.
Enfin, un élément d’ordre pratique : pour appliquer l’article 16 il faut l’assentiment de l’armée. L’armée française ne montre pas de goût particulier pour le putsch...
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