Bonsoir M. BACHAUD,
Merci pour votre commentaire. Justement sur la question d’un référendum
au sujet de la réforme des retraites, j’avais, il y a quelques semaines proposé un article sur le sujet mais il n’avait pas été publié. J’ai le plaisir de vous le communiquer pour vous permettre d’avoir mon point de vue.
Merci bien, cordialement.
J-M TOKO
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Réforme des retraites : Référendum contre grève générale.
Depuis quelques semaines, certains responsables de gauche (J-L Mélenchon et S. Royal notamment) tentent d’accréditer l’idée de la tenue d’un référendum au sujet du projet de réforme des retraites. Certains organes de presse (L’Express.fr du 14 octobre) y verrait même, de la part de Mélenchon, des intentions bienveillantes à l’égard du président de la République en lui suggérant, de la sorte, une porte de « sortie par le haut »
Ce dernier, de son côté, maintient qu’il ne cédera, en aucune façon, devant le rejet massif de cette réforme par les populations. Qu’il s’en sorte donc par le haut, par le bas ou par le côté, suivant le développement ou l’affaissement du mouvement de contestation actuel importe vraiment peu. La seule direction dans laquelle devraient œuvrer les responsables politiques de gauche est la victoire du mouvement social en cours.
De ce point de vue, la proposition d’un référendum constitue un véritable contre-pied politique de la part de ceux qui, à gauche, adhèrent à cette idée. C’est la contribution la plus nocive qui puisse être formulée à l’heure actuelle.
J’explique pourquoi :
Depuis plus de six semaines, la mobilisation des salariés et de l’opinion publique en général contre ce projet n’a pas faibli. On pourrait même soutenir qu’elle a progressé d’une journée d’action à l’autre.
Ce constat est, déjà en soi, très significatif quand on sait que les journées d’action à répétition, également appelées ‘’journées à saute-mouton’’, dont usent et abusent les directions syndicales, ont la réputation avérée de briser la montée des mécontentements et de conduire dans l’impasse, par lassitude et sentiment d’impuissance, toute contestation sociale d’ampleur nationale, comme on l’a si bien vu en 2008 / 2009.
Mais aujourd’hui, à la surprise générale, manifestations et manifestants se maintiennent à des niveaux très élevés et prennent de l’ampleur. Bien plus, on aura remarqué que les cortèges brandissant des banderoles appelant à la grève générale pour le retrait pur et simple du projet de réforme des retraites se sont multipliés, journée après journée.
Les reportages audiovisuels indiquant clairement qu’il est temps de passer à la radicalisation du mouvement se sont également multipliés. L’un des plus beaux était celui qui montrait des manifestants qui en appelaient à la grève générale et l’abandon de ce projet, devant le Sénat, lors du passage de Martine Aubry auprès des sénateurs PS dans cette enceinte, à l’occasion de l’ouverture des débats sur cette question, le 4 octobre dernier.
Parallèlement, on n’a pas cessé d’entendre les dirigeants syndicalistes (F. Chérèque et B. Thibault) expliquer que les travailleurs ne veulent pas faire grève. L’avant-veille du 12 octobre, à la question qui lui a été posée, sur France Inter, de savoir comment il appréciait la multiplication des préavis de grève, B. Thibault a tranquillement expliqué que s’il allait dans ce sens, il ne serait pas entendu par les travailleurs et la direction de la CGT se couperait alors de sa base.
N’est-ce pas curieux comme réaction, devant la prolifération des appels unitaires à la grève venant précisément de la base ? Sans doute, s’agit-il ici de cette position qualifiée de ‘’responsable’’ que saluent, ensemble, la droite et certaines personnalités du PS comme M. Valls, F. Hollande et J-M Le Guen…
Il est clairement palpable, aujourd’hui, que les directions syndicales (CGT et CFDT) constituent un obstacle interne majeur à la volonté des salariés d’engager une véritable épreuve de force avec le pouvoir sur cette question, et qu’il est probable qu’elles ont dû concéder, bien malgré elles, une nouvelle grève pour le 19 après la journée d’action du 16.
Dans ces conditions, l’idée d’organiser un référendum, de même que la campagne de signatures du PCF sur ce sujet, prend à contre-pied ce qui est entrain de se dessiner.
Outre le fait que la question à poser serait extrêmement difficile à formuler, quelles catégories de population seront concernées par cette consultation ? Les jeunes qui viennent de faire une irruption aussi inattendue que remarquée, et tout autant légitime dans ce débat prendraient-ils part à ce référendum ?
Les efforts développés par les dirigeants de la CGT et de la CFDT pour endiguer la poussée de leurs adhérents vers la grève générale sont déjà suffisamment puissants pour que des politiques, qui savent sans doute ce qu’ils ont derrière la tête, viennent rajouter ici, une proposition qui revient à couper l’herbe sous le pied du puissant mouvement social en cours.
Il y a bientôt deux ans, les politiques et associations diverses avaient entrainé les postiers et leurs syndicats dans une « votation citoyenne » qui a, au bout du compte, fait obstacle aux préparatifs d’une grève de la profession jusqu’au retrait du projet de privatisation de la poste.
La votation qui avait drainé près de deux millions de participants et fait ressortir un rejet massif du projet gouvernemental n’a pas, pour autant, empêché le changement de statut préparant la privatisation de ce service public. Les projets du président Sarkozy sont finalement, si je puis dire, passés comme une lettre à la poste.
De plus, nous savons tous ce qu’il peut advenir d’un référendum. Il suffit de rappeler que le « Non » au référendum sur l’Europe en 1995 n’a pas empêché la classe politique (gauche et droite confondues) de jeter les résultats de cette consultation à la poubelle au fil du temps.
Le président Sarkozy a toujours montré une détermination inflexible pour imposer aux pays, les réformes conformes aux exigences des intérêts financiers et économiques qui l’ont porté au pouvoir. Sur cette nouvelle épreuve de force qu’il entend mener, seuls le refus et la résistance sous la forme d’une grève générale jusqu’au retrait du projet peuvent briser son obstination.
Paris, le 16 octobre 2010
Jean-Marie TOKO
Sociologue - démographe.
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