bonjour, un ami vient de me faire part de votre site, qui est très intéressant ; l’article sur le travail, un mal nécessaire, donne une série de descriptions intéressantes sur l’attitude des français par rapport au travail, mais part d’un postulat explicatif à mon avis extrêment réducteur et faux, qui serait la culture catholique de la France. En revanche, les pays de culture protestante seraient plus travailleurs. Cette causalité sommaire appelle plusieurs commentaires : * de nombreux pays sont catholiques en Europe et dans le monde, notamment l’Allemagne rhénane et bavaroise (yc le Pape Benoît XVI), ont-ils tous cette mentalité « française » par rapport au travail ? * vous reprenez à l’envers la thèse de Max Weber sur l’éthique du protestantisme, qui est intéressante, mais doit-on en conclure que seuls les personnes de culture protestante sont travailleurs ? * Des pays qui ne sont ni de culture protestante ni juive sont - ils forcément rétifs au travail (les chinois par exemple) ? Bref, la thèse explicative religieuse que vous avancez d’un certain nombre de caractéristiques françaises par rapport au travail me paraît fausse. C’est une vieille vulgate intellectuelle. A titre personnel, je suis d’une famille catholique où la valeur du travail est extrêmement puissante. Je vais même être un peu provocateur, mais les valeurs de l’Etat français à Vichy - de sinistre mémoire - Travail Famille Patrie - étaient portées par des personnes qui n’étaient pas anti catholiques. Donc, si l’on cherche à généraliser sur une attitude française par rapport au travail, ce qui est déjà gênant pour les millions de français travailleurs, il faut trouver autre chose que la culture catholique, qui revêt, comme son nom l’indique, un caractère universel. Cherchons donc quelque chose de plus spécifiquement français. J’ai été frappé lors d’une émission de télévision lors du débat sur les retraites dans la fonction publique en 2003 par un professeur qui disait en gros : « mais la retraite à 60 ans, c’est un privilège qu’il faut préserver ». Et oui ! Les mentalités collectives sont toujours imprégnées de cette division de la société en ordres qui remonte au Moyen Âge : les oratores (les clercs, les intellectuels), les bellatores (les guerriers, les politiques), et les laborantores (les autres, ceux qui travaillent pour les 2 classes précédentes, paysans et marchands). Cette dernière classe est vile, non noble, alors que les 2 autres exercent des activités supérieures. Tout l’effort de ce tiers Etat était et est d’appartenir aux 2 ordres supérieurs. Tout l’effort des 2 derniers ordres était ou est de se constituer en corps protégé, privilégié, exempté autrefois de l’impôt, aujourd’hui d’un travail trop pénible et risqué, avec un tas de petits avantages. Voilà peut-être une des raisons pour laquelle le travail manuel notamment, les activités commerciales, et le profit lié à ce travail sont considérés comme honteux, cachés, mesquins. Aujourd’hui, il est clair que les 2 ordres supérieurs sont en crise, car inadaptés dans leur mode d’organisation aux exigences du monde actuel. Ils ont du mal à se réformer, d’où la crise française schizophrénique : on veut à la fois appartenir aux 2 ordres supérieurs (70% des jeunes qui souhaiteraient devenir fonctionnaires, défilés communs anti - CPE et syndicats de fonctionnaires) et en même temps on souhaite réformer ce dysfonctionnement dans le monde actuel, tout en le conservant... A bientôt.
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