• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


sisyphe sisyphe 8 février 2011 14:28
Les juges, boucs émissaires de Nicolas Sarkozy
 
1ère partie 

La mésentente entre les acteurs du monde judiciaire et le président de la République remonte à plusieurs années, alors que ce dernier logeait encore place Beauvau. Nicolas Sarkozy a plus d’une fois tenu publiquement les magistrats pour responsables de l’insécurité dans l’Hexagone. Au risque de se mettre à dos l’ensemble de la profession, qui n’hésite plus à manifester ouvertement sa colère.

Juin 2005, meurtre de Nelly Crémel : « Le juge doit payer pour sa faute. » Le ton est donné. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, s’exprime devant des gendarmes, le 22 juin 2005, quelques jours seulement après la mort de Nelly Crémel, 39 ans, assassinée par deux hommes dont l’un, Patrick Gateau, était en liberté conditionnelle depuis 2003, après avoir été condamné à la réclusion à perpétuité pour assassinat.

En pleine discussion sur la réforme de la loi sur la récidive, qui occupera le terrain parlementaire durant l’été et l’automne 2005, le ministre demande publiquement« comment l’Etat peut relâcher un monstre ».

La riposte des magistrats est immédiate, et témoigne d’un ressentiment nourri depuis déjà quelques temps : « Le ministre de l’intérieur surfe comme d’habitude sur une légitime émotion pour tenter de trouver un bouc émissaire en la personne d’un professionnel qui n’a fait qu’appliquer les lois de la République votées par l’Assemblée nationale à laquelle Nicolas Sarkozy appartenait », s’indigne l’Union syndicale des magistrats (USM) dans un communiqué. Le syndicat saisit à cette occasion le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), « afin que celui-ci rappelle avec force le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».

Dans une tribune-pétition soumise à la signature des 8 000 magistrats en poste, l’USM et le Syndicat de la magistrature dénoncent en outre « [l’exploitation] de la douleur d’une famille pour mettre les juges au pas ». Face à l’emballement, Dominique de Villepin recadre rapidement son ministre. Le 24 juin 2005, il rappelle sur France Inter que « comme dans tout Etat de droit, les magistrats ont vocation à appliquer la loi. C’est ce qu’ils ont fait. »

PRÉFÉRER « LES VICTIMES AUX DÉLINQUANTS »

Le précédent d’Outreau. Lorsque la justice crie à la confusion des genres, Nicolas Sarkozy et son entourage se plaisent à rappeler le récent fiasco judiciaire d’Outreau, au cours duquel plusieurs dizaines de personnes avaient été accusées et condamnées pour des faits de pédophilie qu’ils n’avaient pas commis. Le juge d’instruction Fabrice Burgaud avait alors été désigné comme principal responsable.« Comme on l’a vu avec l’affaire d’Outreau, il ne faut pas laisser un juge sans expérience gérer seul un dossier sensible », souligne-t-on au cabinet de Nicolas Sarkozy.

Affirmant préférer « les victimes aux délinquants », le ministre de l’intérieur propose de mieux encadrer les juges, à travers par exemple la présence de « représentants des victimes » auprès des juges, ainsi que par la nomination d’un juge « chargé de l’information des victimes et de la pleine et entière exécution des condamnations »dans chaque tribunal.

La loi sur la récidive, pomme de discorde. Quelques mois après la mort de Nelly Crémel, la révision de la loi sur la récidive arrive sur les bureaux des parlementaires. Le texte est discuté et voté à l’automne 2005, et prévoit, entre autres et sous certaines conditions, des peines plancher ainsi que la suppression du sursis et des aménagements de peine pour les multirécidivistes.

Les juges « laxistes » du tribunal de Bobigny, acte I. En 2006, alors qu’il est toujours à l’intérieur, Nicolas Sarkozy s’en prend aux magistrats du tribunal de Bobigny, dont le « laxisme » est jugé responsable de l’agression de deux CRS dans la cité des Tarterêts à Corbeil-Essonnes. « Qu’on m’explique comment on empêche un délinquant de récidiver si on n’a pas le courage de les mettre en prison », s’emporte-t-il.

Cette fois, c’est le premier président de la Cour de cassation, Guy Canivet, qui monte au créneau pour défendre des juges qui, depuis Outreau, rendent la justice« les mains tremblantes ». Il en appelle au président de la République, Jacques Chirac, et fustige « une atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire » et à la« séparation des pouvoirs ».





Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès