L’économie chinoise fonctionne sur une sorte de chemin de traverse entre l’économie dirigée et une économie de libre-échange qui rend caduque bien des ratios que nous avons tendance à considérer comme incontournables.
La finalité de l’économie occidentale réside dans la rémunération des capitaux. Manquant de capitaux pour s’insérer dans la globalisation financière, l’économie chinoise s’est entièrement dévolue à l’acquisition de devises étrangères au moyen des excédents de sa balance commerciale. Pour faire rentrer des devises, la Chine se devait d’orienter sa production de biens vers la conquête des marchés occidentaux. Sur un plan systémique, la différence des finalités démontre la différence des systèmes.
Comment interfacer ses systèmes ? Deng Xiaoping a eu cette idée de génie que nous connaissons : un pays, deux systèmes. D’un côté un marché intérieur, progressivement libéralisé, mais toujours étanche vis-à-vis du commerce mondial. De l’autre, des zones franches complètement orientées vers le commerce extérieur disposant d’une main-d’œuvre de production dont le niveau de vie se réfère au marché intérieur. Un gouvernement central fort, hérité de la période marxiste, pilote les deux système dans le cadre d’une planification dirigiste et maintient l’ordre par des pratiques dignes d’un état totalitaire.
Les entreprises chinoises présentent un ensemble hétéroclite d’entreprises, depuis le petit atelier dont la faible productivité est compensée par une main d’œuvre pléthorique jusqu’aux industries les plus performantes. Tous peuvent contribuer aux exportations. Les uns comme les autres vendent avec des marges dérisoires. Les faibles marges, liées à une main d’œuvre sous-payée garantissent des prix impossibles à concurrencer et favorisent la pénétration des marchés étrangers. La fragilité capitalistique qui en découle n’est pas un inconvénient si l’état crée de l’argent et l’injecte dans ces entreprises au fur et à mesure de leurs besoins.
L’émission de monnaie que constituent les prêts aux entreprises peut alors constituer un outil de conquête des marchés. Dans cette hypothèse, ce qui paraîtrait comme un non-sens économique aux yeux d’investisseurs occidentaux constitue une arme de pénétration extrêmement efficace. Il semble en effet que la Chine peut se permettre de faire marcher la planche à billet afin d’injecter des capitaux dans des entreprises n’offrant aucune garantie de remboursement pour autant que ces entreprises contribuent directement ou indirectement aux excédents la balance commerciale. En cela, ces entreprises, même fragiles, répondent à la finalité du système. Sur la totalité de ces investissements, une part permettra l’émergence d’entreprises compétitives solidement installée sur ses marchés extérieurs. Ces opérations ne sont pas si éloignées des opérations de capital-risque que nous connaissons.
Les conséquences inflationnistes de cette pratique sont très limitées. Si l’entreprise coule, l’argent injecté disparaît de la circulation ! Si l’entreprise réussit, les rentrées de devises qu’elle génère viendraient soutenir la monnaie. Cependant, la volonté des dirigeants chinois de maintenir artificiellement une parité yuan-dollar à un taux très faible rend illisibles les conséquences inflationnistes de l’usage de la planche à billet.
L’augmentation récente de l’alimentation qu’évoque Agnès peut répondre à la nécessité d’accroître les revenus des paysans dont les prix de vente sont fixés par le gouvernement. L’incidence de l’augmentation des prix des loyers dans les zones franches sur les salaires ouvriers sera amortie par la part importante de la production hors zone franche. Sans compter que l’augmentation du coût des dortoirs où sont logés les ouvriers des zones franches qui pourrait en résulter reste bien marginale sur les coûts de revient. L’inflation des prix dans les zones franches ne présente pas de risque à moyen terme.
La forte sous-évaluation du Yuan offre également une grande souplesse dans le contrôle de l’inflation. Tout au plus, nous serons amenés à réviser l’estimation de la décote artificielle de la monnaie chinoise. Les Etats-Unis estiment cette décote à 40%. Quelle que soit la précision de ce chiffre, son ordre de grandeur permet aux dirigeants chinois de continuer à créer de la monnaie sans crainte de sueurs froides le jour où ils devront adopter un taux de change réaliste. On ne peut éviter de penser qu’ils se conservent la possibilité de répondre à une demande d’augmentation des salaires par une émission de monnaie. L’art de la chinoiserie ne consiste-t-il pas à reprendre d’une main ce que l’on accorde de l’autre ?
La quantité de monnaie circulant en Chine ne peut néanmoins s’affranchir de toutes conséquences économiques. La forte réévaluation du PNB effectuée récemment pourrait rendre compte d’une plus grande quantité de Yuan en circulation...
Le double système chinois ne manque pas de paradoxes.
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