Bonjour, cher auteur,
votre article est très intéressant et bien documenté. Vous soulevez bien des questions pendantes de l’Afrique contemporaine ; les maux que vous énumérez sont en effet les plus grands freins du décollage de l’Afrique : l’aliénation à l’ex puissance coloniale, l’abandon des cultures nationales africaines (langues, traditions et rites) au profit des modes de vie et de penser de l’ex métropole, le manque de patriotisme et de vrais desseins des dirigeants et élites africains, et j’en passe. Sur toutes ces dénonciations, je suis absolument d’accord avec vous.
Par contre nous avons de vraies divergences, entre nous, sur bien des points de votre articles. Le fait d’accuser, à travers la France et le gouvernement français, l’Homme blanc comme l’unique responsable du malheur des peuples africains, aujourd’hui, me paraît un peu trop facile. L’Afrique francophone, puisque vous tenez à cette différenciation, n’est plus sous joug colonial depuis maintenant 50 ans, on vient d’ailleurs partout de fêter trop pompeusement, à mon goût, le cinquantenaire. Les élites africaines portent directement la responsabilité intellectuelle, politique et morale de tout ce que l’élite française fait subir aux peuples africains depuis les indépendances. Si ces dernières n’avaient pas la ferme intention d’assumer la responsabilité qui échoit à cette émancipation, elles n’avaient qu’à se soumettre, au lieu de tromper leur propre peuple en ne leur obtenant que des pseudo-indépendances. Ca c’est de un !
Le deuxième point qui me semble problématique, c’est, en matière de patriotes africains, de mélanger ainsi les serviettes et les torchons. Mobutu, Mugabe, Kadhafi, Kagame, Diallo Telli, Mba, Sankara, Obiang, Gbagbo ne peuvent pas tous appartenir au même Panthéon des héros et hérauts africains.
Diallo Telli a été une innocente victime du régime initialement patriotique de Sékou Touré. Sankara a été un vrai patriote africain, qui a redonné des raisons d’espérer à la naguère résignée Haute-Volta et qui a préféré se sacrifier pour son peuple. Ces deux-là, vous ne pouvez pas les mettre avec Mobutu, l’assassin du véritable patriote qu’était Lumumba ; vous ne pouvez pas non plus le comparer à Obiang qui confond le budget de son pays avec son argent de poche, que son fils dépense sans compter en France, dans l’achat imbécile de grosses et coûteuses voitures. Mugabe a été un héros mais il démontre, s’il en est besoin, que les héros tombent parfois, surtout sous le ciel africain, de leur piédestal.
Kadhafi, dites-vous, développe son pays ! Il s’est fait plutôt propriétaire et du peuple libyen et de son pétrole, qu’il voulait tout simplement laisser en héritage à ses enfants. Cela n’enlève pas le mérite qu’il a eu dans l’éveil de certains peuples africains. Mais en tirant sur sa population, il entame sa propre disqualification.
Kagamé : il développe son pays, soit ! Mais ne peut-on pas à la fois développer son pays dans la démocratie et la liberté ? Souvenons-nous de ce qui a perdu les démocraties populaires, à l’Est !
Gbagbo, enfin ! Vous lui donnez l’estampille de patriotisme africain que vous refusez à Ouattara. Question alors : Qu’a-t-il fait pour la Côte d’Ivoire que Ouattara ou Bédié ne pourront pas faire ? Préservait-il les intérêts ivoiriens contre la France ? Les langues ivoiriennes contre le français ? Qui distribuait l’eau, l’électricité, le téléphone, exploitait les Ports ivoiriens, les champs de cacao , etc. ? Ne sont-ce pas les mêmes entreprises françaises qu’aujourd’hui ? Ouattara ne fera ni moins ni pire que Gbagbo, convenez-en. Gbagbo en faisant tirer sur des ivoiriens voulant marcher pacifiquement a, à mon sens, perdu tout crédit.
En voulant confisquer la victoire à son rival, il s’est comporté en un vulgaire timonier tropical. Et si vous pensez comme les Beyala, les Toussaint, que Gbagbo a gagné les élections, essayez donc de lire ce que dit Mamadou Coulibaly. La seule différence notable entre Gbagbo et Ouattara, et qui vous fait le condamner Ouattara comme un vendu à la France, c’est le fait qu’on lui attribue des ascendances étrangères (voltaïque ou burkinabè).
Et c’est là qu’apparaît notre troisième grande divergence. Car, contrairement à vous, il ne me semble pas pour le moins aberrant qu’un ivoirien d’origine burkinabè, qu’un rwandais d’origine dirige la Côte d’Ivoire ou la Centrafrique. Cela me semble naturel, vu que les frontières artificielles actuelles des États africains ne correspondent à rien dans l’entendement africain. Elles partagent d’ailleurs parfois des familles. Faire cette différence c’est s’inscrire dans une mentalité plutôt coloniale, qui a consisté à diviser les Africains pour régner. Cela n’étonne personne qu’un Américain d’origine Kenyane dirige les USA, qu’un Péruvien d’origine japonaise soit président au Pérou, qu’un fils d’immigré hongrois dirige la France mais cette chose si simple ailleurs devient forcément suspect quand il s’agit de l’Afrique.
Voici succinctement quels sont mes points de convergence et divergence avec votre article, qui, je le répète, mérite d’être lu.
Bien à vous.
Tao David.
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