La fin de votre papier vous rachète à mes yeux qui trouvent le début presque thésard
En dehors de la fin donc, où apparaît la notion de paresse, vous n’en parlez guère.
Or, si de la désindustrialisation on veut exclure, pendant un moment, les seuls chiffres, il faut aussi parler de l’évolution de la notion de fatigue-travail-paresse
Je ne pense même pas que les aristocrates d’avant 1789 avaient la notion de paresse ou très peu. Il était évident pour eux qu’ils ne devaient pas transpirer et s’user la peau ou le dos. C’était d’une telle évidence qu’ils n’y pensaient même pas. Posons donc que ces gens qui ne travaillaient pas (mais vivaient pourtant de façon plus sûre et confortable que les autres) ignoraient la notion de paresse ou qu’il leur suffisait d’être occupé à quelque réflexion ou conférence pour se sentir pleinement utiles.
Or, la Révolution, si elle a quelque peu perturbé ce dogme, ne l’a pas du tout aboli et immédiatement, des tas de gens, de toute condition, pourvu qu’ils soient un peu instruits, on cherché à remplacer les aristos un moment écartés des facilités.
Malgré Marx, André Malraux, né en 1901, se faisait un devoir (mais cette fois un peu plus coupable tout de même) de ne jamais travailler et de vivre de seule posture.
Il y a donc eu, même après la Révolution, des tas de gens, quasiment de toutes origines, qui ont essayé de vivre sans travailler ou en modifiant le sens du mot travail.
Du sens « travailleur » qu’on accordait à Colbert, on a fait le sens de « travailleur » qu’on accorde à un tradeur, à Paul Loup Sulitzer ou à Dédé la Sardine (André Guelfi)
Un travailleur, autrefois et dans les campagnes ou les mines, c’était un type qui maniait un outil et transpirait 10h par jour pour seulement assurer une vie modeste. Et depuis disons Colbert et dans Paris et Londres, le travailleur est plutôt celui qui ne touche surtout plus à un outil à manche et qui accumule une fortune.
Or nos sociétés ont été brassées, les gens des campagnes étant donc venues dans les villes (ceux des villes se rendant dans les campagnes uniquement pour y glander)
Et au moment où les sueurs des champs sont entrés dans les villes pour y trouver un emploi industriel, Marx s’est mis à les traiter de cons.
Le même type qui suait dans les champs était admirable, mais quand il suait sur un établi de Saint Gobain, c’était un con.
Ce qui voulait alors dire que suer pour soi, c’est bien mais suer pour un patron c’est con.
Malgré Marx, que seuls les étudiants entendaient et s’imprégnaient du principe révélé, les paysans qui ont fuit les campagnes (parce qu’une machine y remplaçait dix hommes) ont conservé leur sens du travail, de la dignité par le travail dur. Et nous avons donc eu des ouvriers raillés par les étudiants et intellectuels qui, la tête dans le guidon, persistaient à bosser dur.
Puis, à la sortie de la guerre, les conditions étaient devenues bien plus favorables à l’instruction
et déjà en 1965, même à Clichy Sous Bois, il y avait déjà des familles réticentes à l"idée de placer leurs enfants au CET. Même pour le CES (Pailleron) c’était limite dégradant.
Car il y a eu l’immigration, le bougnoule. Contrairement à l’Italien et au Polonais d’avant, le bougnoule était à mépriser jusqu’à l’os.
Alors se retrouver à l’usine à bosser dur à côté de bougnoules dont la dévolution était, dans la foi du colonialisme, de bosser comme des esclaves, était devenu insupportable.
Ce n’est pas seulement dans les HLM que les Français ne voulurent plus côtoyer les immigrés issus des colonies, c’était aussi à l’école.
Il se dessinait donc de plus en plus que le travail en usine, autour des machines, était à laisser aux bougnoules (bennes à ordures, marteaux-piqueurs remplaçaient marteau et faucille mais étaient bel et bien réservés aux bougnoules)
Les patrons se retrouvèrent avec une désaffection d’ouvriers de qualité et de culture française. Ils durent se débrouiller avec des employés parlant peu ou mal le français. L’idée leur vint alors que si d’une part on peut se contenter d’une qualité moindre et d’autre part faire avec des étranger, on pouvait aussi bien monter des usines à l’étranger.
Et pendant ce temps là, est arrivé un bien curieux outil : l’informatique.
On est loin de la pioche et de la scie mais voilà, on lui a donné le nom d’outil quand même.
Alors quand on clavarde, on est travailleur, on travaille.
Ca fait donc 40 ans que des Français, désormais tous instruits des concepts marxistes, tous convaincus que ce n’est pas à eux de récurer les égouts, ne conçoivent, comme établi le plus dur auquel ils doivent s’atteler, que le clavier, le micro et la caméra.
Et on serait censé vivre ainsi.
Il n’est donc pas normal, à mes yeux, de parler des causes de la désindustrialisation, et de zapper le fait que plus aucun Français ne voulait bosser en industrie (ou alors seulement assis et en clavardant ou en bavardant, un verre de café à porté de main à la manière de notre ami Bernard Dugué)
Vient alors la comparaison pays par pays.
Si tels ont été les ressorts de la France, pourquoi la situation de l’Allemagne est différente de la nôtre.
Il suffit en fait d’un delta de 2% dans les degrés de ce que je viens de dire pour, qu’au terme de 40 ans, les deux pays se retrouvent dans des situation différentes.
Les Allemands ont eu de grands intellectuels. Mais au monde, ce sont les Français qui ont le plus considéré que leurs Penseurs étaient de très grande envergure et Lumière internationale.
En France, même après 1789, on a cultivé nos coupoles et Sorbonnes. On cultive les vieux rayonnages de la biobliothèque Richelieu.
Et les hommes politiques qui se disaient disons au moins un peu marxistes ou socialistes, ont très régulièrement fait donner l’armée contre les ouvriers
En Allemagne, dès 1875 (congré de Gotha) le parti ouvrier (qui adore alors le monde de l’industrie) devient très puissant et géant. On y est très fier d’être ouvrier bossant dur (et on y développera les premiers principes d’ergonomie au travail)
Hitler avait évidemment tenu compte de cette caractéristique très ouvrière que les conflits et défaites n’ont jamais réduite. Et il n’est pas besoin de faire long pour démontrer que son industrialisation de qualité lui avait permis de tenir le Monde entre ses mains et pas qu’un monde fait de bougnoules.
Aujourd’hui, l’Allemagne perd également une partie de son tissu industriel mais conserve une avance sur nous.
Un pays peut-il durer si plus personne ne veut y tenir soit un marteau soit une faucille ?
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