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Henri Masson 27 juillet 2006 09:35

Je ne doute pas que Charles de Gaulle connaissait l’espéranto à la façon dont la quasi totalité des hommes politiques le connaissent, ce qui équivaut à zéro. Car pour mettre l’espéranto au niveau du volapük, il faut ne connaître de l’une et de l’autre de ces langues à peine plus que le nom. Si de Gaulle avait connu l’espéranto, ça n’aurait pu être qu’à travers des rapports datant de la période quand le gouvernement français s’était farouchement opposé à toute discussion sur l’espéranto à la SDN, c’est-à-dire de 1921 à 1923. On peut supposer qu’il y avait un dossier noir au quai d’Orsay, dans lequel se trouvait l’espéranto (qui sait s’il n’existe pas toujours ? C’est d’ailleurs ce qu’avaient suspecté Edmond Privat et l’ingénieur général de la Marine Maurice Rollet de l’Isle, deux des plus éminents espérantistes de l’époque). C’est la période peu glorieuse durant laquelle le gouvernement fit occuper la Ruhr. La circulaire Bérard du 3 juin 1922, interdisant l’utilisation des locaux scolaires pour les cours d’espéranto, fut abrogée en 1924 par son successeur sous le gouvernement d’Édouard Herriot. La même année, 42 savants de l’Académie française avaient émis un voeu en faveur de la Langue Internationale : http://www.esperanto-sat.info/article207.html

Une comparaison de l’« avis » méprisant de de Gaulle à celui émis par d’autres hommes politiques français montre déjà un tout autre niveau d’approche :

Georges Clemenceau : "Ne laissons pas partir sans un adieu cet homme de bonne foi, de volonté et d’apostolat... Il passa sa vie à bâtir de toutes pièces une langue internationale, l’Esperanto, qui a peut-être des chances, même après la mort de son créateur, de rester une oeuvre vraiment vivante. Je m’empresse de dire que je n’ai point lu le fameux Fundamento de Esperanto du Dr Zamenhof, ni les traductions qu’il a faites des oeuvres de Molière, Shakespeare, Goethe ou Gogol. Mais je suis prêt à reconnaître que l’Esperanto a des qualités de logique, de clarté, de simplicité et surtout de facilité, qui donnent de la valeur et de la force... Son vocabulaire, bien que restreint, est assez riche et assez nuancé pour s’assouplir à la rude discipline de la traduction des chefs-d’oeuvre de toutes les littératures étrangères ; il est assez souple pour exprimer toutes les pensées humaines.« ( »L’homme enchaîné", 18 avril 1917, donc 4 jours après la mort du Dr Zamenhof)

Cette reconnaissance des mérites de Zamenhof appelle quelques commentaires qui ont été publiés dans « Espéranto-Vendée ». C’est erreur de dire, par exemple, que l’espéranto a été créé « de toutes pièces ». L’expression « vocabulaire restreint » mérite aussi des éclaircissements. voir : http://www.esperanto-sat.info/article148.htm

voir aussi : http://www.esperanto-sat.info/article147.html

et http://www.esperanto-sat.info/article139.html

Paul Painlevé (1863-1933), membre de l’Académie des Sciences, député, Président du Conseil en 1917 et 1925, Ministre de l’Instruction publique en 1915 et 1916 (aux espérantistes) :

“De quel aveuglement faut-il vraiment être victime pour ne pas voir que l’œuvre que vous poursuivez est une œuvre grandiose et qu’en la poursuivant vous servez à la fois les intérêts de la France et de l’Humanité“

Léon Blum : « Je voudrais que dans tous les villages et dans toutes les villes, on enseigne l’espéranto qui serait un facteur pour l’entente des peuples et le plus sûr moyen pour maintenir la paix universelle. »

La fin est peut-être exagérée, mais il est hors de doute que l’espéranto peut contribuer fortement à une évolution des mentalités qui renforcerait le sentiment d’appartenance à une entité plus vaste que celle de la nation, premier pas vers la « République Universelle » dont rêvait Victor Hugo. Sans doute un « petit pas », mais autrement plus important pour l’humanité que celui du jour où l’homme marcha sur la Lune.

Hors de France, il existe des avis autrement plus dignes de foi du fait que ceux qui les ont prononcés étaient des locuteurs de l’espéranto :

Franz Jonas, président de la république d’Autriche, en espéranto lors de son discours d’accueil prononcé dans un parfait espéranto (l’enregistrement existe) au congrès universel de Vienne en 1970 :

« Bien que la vie internationale devienne toujours plus intense, le monde officiel perpétue les vieilles et inadéquates méthodes de compréhension linguistique. Il est vrai que la technique moderne contribue à faciliter la tâche des interprètes professionnels lors des congrès, mais rien de plus. Leurs moyens techniques sont des jouets inadaptés par rapport à la tâche d’ampleur mondiale à accomplir, c’est-à-dire s’élever au-dessus des barrières entre les peuples, entre des millions d’hommes. »

A noter en passant (ça cadre parfaitement avec le contenu de cet article), que, lors d’une visite officielle à Paris, le 22 mars 1972, le président Jonas avait réservé un instant pour une délégation de trois espérantistes français (dont Roland Grandière pour SAT-Amikaro) à l’Hôtel Crillon, où se tenait une réception avec de nombreux ambassadeurs étrangers, ministres et journalistes. A la grande surprise de tout ce beau monde, il avait eu l’audace de parler en espéranto, comme à des amis de longue date, avec ces trois représentants. Il avait manifesté de l’intérêt pour la situation de la langue en France, en particulier auprès des jeunes. Dans son numéro du 25 avril 1974, après la mort du président (le 24.4), le correspondant à Vienne du « Monde » n’avait rien trouvé de mieux que de faire une allusion désobligeante à son goût immodéré pour l’espéranto. Il me semble qu’une allusion du même tonneau était déjà parue dans le numéro de ce quotidien après la visite du président à Paris. Si un lecteur ou une lectrice peut me procurer l’image jpg de cet article, merci d’avance ! Ça mérite d’être encadré et montré dans des musées de l’espéranto et aussi de la presse.

Après cette digression, il semble utile d’ajouter l’avis de Wilhem Drees (1886-1988), qui fut longtemps premier ministre des Pays-Bas à partir de 1947 et l’artisan du relèvement de ce pays après la seconde guerre mondiale : « Nous devons enfin avoir une langue commune pour l’utilisation internationale et, aussi séduisante que puisse paraître l’idée de choisir pour cette langue internationale l’une de celles qui sont déjà parlées par des centaines de millions d’hommes, je suis malgré tout convaincu qu’une langue neutre comme l’espéranto - devant laquelle tous les hommes se trouvent égaux en droits - est préférable. »

Lui aussi le parlait parfaitement et il était membre de FLE, l’équivalent de SAT-Amikaro pour les Pays-Bas.

Ferdinand Eisen, Ministre de l’Education d’Estonie (genre vilain petit canard pas vraiment apprécié par le pouvoir soviétique !) : « L’enseignement et la diffusion de l’espéranto aident ensemble à une meilleure compréhension entre les peuples, à l’accroissement de la communication entre les jeunes de divers pays, à leur éducation dans l’esprit de l’internationalisme, dans l’esprit de compréhension et d’estime des autres cultures. »

Il y a eu aussi Tito, qui l’avait appris en prison : “L’espéranto doit être introduit dans les écoles, non point par un décret d’en haut, mais par l’exigence consciente de l’opinion publique informée, par conséquent depuis la base d’une manière vraiment démocratique.“

Ce que visent mes articles, c’est précisément d’informer l’opinion publique. Ceux qui y voient de la propagande ou du prosélytisme ont l’esprit sérieusement tordu, car en matière de propagande, de bourrage de crâne et de prosélytisme, il y a surdose pour l’anglais.



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