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Adamantane 4 février 2006 18:35
Adamantane-Freemen69

- 1-Une observation prélimaire

Le titre de France soir « oui, on peut caricaturer Dieu » impliquait un changement de perspectives quant aux faits. Le sujet des caricatures incriminées (enfin, mises en examen) n’est pas Dieu. Plus modestement, un des messagers d’une des formes de Dieu. Allah est grand, et Mohamet est son prophète, avais-je appris à l’école primaire. Les dessins publiés ici et là ne sont pas des dessins d’Allah. Peut-être d’ailleurs eut-ce été moins remarqué. Les messagers des religions sont anthropomorphes, voire franchement humains, donc accessibles au caricaturiste, qui peut déformer leurs traits pour faire passer son message. Mais comment déformer les traits du dieu, essentiellement irréductible à une image, même si descriptible par un symbole, de n’importe quelle religion, à l’exception peut-être de la chrétienne dont un des sommets du triangle trinitaire se serait incarné ?

Donc mieux vaudrait avoir intitulé la une de France soir « oui, on a le droit de caricaturer le messager ». Donc le très pneumatique nuage céleste de la une aurait dû accueillir comme canapéens représentatifs Muhammad, Moïse , Zoroastre, Siddharta Gautama, Lao Tseu, Kongfuzi, Saint Jean, Paul de Tarse, Luther ou Calvin,...

C’est à cette caricature du messager de leur foi et rédacteur de leur livre de référence que nos frères musulmans réagissent.

- 2-Des paradoxes logiques

Je ne voudrais pas avoir à trancher par voie légale entre liberté d’expression et respect des croyances, dans la mesure où, en la matière :
- la liberté d’expression est mise en oeuvre telle que vue et filtrée par l’émetteur du message,
- et le respect des croyances est filtré et évalué, lui, par le récepteur du message. Ce qui fait qu’il est possible de débattre (au mieux)et surtout s’insulter, voire de s’étriper (au pire) pendant une éternité sans trouver d’accord. D’autant plus que par définition les caricatures, comme les pamphlets, ne sont pas faites pour exprimer un message de respect serein, mais d’impertinence frondeuse, voire franchement d’irrespect militant.

Autre imbroglio sémantique : si la théologie et/ou la tradition musulmane interdisent aux fidèles confessant cette religion de tracer une représentation visuelle du prophète, elles interdisent logiquement et symétriquement d’en regarder s’il y en a de présentées comme supposées telles ; ceux qui ont dénoncé ces images n’ont-il pas péché en les analysant au point d’y reconnaître leur messager, qu’ils ne peuvent par définition identifier, n’ayant jamais licitement regardé son image ?

- 3-Quelques questions de forme

- où finit la représentation dévote et où commence la caricature insultante ? Le combat entre les représentations licites du christ en croix (les fameux crucifix jansénistes)ne font plus recette aujourd’hui, mais ils ont causé des dégats à l’époque...

- quelle est la valeur ajoutée par les dites caricatures ; pour mon goût, elles n’ont rien de particulièrement spirituel ? (Je sais, elle n’est pas très bonne). Je reconnais les avoir regardées. J’avoue ne pas en avoir compris la valeur ajoutée soit esthétique, soit même polémique.

- un texte est-il plus ou moins une représentation qu’une image (voire un son, une odeur), et sur quelles bases distinguer entre les deux pour n’en interdire qu’un ? Comme on le sait, la calligraphie permet de construire une image avec des lettres...

- un croyant en la foi « A » peut-il imposer sa règle de vie intime à des incroyants pour lui (certains disent mécréants, d’autres gentils, d’autres infidèles, etc.), c’est à dire à des croyants dans les fois (je ne sais même pas si le mot foi admet le pluriel...tous les exemples du dico sont au singulier) « B », « C », « D », etc. ? Autrement dit, pourquoi certains considèrent-ils leurs moeurs comme ayant valeur universelle, leurs prescriptions éternelles, leurs interdits indiscutables ? Obliger sous la menace un musulman pratiquant à représenter le visage du messager serait un crime. Mais en quoi est-il interdit à un infidèle d’en prendre le risque ? Ceci dit, les convenances sociales, le savoir-vivre, souvent moqué mais tout de même bon régulateur des rapports sociaux, suggèrent d’éviter de heurter les coutumes, même perçues comme étranges, même jugées archaïques de ses hôtes. A l’heure de la mondialisation, tout le monde est l’hôte de tout le monde, et la pédagogie du respect mutuel peut faire l’économie du choc frontal entre cultures.

- 4-Et quelques questions de fond :

- Qui est le petit génie de la communication qui a réussi à transformer quelques lignes sur du papier en incident international, interethnique et interconfessionnel ?

- Qu’en pense l’archange Gabriel ? Il a en effet trempé dans plusieurs affaires bien connues de nos frères hébreux, musulmans et chrétiens. Gabriel, alias Dieu s’est montré fort, avait pour mission selon le livre d’Énoch de manager les serpents, le paradis et les chérubins ; il inclura on le sait dans cette mission, usant largement de la délégation divine et prenant d’étonnantes initiatives :
— l’alimentation onirique du prophète Nabi Daniel,
— l’annonce faite à Zacharie (celle-ci est souvent oubliée), puis à Marie,
— et enfin, sous le nom de plume de Djibril, la dictée du Coran à celui qui se faisait appeler le prophète illettré (je remercie de ne pas prendre ce qualificatif pour une injure à Mahomet ; je renvoie à la Sourate Al-A’raf, verset 158), se trouvant ainsi impliqué impliqué dans des événements relatés dans les traditions des trois religions dites du livre (un livre, ça peut aussi s’illustrer...).

- Pourquoi les commerçants en alimentation du moyen-orient et d’ailleurs ont-ils eu besoin de ce casus belli pour cesser de vendre du camembert danois à leurs clients ...Il y avait d’autres motifs plus naturels (bon je vais maintenant déclencher une guerre gastronomique entre amateurs de fromages !).



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