Comme mes précédentes interventions ont connu un franc succès, et que, après tout ce fil est celui de Bernard, je propose une petite réflexion de philo, sur ce texte de Tocqueville :
« Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme... Au-dessus d’eux s’élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux... il travaille volontiers au bonheur des citoyens, mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins... conduit leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? »
Bien que Tocqueville fasse cette description sur la société américaine, elle s’applique assez bien à notre monde.
Maintenant, un petit détour par Piaget : Il est frappant de constater combien toutes les formes préscientifiques de causalité consistent en des assimilations directes du réel aux actions humaines.
Ce qui rejoint l’oeuvre de Lévy-Bruhl, sur la mentalité primitive.
L’attitude animiste consiste donc à attribuer à tout fait social une source, une volonté. Dans cette pensée, pas de complexité, pas de phénomènes émergents. Loin d’être l’unique apanage des seuls "primitifs", cette forme de pensée est au contraire très largement commune.
Une forme extrême, bien connue des lecteurs d’Avox, s’exprime dans le "complotisme". C’est, disons, la forme noire, diabolique de la mentalité animiste. Mais, il existe aussi une forme "angélique", qui attribue aux pouvoirs, à l’état, la responsabilité de tout, ou presque, ce qui est. Et notamment bien sûr, l’économie. Autrement dit, si j’ai dans ma vie quotidienne des difficultés, l’état, le gouvernement est bien sûr responsable. Cette attitude a l’avantage de la simplicité. Elle est aisément compréhensible, aisément partageable, voire, comme un virus, aisément communicable. Tout, échec scolaire, pauvreté, délinquance, etc, a donc un ou des responsables.
A ce point du raisonnement, retour encore au génial Tocqueville : Qu’on écoute attentivement la voix de nos différents partis, on verra qu’il n’y en a point qui [n’adoptent ces idées]. La plupart estiment que le gouvernement agit mal ; mais tous pensent que le gouvernement doit sans cesse agir et mettre tout à la main. Ceux mêmes qui se font le plus rudement la guerre ne laissent pas de s’accorder sur ce point. L’unité, l’ubiquité, l’omnipotence du pouvoir social, l’uniformité de ses règles forment le trait saillant qui caractérise tous les systèmes enfantés de nos jours. On les retrouve au fond des plus bizarres utopies. L’esprit humain poursuit encore ces images quand il rêve. »
Voilà la conclusion que j’en tire : demain, un culte animiste va défiler dans nos rues. Ce culte adore l’état, il en attend tout, ou presque. D’une certaine manière, il n’a pas tort : car l’état vit de cette adoration, et nous aurons certainement droit à quelques mesures bien démagogiques pour satisfaire ceux qui, les mieux organisés, les plus bruyants, auront su célébrer le rite animiste de la bonne manière.
Place maintenant à la prière, mes frères : Etat, donne nous notre pain quotidien, etc......
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