Je pense que vous n’avez pas dû voir cette réponse : http://www.agoravox.fr/spip.php?page=forum&id_article=65265&id_forum=2318031
Par samosatensis (xxx.xxx.xxx.33) 22 novembre 02:05
Je
crois qu’il est nécessaire de bien séparer deux questions, d’une part
Wikipédia et d’autre part l’état actuel de la science historique.
Sur
Wikipedia, il n’y a pas grand chose à dire : les règles de cette
encyclopédie lui impose d’agir comme elle l’a fait, ses rédacteurs ne
peuvent pas s’ériger en comité scientifique, ils reprennent donc l’état
officiel de la science. Cela peut certes empêcher Wikipedia de
présenter la vérité scientifique de demain ou la prochaine grande
révolution de la connaissance, mais ce ne sont pas les buts de
Wikipedia qui ne vise qu’à offrir l’état du savoir aujourd’hui.
Sur
le second point l’état actuel des connaissances sur les Gaulois,
Bibractes etc, il y a énormément à dire, à commencer par les évidences
qui semblent échapper aux modérateurs d’Agoravox et qui expliquent que
les opinions exprimées par M. Mourey ne sont pas reçues par les historiens et archéologues professionnels.
1) M. Mourey
remet en question, si j’ai bien compris, toute la chronologie de
l’histoire de l’art en datant de l’antiquité tout un ensemble de
bâtiments qui sont classés de manière unanimes dans la période
médiévale. Quels arguments apportent-ils pour une si grande
révolution ? Bien peu au regard de ce qu’un si grand bouleversement de
nos connaissance exigerait : a-t-il fait des études typochronologique
détaillées ? A-t-il des datations incontestables (C14,
dendrochronologie etc) ? A-t-il des sources écrites explicites
(inscriptions de fondations, dédicaces de monuments, archives) ? A-t-il
des analyses archéologiques claires sur la chronologie, des
stratigraphies ? Rien de tout cela, juste une conviction personnel sur
ce à quoi doit ressembler une ville et plus particulièrement une ville
gauloise.
2) Sur Bibracte quels sont ses arguments ? Selon lui il
n’aurait pas été logique d’y implanter une ville, certains de ses
lecteurs entérine cet argument avec des constructions logiques comme
celle-ci « si j’étais un marchand où est-ce que j’irai ? » Ce type de
construction intellectuel a certain mérite mais il est considérablement
fragile : c’est la meilleure occasion de projeter de manière
anachronique nos conceptions sur celles du passé. c’est une erreur
grave de méthodologie historique de ne pas prendre en compte, de ne pas
chercher à établir la différence qui existe entre le passé et nous.
Plus ce passé est lointain, plus cette erreur est grave. M. Mourey
abolie complétement cette différence, on voit donc en quoi il peut
choquer les spécialistes. L’argument sur les marchands ne porte pas :
qu’est-ce qui décidait à implanter une agglomération en tel ou tel
endroit à la fin de l’âge du fer ? On en a peu d’idée : nous n’avons
aucun texte. Prétendre que seules les contraintes marchandes ou autres
comptait est une pétition de principe. L’existence de minière
actuellement fouillées au Beuvray peut expliquer certaine chose, mais
l’essentiel nous manque : la culture, la mythologie, le détail de
l’organisation du territoire, des cultures. Faire fi de ces lacunes
dans nos connaissances c’est manquer de l’humilité nécessaire à toute
recherche.
3) Pour M. Mourey,
Bibracte serait Gorgobina, la ville serait donc postérieure à l’arrivée
de César en Gaule, les amphores qui y sont présentes ne seraient que du
ravitaillement. Ces arguments sont absolument irrecevables au regard de
ce que l’archéologie nous apprend sur le site :
* On mentionnera
l’unanimité absolue de toute la communauté scientifique sur la
question. Il y a à Bibracte des chercheurs de nombreux pays, de
Leipzig, de Budapest etc et depuis maintenant des années. Il n’y en
aurait donc pas un pour soulever le problème ? Ce que dit M. Mourey
sur les comités de lecture, les revues etc est faux, des travaux
iconoclastes et nouveaux passent, invoquer un complot c’est se
défausser un peu rapidement. Rien n’est plus faux que d’imaginer la
communauté des historiens et archéologues commer fermée et copains
comme cochons, les polémiques scientifiques peuvent être vives et
l’ensemble est marqué par une certaine compétition, s’il y avait
possibilité de contredire quelqu’un sur ce point, d’ériger une
réputation scientifique en cherchant Bibracte ailleurs cela aurait été
fait, si cela ne l’est pas c’est que cela n’a aucun intérêt
* On
reconnaîtra certes que l’on connaît surtout les niveaux les plus
récents de Bibracte. Mais c’est la conséquence de l’étendue du site et
de sa richesse. A la pature au couvent les archéologues ont fouillé une
domus d’époque augustéenne, juste en dessous ils ont trouvé une
basilique romaine (donc construite entre césar et auguste). c’est une
découverte de première ampleure : il y a eu à Bibracte une architecture
romaine monumentale, un projet d’urbanisme romanisé dès 40 av.
J.-C. C’est unique et exceptionnel : la richesse de ces niveaux fait
qu’ils sont actuellement privilégiés.
* des murailles immenses :
deux enceintes ont été reconnues, les quantités de matière (bois et
fer) qu’elles ont mobilisées supposent une quantité de travail énorme
et une durée impossible à placer entre césar et auguste. la typologie
et l’analyse de ces murailles orientent vers une date antérieure à la
guerre des gaules. Il y a d’autres indications. Les fouilles de la
Terrasse sur la Chaume montre qu’elle fut créée dès le IIIe siècle
avant J.-C., ce simple fait contredit toute l’argumentation sur les
Boïens. Est-ce que sur son Mont-Saint-Vincent M. Mourey a un seul fossile directeur ? Un seul bâtiment , un seul objet rentrant dans une typologie laténienne ?
*
Non il a postulé un lieu de bataille en un endroit et postule un
oppidum à 27 km de là. mais son hypothèse sur la bataille a-t-elle un
début de vérification expérimentale ? Je ne crois pas. Selon lui la
vérité vient uniquement du texte de césar. Au regard des possibilités
de l’archéologie aujourd’hui c’est une aberration méthodologique. M. Mourey
a précisé dans un de ses articles qu’il traduisait César « mot à mot ».
Faut-il préciser que tout ceux qui ont pratiqué une langue étrangère
savent que le mot à mot est à proscrire ? Quelle est la qualité du
travail philologique de M. Mourey,
sur quel corpus de manuscrits s’appuie-t-il ? Quand il choisit tel ou
tel mot pour traduire tel ou tel terme latin sur quels parallèles
s’appuie-t-il ? M. Mourey affirme
beaucoup mais ne prouve rien, du moins rien selon les critères minimaux
des sciences contre lesquels il prétend s’élever.
* Ainsi des
amphores sur le Beuvray. Pour lui c’est le ravitaillement de Gorgobina.
Qu’est-ce qui lui permet d’affirmer cela ? On ne le sait pas. Que le
lecteur d’Agoravox peu au fait des choses apprenne ici qu’à partir d’un
col d’amphore on est capable de retrouver la chronologie de production
de l’amphore (grace à la typochronologie et au classement des amphores
en type qui ont des noms comme dressel 1 etc), le lieu de production
(par analyse chimique de la pâte) et parfois le propriétaire du lieu de
production (par lecture des timbres estampillés dans la pâte). Les
amphores du Beuvray sont bien connues, ont été triées, analysées,
attribuées, cela permet de voir les liens commerciaux entre éduens et
romains, de leur donner une chronologie et une géographie. Cette
géographie et cette chronologie ont bien évidemment un début antérieur,
et largement, à l’arrivée de César. bref une analyse sérieuse des
amphores de Bibracte interdit complétement la thèse du ravitaillement
des Boïens. M. Mourey a-t-il analysé
chimiquement les amphores dont-il nous parle ? Les a-t-il classé
typologiquement ? A-t-il dressé le catalogue des timbres, confronté ces
résultats aux autres lieux de trouvailles d’amphores, aux épaves de
navires commerciaux etc ? Non. Absolument non. Et pourtant il tranche
sans vergogne sur l’origine et la date de ces amphores en énonçant une
contre-vérité. Pour ceux qui le désire je pourrai signaler les
publications scientifiques qui permettent d’approcher ces travaux qui
ont porté sur les amphores de Bibracte. A elles seules elles réduisent
à néant les hypothèses de M. Mourey.
* L’argument sur les monnaies n’a pas plus de valeur. M. Mourey
se plaint qu’on n’a pas de monnaie d’or sur le Beuvray. Il faut
apprendre au lecteur que l’on sait depuis les travaux de Jean-Baptiste
Colbert-de-Beaulieu que les éduens, et d’autres peuples, avaient
alignés bien avant la guerre des gaules, leur monnayage sur celui de
Rome et utilisaient donc l’argent et le bronze essentiellement. Par cet
argument M. Mourey montre son ignorance du monde protohistorique et des recherches depuis plus de 50ans.
*
Je raconte un peu l’histoire de Colbert-de-Beaulieu car elle infirme
complétement les idées ici présentes sur la fermeture et la censure des
scientifiques. CdB était un médecin numismate amateur. Recevant un
trésor de monnaies gauloises il l’étudia selon les pratiques
habituelles. En faisant cela il commettait une hérésie : tout le monde
pensait que les Gaulois avaient un monnayage irrationnel et
s’interdisait de faire ce type d’analyse (analyse par recherche de
similitudes de coins). CdB allait donc frontalement contre la science
établie de son époque. Qu’arriva-t-il ? Sa démonstration était menée
rigoureusement, tout le monde fut convaincu, il devint le plus grand
spécialiste des monnaies celtiques. Comme quoi le monde académique peut
tout a fait accepter de voir ses certitudes remise en cause par un
amateur, encore faut-il que la démonstration tienne.
4) Qu’est-ce
qu’une ville gauloise, comment la reconnaître ? Imaginer les villes
gauloises sur le modèle des bourgs et ville du Moyen-âge est une faute
méthodologique on l’a vu, c’est aussi mépriser le travail des
archéologues depuis plus de 100 ans mais aussi mépriser les qualités
techniques de la civilisation de la Tène, civilisation du bois, de
l’adobe et du fer. L’effort en sidérurgie nécessité par un murus
gallicus comme celui du Beuvray est techniquement et
économiquement bien plus impressionnant que les pierres du Mont
Saint-Vincent. Il faut cesser de juger le monde à l’aune de son propre
point de vue, de penser que de tous temps on a fait les villes, la
guerre et le commerce de la même manière. Aujourd’hui les techniques de
fouilles permettent de retrouver et de dater finement des architectures
de bois et de terres et révèlent l’organisation des villes gauloises.
Ce n’est pas en rêvant sur des villages médiévaux que les lecteurs
d’agoravox prendront connaissances des véritables nouveautés sur les
gaulois.
5) gergovie. Un simple fait : dans les murailles du plateau
de Gergovie (qui s’appelait bien ainsi depuis le moyen-âge et ne
s’appelait pas plateau de merdogne, je peux donner une liste de
document médiévaux auvergnat qui est sans appel) on a retrouvé, en
position, un fer de trait de catapulte romain (encore une fois la
typologie permet d’être sûr du contexte). Et la fouille de la muraille
a montré comment elle a été complété d’urgence comme le texte de césar
le dit précisément. Bref on a les traces mêmes de la bataille et il n’y
a plus d’hésitation possible. Bien sûr après on peu tordre le texte de
césar dans un sens ou dans un autre pour chercher où l’on veut ce que
l’on veut - et y placer ensuite aussi l’atlantide est une autre
histoire - mais pourquoi les scientifiques devraient-ils écouter ce
genre d’hypothèse ?
Conclusion : on est quand même très peiné de
voir qu’au lieu d’avoir sur Agoravox des articles présentant au public
l’état réel des recherches historiques et les découvertes souvent
passionnante (basilique de bibracte, centre ville de corent,chevaux de
gondoles, casques de tintignac, origines de lyon etc) la discussion se
polarise autour d’hypothèses totalement éloignées de la méthodologie
historique et de la pratique de l’archéologie, et cachent leur manque
d’argument scientifique derrière des accusations - complot de
l’archéologie officiel - et des proclamations souvent hors-sujet.
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération