• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Signaler un abus

Darkhaiker 17 octobre 2013 19:16
Darkhaiker

La culture n’est pas la nation, même si celle-ci se définit essentiellement par cela, et même et surtout si la culture est sociologique : dans sa sociologie, des éléments « spirituels » ou « métaphysiques »

coexistent avec des éléments plus « ethniques » ou « populaires », comme l’a bien monrré Simmel.


Si tous ces éléments sont manipulables ou évolutifs, il y a des noyaux de cristallisation auxquels on ne peut toucher, sous peine de trahir et dégénérer « l’essence » d’une culture : exemple : l’utilisation faite par les nazis de Nietzsche, ou à un autre niveau, d’une certaine culture scientifique.


Mais l’existence d’une culture « dégénérée », comme celle du nazisme, ne tombe pas d’un ciel positivement métaphysique : elle tombe du ciel métaphysique « négatif », nihiliste. Celui qui nie le sens de la vie, non pas en ce monde limité par l’homme et ses fantasmes de puissance, mais au niveau « universel », de la raison d’abord et de la fraternité (« désastre de l’intelligence » et « mourir solitaires »).


Ce qui s’oppose, ce ne sont pas deux pays, ou même deux cultures, mais d’une part, un certain humanisme, et d’autre part un humanisme inhumain au nom de l’humain, dont sont revenus d’ailleurs des gens comme Ernst Junger, allemand remarquable ayant fait le tour de la culture allemande en profondeur, pour reconnaître, comme Nietzsche et bien d’autres allemands, « la lumière de midi », venue de méditerranée.


Mais j’aime votre article, il est humain, au sens plein et noble, malgré un antinationalisme communiste fraternitaire, à la fois plein de tendresse humaine et de ressentiment pour une culture française parfois très arrogante, quand elle ne fut pas, alliée au nazisme, criminelle. Cependant, un cercle a un centre, qui ne peut être partout et nulle part. Et je ne crois pas que l’on puisse mélanger, même avec un romantisme que je comprends, quand on se bat, centre et circonférence.


Quand Camus parle d’esprit, je ne crois pas vraiment qu’il parle de la France, pas plus que Bernanos ne définissait celle-ci par un territoire, pas plus que beaucoup, parfois à tort, considèrent encore la France comme un « pays » phare, non de la prétention, mais d’une certaine intelligence « sensible », non pas « universalisante » au sens normatif impérial, mais ouverte aux cultures essentielles du monde et de l’esprit, et de leur liberté. Je crois que si quelqu’un aimait l’esprit, c’était bien Camus, contre un certain « esprit national ». Ce qui est certain, c’est que Camus était pour un certain « métissage », physique et spirituel, et admirait, pour cela, le Brésil.


Mais le problèmes est ailleurs : dans l’affrontement de deux humanismes, dont l’un, et vos citations le montrent bien, désespère de tout, sauf de l’ordre donc, et considère que l’ordre prime sur l’injustice, et l’autre, qui considère que le désordre est la première injustice, comme l’injustice le premier désordre. Il n’y a pas à choisir : ordre et justice ne peuvent être qu’interchangeable. Goethe, là dessus, s’il impressionne les allemands, n’est pas impressionnant pour un esprit « français », d’Algérie ou d’ailleurs.


En ce sens, l’esprit français, par exemple celui que Nietzsche admirait chez Pascal, n’est pas une logique, ou un esprit de logique (culturelle, nationale...) mais une disposition, un état, une attitude

humaine d’esprit, un choix qui pèse et équilibre entre logique et intuition, plus qu’un raisonnement existentiel malheureux convaincu d’en finir avec le mal. En finir ? Là est l’illusion et l’idéalisme, pas ailleurs ! Le mal n’est pas « en l’autre »...l’ennemi de convention déterministe, il est entre les deux, « interposé », immiscé, infiltré, insinué, construit culturellement, ou plutôt, contre-culturellement...en général.


Le malheur du monde s’équilibre en un seul instant, d’une intensité « première » ou ultime, face au destin, ni juste ni injuste, puisque l’injustice, là, commence avec le refus. Camus a bien montré que la bonne façon de la refuser, c’est de ne l’accepter que pour la dépasser, donc d’avoir une relation de judoka avec elle, pas de social kamikaze.


De Manouchian dans sa lettre, je retiens : « Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. »

En ajoutant : le plus difficile reste à faire : savoir, sans se tromper, qui est ennemi, qui est traître, ce qui effectivement, n’a rien à voir. Et je vois, qu’avant de mourir, il l’a parfaitement vu, dans un sentiment d’humanité à la fois tendre et dur, ouvert et fermé...l’inconciliable et l’irréparable.


Merci de votre article, même si, j’appartiens à « l’autre » camp.

Un camp où, avant la « nazification », on savait respecter un ennemi pour sa bravoure morale, plus que pour sa force physique ou « animale », ce qui n’était d’ailleurs pas plus français qu’allemand, mais européen, comme l’esprit d’une certaine chevalerie. Ce que le désespoir fait irrémédiablement perdre, ce n’est pas l’idéal illusoire et romantique, c’est le positif concret entre deux hommes de chair et de sang, comme en comportent, hélas, toutes les histoires de guerre. Mais heureusement aussi : ce positif concret entre deux hommes est la preuve de l’inutilité absolue de celle-ci, seulement et seulement si on reste humain. Sinon, effectivement, il ne reste plus d’autre choix que la solitude de la trahison. Comme le comprit bien, aussi, Manouchian, je crois.


Là où je vous rejoins absolument, c’est sur la haine. Mais je n’ai pas encore vu Camus en exprimer, même entre les lignes. Défendre une culture contre une contre-culture n’est pas, à mes yeux, en exprimer contre celle-ci. On peut aussi « défendre », comme Manouchian, par amour.


Très cordialement, et peut-être fraternellement, si vous en voyez l’intérêt moral unique mais vital.







Palmarès