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nah_gasy 25 juin 2014 23:01
A la lecture de votre commentaire, je ne pus m’empêcher d’émettre quelques réflexions que je me permets de vous partager.

Le tout laisser-faire laisser-aller ne peut pas fonctionner à Madagascar. Non seulement le système ne le permet pas, mais le niveau de pauvreté et la situation économique en elle-même ne permettent pas d’envisager de ne laisser faire que les mécanismes de marché et de désengager entièrement l’Etat. Je suis d’accord que le gouvernement n’a pas à garder l’emprise des secteurs d’activités les plus importants, mais dire que l’« Etat n’a pas à se mêler de l’économie » est une encore plus « grande fumisterie qu’autre chose dans un pays où les imperfections du marché sont inénarables.
1) Je conviens que l’Etat actuel des finances publiques de Madagascar ne permet pas d’envisager la viabilité d’un tel système sauf à en répercuter le coût sur les générations futures. Effectivement, l’ardoise risque d’être salée. Cependant, l’ »obligation de s’assurer« que vous proposez implique nécessairement une participation de l’Etat puisque les 80% (et quelques) de foyers malgaches vivant en dessous du seuil de pauvreté ne peuvent pas se le permettre.
3)Si l’on s’intéresse aux générations futures, si on prend en compte les répercussions de la hausse incéssante des prix de carburant, si on se penche sur la vitesse de la déforestation, alors cette idée d’indépendance énergétique n’a rien d’une calembredaine. Par ailleurs, laisser entièrement le privé se charger de la fourniture d’électricité - privatiser la JIRAMA - n’est pas à propos pour le moment. Cela ne ferait, justement, que réduire le nombre de foyers qui pourront y accéder : une entreprise privée cherchera principalement à faire des profits, ce qui se répercutera sur les prix et sur la bourse des ménages malgaches les plus pauvres. Des entreprises privées fournissant de l’électricité existent déjà à Madagascar mais seules les grandes entreprises peuvent se permettre d’y recourir.
4)J’admets que là, ça relèverait du miracle s’il y arrive. Cependant, il n’y a pas mention d’un dirigisme étatique, juste une tentative de corriger des erreurs tactiques passées qui font que moins de10% des recettes de ces exploitations se retrouvent dans les caisses de l’Etat. Concernant le retrait total de l’Etat, j’en ai déjà fait mention mais j’ajoute : l’Etat ne peut pas se contenter de regarder.
5)L’éducation pour tous est dans les OMD (bien que très discutables, cet objectif n’est pas absurde). De même que les médecins refusent d’être affectés dans les campagnes d’Antanilavitrinimaso, les écoles privées n’ont pas intérêt à s’implanter dans un coin reculé où les gens vivent d’agriculture d’autosubsistance et ne disposent que d’un maigre revenu par mois et ne peuvent donc pas payer pour y envoyer leurs enfants. Pour qu’ »elles se forment là où est le besoin", encore une fois, l’Etat devra mettre son grain de sel afin de les inciter à y aller quand même (subventions, partenariat public-privé,kit scolaires tout au long de l’année).
6)J’ai visité plusieurs écoles publiques, et je vous assure que ce système de cantine peut être une question de survie pour les enfants. Témoignage des enseignantes : des enfants arrivent à l’école tellement fatigués et frêles, qu’ils doivent parfois acheter (de leur poche) de quoi leur redonner des forces.
7)Oui, la corruption est un poison qui mine l’économie malgache mais ce défi impliquerait une restructuration complète de l’administration ... C’est certainement une priorité, mais certainement pas la plus facile à mettre en oeuvre. Pour permettre à cette concurrence/compétitivité de générer ce qu’il faut de croissance, l’Etat a nécessairement un rôle proactif à jouer (sécurisation des financements des entreprises, incitations à l’investissement, consensus privé-public sur les réformes structurelles à mettre en place...).

Sommes toutes, la différence entre Madagascar et Maurice est structurelle et l’on ne saurait appliquer les mesures qui ont permis à cette dernière d’atteindre son statut actuel. Une formule tout libéralisation a déjà fait ses preuves : rappelons-nous des effets des ajustements structurels. Les pays qui ont pu en tirer parti sont ceux qui ont adopter des voies hétérodoxes nuancant les conditionnalités les moins adaptées à la situation du pays. Si la planification sous Ratsiraka est largement criticable, la situation actuelle n’y trouve pas sa source unique. Madagascar a plus que jamais besoin d’une implication responsable, consensuelle et active de tous les acteurs économiques (du public au privé) sans tomber dans l’oligarchie ou le capitalisme de copinnage, qui, je suis tout à fait d’accord, ne ferait que faire régresser le pays.

Cordialement



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