Nouvelles d’Arménie Magazine : Que cherche Ankara selon vous ?
Michel Foucher : Les autorités turques se
sont lancées dans une offensive multi-directionnnelle qui joue sur
divers registres : prendre la direction du monde sunnite et de
la mouvance des Frères musulmans (à partir de la Syrie et de
l’alliance avec le Qatar), affirmer une présence dans des
fragments de l’ancien empire ottoman (Libye et Somalie), offrir aux
pays dits « turcophones » (expression impropre, qui
évoque la francophonie, alors que ces peuples ne parlent pas la
langue turque même s’il y a une famille linguistique turcique) qui
vivent en Asie centrale, dans le Caucase et demain, qui sait, dans le
Tatarstan de Kazan en Russie, enfin s’afficher comme puissance
maritime dans la « patrie bleue » en Méditerranée
orientale.
Dans le cas précis du conflit actuel, je reste
convaincu, comme je l’avais déjà écrit il y a trente ans dans
« Fronts et Frontières », que le but de guerre ultime
d’Ankara est le contrôle par Bakou du Zanguezour (province
arménienne de Siounik) qui offrirait, via l’enclave
azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, un corridor terrestre entre la
Turquie et la mer Caspienne. Ce projet est pris en compte dans le
traité russo-turc de 1921 qui définit les limites des deux
districts autonomes de l’époque, Nakhitchevan et Haut-Karabagh. Il
est clair que ce changement territorial ne serait accepté ni par
l’Iran ni par la Russie. Mais comme l’a compris Erdogan qui fait
du Poutine, seul compte en ces temps d’affaissement des règles
multilatérales, le fait accompli. Il lance des initiatives et il
empoche ce qui marche, comme dans le nord de la Syrie ou à Tripoli,
en Libye.
Nouvelles d’Arménie Magazine : La France en tant que coprésidente du groupe de Minsk, joue un rôle important dans la recherche d’une solution au conflit. Dénoncer l’Azerbaïdjan comme agresseur et la Turquie pour ses connivences avec les mercenaires djhadistes, comme l’a fait le président Macron, peut avoir des conséquences ?
Michel Foucher : Il est extrêmement rare en effet qu’un chef d’Etat désigne ouvertement un agresseur. Ceci est en soi un premier pas, évitant la querelle des communiqués sur les responsabilités, comme on le note maintenant quand le cessez-le-feu est violé. La ligne rouge évoquée par le Président français a été l’envoi de contingents de mercenaires syriens payés mille cinq cents dollars par mois et la connaissance par les services français, qui suivent de près les djihadistes présents en Syrie que d’autres acheminements étaient en cours. La Turquie a été prise en quelque sorte la main dans le sac et je suppose que c’est ce que le Président français, en tant que co-président du Groupe de Minsk, avait prévu de dire à son homologue turc lors de l’échange téléphonique annoncé le 2 octobre.
L’intégral de l’entretien sera à lire dans le numéro de
novembre des Nouvelles
d’Arménie.
https://www.armenews.com/spip.php?page=commander&etape=offres
Dernier ouvrage paru : Les frontières, CNRS éditions, 2020
par Ara Toranian le samedi 24 octobre 2020
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