Je suis éleveur ovin, et un des rares à ne pas être contre la cohabitation avec l’ours et le loup. Mais il ne faut pas se tromper sur la motivation des réticences de mes confrères. Pour la majorité d’entre eux, il ne s’agit pas d’un refus atavique ou d’une quelconque position de principe.
Ce métier est difficile, et de moins en moins rémunérateur. Pour faire un smic, il faut au minimum 400 brebis. Et chaque année, nous voyons nos revenus diminuer et nos cotisations sociales augmenter.
La réintroduction des prédateurs est prise comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase, le symbole du peu de cas que l’on fait de notre profession.
Des sommes énormes sont dépensées pour réintroduire quelques ours ou protéger qq loups, alors que rien n’est par ailleurs fait pour empêcher cette profession de crever à petit feu. Cela ne peut être que rageant.
Pour ma part, je ne suis pas en zone 1 (zone d’attaques avérées), mais en zone 2 (zone d’attaques possibles), ce qui m’a quand même permis d’avoir des aides pour acquérir et entretenir deux chiens de protection. Point positif : plus de problème de chiens errants, même en période de chasse. Point négatif : un chien, ça mange pas d’herbe, il faut donc aller le nourrir tout les jours, ce qui représente une grosse charge de travail quand les patures sont peu accessibles. Et cette charge supplémentaire n’est pas rémunérée.
Il faut savoir également que le chien n’est efficace que lorsque le troupeau est dans une zone peu étendue. Si un troupeau de 400 brebis est sur une pâture de 50 hectares, il faut au minimum...6 chiens pour parvenir à une surveillance efficace. Dans une zone d’alpage, ou les zones peuvent s’étendre sur plus de 100 hectares, cela devient mission impossible...
Et l’indemnisation des brebis qui sont le résultat de sélections adaptées à l’exploitation de l’éleveur, obtenues sur plusieurs générations, cela ne compense pas le préjudice : cela permet de racheter une agnelle qui a un potentiel génétique différent, ramènera peut-être des maladies, et qui ne donnera un agneau qu’une année plus tard.
Tous ces aspects, et bien d’autres, sont ignorés du grand public, car les médias préfèrent se focaliser sur des vertus écologiques pour citadins contre lesquelles luttent de méchants ploucs.
Alors, oui aux loups et aux ours...à condition que l’on ait d’abord fait ce qu’il fallait pour éviter que notre profession ne disparaisse, avec ou sans eux.
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