Arrête ton char
De la chenille au joli papillon.
Du char de Ben-Hur à celui mu par le vent pour les déplacements de la horde sauvage du PSG, le terme est à la mode tout autant que sous les feux de l'actualité pour le plus grand malheur d'un peuple en guerre. Il peut sembler utile pour faire avancer la réflexion, de se pencher sur ce mot de quatre lettres qui a fait couler beaucoup plus de sang que d'encre.
Né de la charrette à quatre roues, le char pour se faire belliqueux a choisi très rapidement de n'en avoir que deux pour fendre les groupes compacts de fantassins. Ses roues, équipées de tout ce qui peut trancher, blesser, déchiqueter lui ont mis les pieds dans le charnier. Il allait donc y avoir deux usages fort différents de la chose, pacifique d'un côté et agressif de l'autre.
Le char se fit charrette, charroi, carriole, charrue… pour le bonheur des braves gens. Il les transportait, les aidait en bien des usages qui leur favorisaient l'existence. À côté de ceux-là, il y eut aussi les chars d’apparat, les carrosses pour montrer que l'on ne transporte pas le beau monde comme les gueux tandis que les valets de pieds restaient dehors.
Le char fut encore de sortie pour les fées et les dieux quand ils entendaient marquer leur différence avec le commun des mortels. Sortant des flots ou gagnant les rayons du soleil, il était le véhicule qui vous place au-dessus de la mêlée ou en revenant sur terre, assure le triomphe d'un vainqueur qui ne doit cependant pas oublier qu'il demeure mortel.
Le char à bancs fit son apparition pour des usages non professionnels. Idéal pour se rendre à l'office, il se permit d'outrepasser sa mission pour permettre le loisir et la distraction. Nous entrions de plain-pied si j'ose l'écrire, dans l'ère du déplacement de convenance. La suite fut une manière de conquérir cette fabuleuse faculté avec tout ce qui permet d'aller toujours plus loin et plus vite.
Le char et ses dévirés n'eurent pas l'heur de satisfaire les linguistes puisque nous passâmes à l'automobile sans coup férir. Seuls nos amis anglophones se soucièrent d'honorer sa mémoire en conservant le Car tandis que les québécois se distinguèrent une fois encore. De ce moment, de ce virage dans l’étymologie, le char entra presque exclusivement sous les drapeaux.
Il y eut bien une petite exception avec le char à voile, épiphénomène localisé sur nos plages jusqu'à ce que le duo de comiques troupiers, Galtier et Mbappé ne lui donne un petit coup de vent dans le dos. Mais ceci est une autre histoire qui sort du cadre des chemins carrossables en se retrouvant au centre d'un carrefour polémique.
Le char est désormais muni d'un blindage, d'un canon, d'une tourelle le tout pour transporter quelques têtes brûlées qui savent qu'ils ont mis les pieds dans un véritable cercueil ambulant. Les chances de survie dans cet exiguë réceptacle étant d'une faiblesse statistique désarmante. Pourtant, c’est l'envoi de ces monstres de technologie sanguinaire qui fait débat aujourd'hui, manière de jeter l'argent par la meurtrière.
Laissons là la polémique pour nous attacher aux traces de ce redoutable engin. Le pneumatique ou la chenille le meut sur n'importe quel terrain avec une inexorable efficacité, balayant ou écrasant tout sur son passage avant que d'être anéanti par une sournoise arme anti-char. Ce sont là les lois du commerce international des armes qui imposent ce cycle infernal pour maintenir les ventes à un niveau toujours plus élevé.
Mais laissons là ces considérations bassement matérielles et tentons une chute qui échappe à la morosité. Je rêve d'un véritable théâtre des opérations sur lequel, au troisième coup du bâtonnier, quand le rideau se lève sur le champ de bataille, toutes les chenilles se métamorphosent en jolis papillons pour annoncer la fin du massacre. Si tel est le cas, il est de toute urgence d'envoyer des chars magiques en Ukraine.
À contre-mot.
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