Benjamin Smith : un gourou pour sauver Air France ?
Air France s’est donc trouvé un nouveau PDG en la personne de Benjamin Smith. Inconnu du grand public, le Canadien défraye la chronique depuis l’annonce de sa nomination. Plusieurs raisons expliquent une défiance de tous sauf des hommes politiques proches de Macron. Car si cette trouvaille canadienne est le fait du Conseil d’administration d’Air France, l’État a eu son mot à dire en coulisses. Un mot loin des grands discours sur le redressement de la France et de son économie.
Pourquoi aller pêcher Benjamin Smith ? La question a à peine été esquissée depuis que la polémique s’est abattue sur le nouveau PDG d’Air France. Tous les regards se portent sur son salaire plus que confortable. Une rémunération fixe de 900 000 euros par an histoire de prévoir quelques coups difficiles comme la location d’un appartement à Paris et des frais de pressing salés. Mais à cela s’ajoute une part de variable qui pourra gonfler sa rémunération à un indécent 4,25 millions d’euros dans le meilleur des cas.
C’est indécent à plusieurs titres. Premièrement, son prédécesseur ne gagnait « qu’ » environ 1 million d’euros par an. Une somme déjà confortable surtout qu’Air France ne se distingue pas par sa bonne santé financière. Le groupe Air France-KLM sait qu’il marche sur des œufs (à défaut de voler régulièrement), la crise est installée, mais les dirigeants n’ont rien trouvé de mieux à faire que de payer un nouveau patron quatre fois plus cher que le précédent. Cette décision est d’autant plus malvenue que les syndicats se battent depuis des mois pour une augmentation des salaires de 5,1 % en deux fois. Entre 5,1 % pour tous et 400 % pour un seul, Air France a choisi…
À ce prix-là, l’heureux élu devrait donc être un cador, voire même un messie. Et c’est là que s’impose la question initiale. Pourquoi Benjamin Smith ? Celui qui a fait l’essentiel de sa carrière chez Air Canada avait réussi à grimper les échelons de la compagnie pour en devenir le numéro deux. Un poste intéressant à titre personnel, mais qui ne lui donne absolument pas les épaules (a priori) pour devenir ce que Carlos Ghosn a fait pour Renault. Air France est un mastodonte en danger qui n’a rien à voir avec le petit Air Canada. Le casting est très curieux. Il est soufflé que le salaire exorbitant était nécessaire pour attirer un grand capitaine d’industrie. L’argument peut s’entendre, mais il fallait recruter un homme aux épaules plus larges que Benjamin Smith.
En d’autres termes, Air France a fait un choix incertain à un prix trop élevé et au risque de se brouiller plus encore avec ses salariés. Le point de départ de la nouvelle équipe est on ne peut plus compliqué. Benjamin Smith a beau assurer vouloir « gagner la confiance et le respect des équipes d’Air France-KLM », son passé est perçu comme un passif. Benjamin Smith n’a pas de vision, il a juste une calculette, ses tableaux Excel et il passe à la moulinette les emplois qu’il ne juge pas assez compétitifs. Lorsqu’il dit que l’industrie aéronautique est « fortement compétitive et en évolution très rapide », cela rappelle les discours d’un certain président, français celui-là.
Benjamin Smith a été adoubé par le pouvoir qui veut faire croire que l’homme de la situation a été déniché. Smith est couvert d’éloges alors qu’il n’était sur aucun écran radar des politiques il y a encore une semaine. Ceux qui se montrent suspicieux ont raison, non pas en raison de sa nationalité canadienne, mais par l’œuvre d’un financier qui pense low cost pour tout et pour tous sauf pour lui. L’être humain n’est pas à un paradoxe près.
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