L’hallali médiatique
Une notoriété commet l'irréparable. La chose est tragique certes surtout pour ceux qui en souffrent dans leur chair, leurs proches et leurs amis. Mais rien ne peut plus se passer sans que l'immonde toile bruisse des propos les plus nauséeux. C'est à croire que l'exemple de l'assemblée déborde largement dans le pays à moins que ce ne soit désormais la seule manière de s'exprimer.
Vomir sa haine, salir, montrer du doigt, réclamer vengeance, appeler à des sanctions exemplaires, le temps béni de la terreur est revenu avec un comité de salut public étendant à toute la cohorte des réseaux sociaux. Si la chasse à courre à mauvaise presse, il n’empêche nullement tous ces bons penseurs de pratiquer la curée sur leurs semblables.
Les procureurs sont plus nombreux que les membres du jury. Plus personne ne prend le temps de se taire, de respecter la douleur des uns et des autres, de faire preuve de pudeur dans pareille circonstances. Monsieur Mironton et Madame Daube s'en donnent à hauts le cœur joie, partageant l'immonde, affichant des positions qui les auraient effrayés avant la généralisation des idées de chiotte.
Seul progrès dans ce système abject, la préfecture n'est plus noyée sous les lettres de dénonciation. La toile sert de fosse septique et commune de la fraternité. Toutes les immondices de la pensée sont déversées avec délectation par des individus qui ne se cachent même pas derrière un pseudonyme.
Le pire en la matière fécale du moment, c'est que les mêmes, à un autre moment, pour un autre fait divers ou international, sont capables de prendre le contre-pied de leur haine du moment, faisant appel à la générosité, à la pitié, à la commisération même s'il est peu probable qu'ils ignorent tout de ce mot.
Le réseau semble être dans le même temps le défouloir et l’exutoire, le confessionnal et le tribunal. Ces êtres de morgue et de réactions primaires n'ont même pas le regard sur l'incohérence de leurs diverses positions. Seul compte pour eux, l'envie d'être dans l'air du temps, quitte à choisir un air vicié comme dans le cas qui a déclenché ce billet.
Le partage est le moyen le plus commode pour répandre le meilleur ou le pire. Un petit clic et le café du commerce prend le pas sur l'information et la raison. Le plus insupportable étant que ces braves imbéciles cliquent parfois pour la seule image, sans même avoir le temps de lire l'article à moins qu'ils se satisfassent du titre en gras.
Partager c'est exister et qu'importe si c'est aussi sonner l'hallali, tomber dans les plus bas instincts de l'espèce humaine. Il convient pour eux d'occuper l'espace, de compter les clics avec des claques immondes. Ils démontrent surtout qu'ils ont un avis sur tout, un avis qu'ils affichent comme une opinion, sans même faire la distinction entre ces deux notions si différentes.
Ne les blâmons pas, les instituts de sondage et nos politiciens itou confondent ces deux concepts. Alors pourquoi pas ce peuple qui se rabaisse avec délectation au rang de meute hurlante ? C'est donc avec grande pitié que je constate ces pratiques de ces gens que je salue pourtant dans la rue sans oser leur dire combien leur agitation sur la toile touche au plus bas des perversions humaines. J'espère que s'ils prennent la peine de lire un texte de 3 575 caractères (une qualité dont ils font rarement preuve en dépit des apparences), ils prendront conscience de la bassesse de leur comportement. Le partage est une indignité, le plus souvent une curée sanguinolente. Reprenez-vous et pensez un peu par vous-même.
À contre-clic.
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