Le scandale du « lycée 4.0 » - ou les mirages d’un prétendu « progrès »
Comment la région Grand Est enrichit Microsoft sur le dos des contribuables, tout en imposant aux lycées une mesure nuisible d'un point de vue écologique, pédagogique et sanitaire.
Dans tous les lycées de la région Grand Est, les élèves vont recevoir un ordinateur. Le but avoué ? Aider les élèves à se familiariser avec les outils informatiques, et remplacer les manuels papier par des manuels numériques. Mais cette mesure, imposée autoritairement par le conseil régional, suscite un certain nombre de questions. L'argent du contribuable va servir à enrichir des entreprises déjà bien portantes (Microsoft, fabricants d'ordinateur) pour des conséquences nuisibles d'un point de vue écologique, pédagogique et sanitaire. Et ce scandale ne concerne pas seulement la région Grand Est (qu'il vaudrait mieux appeler Grand Test, en l'occurrence) : le dispositif "lycée 4.0" sera prochainement étendu à d'autres régions.
Voici un message que je viens d'envoyer aux parents des élèves du lycée où j'enseigne. Je demanderai aux lectrices et aux lecteurs d'avoir la patience de le lire jusqu'au bout, car c'est surtout à la fin que les arguments sont développés.
Madame, Monsieur,
Je n'aurais pas pris la peine de vous écrire si je n'étais pas persuadé - comme beaucoup de mes collègues - qu'il en va de l'avenir de vos enfants.
Je suis professeur au lycée Jean de Pange et je siège au conseil d'administration comme représentant des personnels d'enseignement et d'éducation. En accord avec plusieurs collègues du lycée, j'ai décidé de vous écrire pour vous informer sur le plan "lycée 4.0". Ce dispositif, qui a déjà été mis en place - non sans de multiples problèmes techniques - dans plusieurs établissements de la région Grand Est, va arriver au lycée Jean de Pange en septembre prochain, pour les classes de secondes et de premières. Les terminales seront concernées en septembre 2020.
Bien que le "lycée 4.0" soit très discutable, le conseil régional veut l'imposer à tous les lycées de la région. La seule liberté qui est offerte aux conseils d'administration, c'est de dire s'ils souhaitent le passage au "lycée 4.0" tout de suite ou plus tard. Le 25 avril dernier, le conseil d'administration du lycée Jean de Pange a voté pour que ce passage ait lieu dès septembre prochain. Le "oui" l'a emporté (10 voix "pour", 4 absentions, 7 voix "contre"). Mais même si les votes "contre" l'avaient emporté, le conseil régional aurait fini par imposer son plan un peu plus tard.
Comme de nombreux collègues, je trouve cette procédure peu respectueuse de l'autonomie des établissements.
D'autre part, et surtout, il y a d'excellentes raisons d'être défavorable au "lycée 4.0" : ce plan est nuisible sur un plan pédagogique, environnemental et sanitaire. Autrement dit, ce sont la santé et les conditions d'apprentissage de vos enfants qui sont en jeu.
Vous trouverez ci-dessous un texte rédigé par un collectif lorrain regroupant des professeurs de différents lycées de l'académie de Nancy-Metz. Il vous explique en quoi consiste le "lycée 4.0" et pourquoi il est, à nos yeux, inacceptable. Vous verrez également, à la fin de ce message, qu'il est encore possible de réagir en écrivant aux autorités compétentes. Si vous le souhaitez, enfin, vous pourrez ouvrir la pièce jointe afin de lire le texte de la motion présentée par les représentants des personnels d'éducation et d'enseignement devant le conseil d'administration du lycée Jean de Pange.
Je vous souhaite, Madame, Monsieur, une bonne soirée et un bon dimanche.
Jordi GRAU
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La région Grand Est s'apprête à généraliser le plan lycee 4.0 dans tous les établissements publics et privés à la rentrée 2019. Cette mesure, qui consiste à remplacer les manuels scolaires par leur version numérique, prévoit d'équiper chaque lycéen d'un ordinateur portable personnel.
Ce plan suscite de nombreuses questions pédagogiques, sanitaires, environnementales, et il nous semble qu'il risque en outre d'avoir un impact sur la vie familiale, par la présence d'un écran supplémentaire dont l'usage sera difficilement maîtrisable.
Une lettre ouverte relayant ces interrogations, cosignée par une cinquantaine de citoyens, a été envoyée au Conseil Régional en novembre dernier. Après plusieurs relances et d'autres courriers, nous avons enfin reçu une lettre de M Rottner (plus de six mois après), qui ne souhaite manifestement pas donner de réponse précise à ces questions (et en particulier à celle pourtant simple du budget de la mesure). La région refuse de temporiser et la pétition
Plan Lycée 4.0 et urgence climatique, une schizophrénie assumée.
qui a dépassé les 800 signataires ne la fait pas plus réagir.
Nous, groupe d'enseignants consternés par cette mesure, avons reçu des témoignages, des messages de soutien et des pistes d'action sur un mur collaboratif mis en place avant les vacances :
https://annuel.framapad.org/p/reflexion-plan-lycee-4-0
Parmi celles-ci, quelqu'un suggérait qu'il était fort probable que les parents d'élèves soient mieux écoutés...
Proposition d'action :
Voici un courrier type que les parents d'élèves indignés par cette mesure peuvent envoyer à la région et au rectorat, pour les prévenir que leur enfant n'ira pas en classe avec l'ordinateur.
Dans ce courrier, il faut ajouter le nom du lycée concerné au début et à la fin de la lettre ainsi que votre signature.
Différents arguments sont avancés mais libre à vous d'en effacer certains, d'en ajouter d'autres selon votre sensibilité... Ce courrier est uniquement une trame vous permettant de réagir.
Voici la suggestion de courrier et les adresses mails auxquelles adresser ce courrier :
(cette dernière adresse permet uniquement de compter le nombre de courriers envoyés)
Objet : plan lycée 4.0
Madame, Monsieur,
Je viens d'apprendre que, dès la rentrée prochaine, mon enfant scolarisé au lycée ... devra apporter en cours un ordinateur portable offert par la Région.
Je conteste cette décision prise unilatéralement par le Conseil Régional, et ce pour les raisons suivantes :
Puisque mon enfant aura son propre ordinateur, je ne pourrai plus maîtriser ni l'usage ni le temps passé devant celui-ci (je ne peux ni ne souhaite devoir en permanence contrôler mon enfant).
Il me semble que les ophtalmologistes dénoncent l'impact des écrans sur la vision des adolescents, que les orthophonistes soulignent la recrudescence des problèmes de concentration liés à l'usage de l'ordinateur, et que les ergothérapeutes mettent en garde les utilisateurs d'ordinateurs portables sur la nécessité d'adapter leur position. Plus généralement, il est avéré que le temps passé sur les écrans a un impact sur le bien-être et la santé des adolescents. Je ne comprends donc pas que l'on impose l'usage de l'ordinateur pour le travail scolaire en cours et à la maison.
Je ne souhaite pas que mon enfant, lors de ses transports scolaires, soit en possession d'un objet de cette valeur (et pouvant contenir des données sensibles) qui pourrait attirer la convoitise.
En tant que contribuable, je préférerais que l'argent de mes impôts ne soit pas distribué à des firmes internationales échappant à la fiscalité française, mais soit utilisé localement, par exemple en finançant la gratuité des transports scolaires, ce qui serait également plus cohérent d'un point de vue écologique.
En tant que contribuable, je préférerais que le budget du conseil régional soit plutôt alloué à des travaux de rénovation dans les lycées et à la bonne maintenance de ceux-ci qu'à un suréquipement qui ne correspond à aucun besoin exprimé.
Enfin, à l'heure où nos lycéens alertent les institutions sur l'urgence climatique et sur la nécessité de changer nos habitudes de consommation, je ne comprends pas que la Région leur impose cette pratique dépassée et irresponsable du point de vue environnemental, à la pointe du gaspillage et certainement pas de la modernité.
C'est pourquoi je vous annonce que mon enfant n'aura pas libre accès à cet ordinateur et qu'il ne l'apportera pas au lycée. Je vous prie de bien vouloir en avertir l'équipe pédagogique du lycée .... afin qu'elle puisse adapter son enseignement.
Bien cordialement,
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Annexe :
Conseil d’administration du lycée Jean de Pange - Jeudi 25 avril 2019
Motion des délégués des personnels d’enseignement et d’éducation au sujet du dispositif « lycée 4.0 »
Le 31 janvier 2019, le conseil d’administration du lycée Jean de Pange a majoritairement approuvé la mise en place du dispositif « lycée 4.0 » dans l’établissement. Nous, délégués des personnels d’enseignement et d’éducation, nous étions ce jour-là ralliés à la majorité. Depuis lors, nous en avons discuté avec plusieurs collègues et nous en sommes arrivés à la conclusion que nous avions voté bien hâtivement. En effet, il nous est apparu que les inconvénients du dispositif « lycée 4.0 » sont largement plus importants que ses avantages éventuels.
Tout d’abord, rien ne nous dit que le dispositif sera rapidement opérationnel, étant donné les multiples problèmes techniques rencontrés par les établissements qui l’ont déjà expérimenté dans la région Grand Est.
D’un point de vue écologique, ensuite, il n’est pas du tout sûr que l’achat massif de tablettes soit préférable au maintien de manuels papier ou au recours accru à des photocopies. Les ordinateurs (dont les smartphones et les tablettes) et autres objets connectés engloutissent environ 10 % de l’électricité mondiale, d’après un article de La Tribune de décembre 2018 – d’où une augmentation importante des émissions de gaz à effet de serre. De plus, ces objets – dont la durée de vie est très limitée – contiennent des métaux rares (et polluants), dont la surexploitation est à la fois nuisible d’un point de vue écologique et d’un point de vue humain (conditions de travail effroyables dans des mines clandestines d’Afrique ou d’Asie du sud-est, par exemple).
Que dire maintenant de l’intérêt pédagogique du dispositif « lycée 4.0 » ? Il nous paraît nul, voire négatif. Comment les enseignants pourront-ils savoir ce que feront les élèves avec leurs tablettes durant les cours ? Il sera très facile à ces derniers d’aller surfer sur internet au lieu de travailler. Il est déjà compliqué de retenir l’attention des élèves sans les tablettes. N’aggravons pas le problème !
Bien évidemment, on ne saurait passer sous silence les risques sanitaires. La WIFI est-elle dangereuse ? La question est encore débattue dans les milieux scientifiques, mais elle loin d’être absurde. Un article du Huffington Post, paru le 5 février 2018, rend compte d’une étude américaine mettant en évidence une corrélation entre l’exposition à des ondes électromagnétiques et l’apparition de cellules cancéreuses chez certains rongeurs. Par ailleurs, indépendamment de cette question, est-il raisonnable d’accroître encore le temps d’exposition d’adolescents à des écrans, alors qu’ils y consacrent en moyenne plus de 5 heures par jour ?!?
Pour finir, il nous faut aborder la dimension économique du problème. Le « lycée 4.0 » va coûter cher à la région Grand Est. Cet argent ne serait-il pas mieux employé ailleurs ? La région prévoit un vaste plan de destruction d’emplois d’agents dans les lycées (cf. le document syndical au dos de cette feuille). Il s’ensuivra une dégradation des conditions de travail pour les agents, mais aussi une baisse de la qualité des services offerts aux élèves. Est-ce bien cela que nous voulons ?
Pour toutes ces raisons, nous appelons le conseil d’administration à s’opposer à la mise en place du dispositif « lycée 4.0 » dans notre établissement. Nous demandons également, au nom du principe de précaution, à l’arrêt de l’installation de bornes WIFI dans les bâtiments. Enfin, nous invitons le lycée Jean de Pange à s’associer à d’autres établissements de la région, dont les enseignants ont décidé de résister à un projet imposé autoritairement et qui ne va pas dans le sens de l’intérêt général.
Tract syndical sur les prochaines suppressions de postes d'agents travaillant dans les lycées par la région Grand Est
Plus de 500 suppressions d’emplois fermes sont en cause ! Depuis le début de l’année, l’administration a multiplié les groupes de travail pour avancer sur deux sujets qui devraient concerner l’ensemble des agents : « dotations en effectifs » et « temps de travail ».
Mardi 12 mars, les organisations syndicales se sont réunies une quatrième fois (sur cinq réunions prévues), pour échanger sur la feuille de route des effectifs à pourvoir uniquement dans les établissements scolaires.
À force de demander des éléments d’appréciation et avec bien du mal, l’administration a dévoilé les objectifs visés.
Qu'en est-il vraiment ?
1 003,6 équivalents temps plein (ETP) supprimés au sein des lycées dont 541 ETP, soit environ 600 suppressions de postes, principalement les postes d’entretien polyvalents et 462,6 ETP, soit environ 500 postes consacrés au déploiement des équipes mobiles d’ouvriers professionnels (EMOP) et à des postes de titulaires remplaçants mobiles (TRM).
Les syndicats CFTC, CGT, FO, FSU et UNSA dénoncent une suppression inadmissible d’emplois menant à une dégradation des conditions de travail des agents, laquelle implique de graves conséquences sur les conditions d’accueil du public et des lycéens dans le Grand-Est.
L’exécutif répond à l’injonction du gouvernement de respecter la fameuse « règle d’or » qui consiste à limiter l’augmentation du budget de fonctionnement de 1,2 % par année, afin de supprimer 70 000 postes dans la Fonction Publique Territoriale.
Les organisations syndicales font l’objet d’un chantage qui est de cautionner la suppression des postes pour compenser des évolutions indemnitaires soi-disant positives pour des catégories limitées de personnel.
En résumé, la région demande aux représentants du personnel d’accepter l’amélioration, à la marge, d’aspects salariaux à condition d’accepter que le personnel soit la variable d’ajustement tout en le faisant travailler dans un environnement dégradé extrême.
Cette politique de suppression d’emplois chez les ATTEE s’ajoute aux multiples réorganisations des services administratifs de notre collectivité depuis cette fusion, lesquels ont eu pour effet une surcharge de travail, une désorganisation et une démotivation légitime des agents et ce n’est pas fini. Tout cela est inacceptable !
Pour cela, les cinq syndicats avaient lancé un appel à tous les agents afin d’agir le 19 mars 2019, en venant manifester devant les hôtels de région à Metz, Châlons-en-Champagne et Strasbourg et devant les maisons de région.
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