4 millions de plus pour les agriculteurs
C’est le montant des dégâts causés par les agriculteurs en Bretagne lors des récentes manifestations. Il a été communiqué par le Préfet de Région : réfection de chaussées, remise en place de glissières de sécurité, enlèvement des ordures déversées. C’est ce montant que le contribuable est prié de payer.
Cette somme vient s’ajouter aux dizaines de millions débloqués pour maintenir en vie un système de production animale et laitier et céréalière moribond.
Ne soyons pas naïfs : cette information vient à point alors que les agriculteurs et éleveurs s’apprêtent à « donner l’assaut » à des équipements de la grande distribution et est destinée à jeter l’opprobre sur une corporation habituée à tous les débordements pour faire entendre sa voix.
Une corporation turbulente pour ne pas dire violente
Cela fait des décennies que les syndicats agricoles nous ont habitués à un scénario bien rodé. A chaque crise de surproduction, ou de manque de débouché de leurs produits, on entend le même mot d’ordre : « l’Etat - c’est-à-dire le contribuable - doit nous aider ». C’est plus facile que de se poser la question de la structuration de la profession ou bien celle du rôle des industriels de la transformation et de la distribution, ou des attentes des consommateurs.
Et pour bien « motiver » les politiques, on casse, on jette les déchets des exploitations sur les routes ou devant les préfectures quand on ne met pas le feu aux centres des impôts. Pour ceux qui se sont souvent présentés comme incontournables pour l’entretien des paysages, cela fait un peu désordre.
Ajoutons à ce tableau un syndicalisme très politisé à droite à l’origine mais qui voit peu à peu ses troupes s’éloigner et rejoindre progressivement l’extrême droite et qui se contente de compter les points.
Produire
C’est le leitmotiv de la profession, même si cela implique l’utilisation d’antibiotiques pour que les élevages concentrationnaires évitent les épidémies qui conduisent aux abattages massifs de bêtes, et même si cela se traduit par la destruction des sols gavés d’engrais et de pesticides et même si cela conduit à la pollution de nos rivières par les nitrates. Rappelons à ce sujet que la France est le premier consommateur en Europe de pesticides qui font la fortune des actionnaires de multinationales chimistes qui invitent complaisamment nos parlementaires à débattre autour d’un bon repas (bio, sans doute).
On ne parle plus de ferme, mais d’exploitation, c’est tout dire ! Les exploitants ont l’œil rivé sur le compte d’exploitation, sur les cours des « produits ». Ils sont prisonniers d’un système économique qu’on leur a présenté comme libéral et qui n’est rien d’autre que de la dépendance vis à vis des banques.
Vendre
Une fois produites ces viandes bodybuildées, ces céréales dont le rendement est tributaire des pesticides, il faut les vendre et « équilibrer les comptes et se sortir un revenu » et là, notre « agriculture », première exportatrice il y a quelques années, se trouve confrontée à la concurrence internationale, au blocus décidé à l’encontre de la Russie, à la crise économique en France, aux habitudes de consommation qui se modifient et à la rapacité de la grande distribution.
Achetez Français, nous disent-ils, en oubliant parfois qu’eux-mêmes privilégient pour leurs investissements des produits fabriqués à l’étranger.
Une équation difficile à résoudre
Lorsqu’une entreprise ne vend plus ses produits parce que ceux qu’elle propose sont obsolescents ou ne sont plus conformes aux normes de sécurité, elle est condamnée à fermer ses portes avec la cohorte de licenciements et de drames individuels que cela provoque, à moins qu’elle ne s’adapte…
Une partie de la profession agricole fait aujourd’hui le pari d’une agriculture propre et des circuits courts et cela s’avère souvent gagnant. Cela passe par l’éducation du consommateur qui commence par celle des enfants dans les cantines scolaires et donc par un investissement politique des élus locaux. Cela passe également par une responsabilisation de la grande distribution, et là tout reste à faire. Enfin, la transformation, grande utilisatrice de viande importée par camions polluants entiers, d’Allemagne ou du Danemark, devra se poser également la question de savoir ce qu’elle produit et des marges qu’elle génère et là aussi la marche est haute.
Comme d’habitude, l’espoir viendra sans doute des consommateurs eux-mêmes et cela prendra du temps.
En conclusion, la profession agricole et ses syndicats doivent se poser les bonnes questions quitte à devoir abandonner le modèle actuel, polluant, ruineux et destructeur pour ceux qui vivent au quotidien les affres du « marché » de l’agriculture.
Les consommateurs seront sans doute très intéressés par des propositions qui pourraient être faites par des agriculteurs éclairés. Ils ne comprendraient pas par contre de devoir payer les réparations des exactions commises lors des manifestations et la quasi impunité de leurs auteurs contrairement aux syndicalistes ouvriers récemment condamnés à de la prison ferme.
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