7 octobre 2023 : un an qu’Israël se bat pour sa survie
« Le 7 octobre a été un point de bascule général. C'est non seulement le plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah (…), il y a donc le massacre, il y a les otages, 250 otages, il en reste une centaine, on ne sait pas combien sont vivants, mais surtout, ce qu'il y a eu, et ce qui explique le traumatisme à la fois d'Israël et des Juifs du monde entier, c'est la conscience que l'anéantissement redevenait possible. » (Anne Sinclair, le 3 octobre 2024 sur BFMTV).
Cela fait un an que les terroristes enragés du Hamas ont massacré plus d'un millier de citoyens israéliens et parfois étrangers venus faire la fête, le samedi 7 octobre 2023 en Israël. Comme l'expliquait bien la journaliste Anne Sinclair sur BFMTV le 3 octobre 2024, c'est un point de bascule. L'horreur à son plus haut niveau : « J'entendais l'autre jour une femme qui s'appelle Céline Bardet, qui est une enquêtrice internationale, qui dirige une ONG qui s'appelle Women are not weapons of war, les femmes ne sont pas des armes de guerre, et qui enquête sur les crimes sexuels, qui a été enquêté sur Boko Haram, qui enquête sur l'Ukraine, qui dit que la sauvagerie de ce qui s'est passé le 7 octobre, elle n'avait jamais vu ça, que, sur les corps suppliciés des femmes même tuées, on s'est acharné à les violer, à les démembrer. ».
Le point de bascule, c'est l'obligation, pour le gouvernement israélien, soutenu par tout le peuple, d'en finir avec les roquettes régulières et fréquentes dans le ciel, qui viennent du Hamas depuis la bande de Gaza et du Hezbollah depuis au sud du Liban, voire avec la menace nucléaire de la république islamique de l'Iran.
En un an, avec malheureusement beaucoup de trop de morts collatérales d'innocents, le gouvernement israélien a éliminé de nombreux terroristes du Hamas et de nombreux terroristes du Hezbollah, en intervenant sur le terrain à Gaza et au Liban. Le point le plus fort a été sans doute l'élimination le 27 septembre 2024 à Beyrouth de Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah depuis le 16 février 1992, responsable entre autres de l'assassinat des 58 soldats français le 23 octobre 1983, des prises d'otages français à Beyrouth, et des attentats terroristes en France dans les années 1980 et 1990. La perspective de nouveaux 7 octobre venant du sud du Liban a convaincu Benyamin Netanyahou d'intervenir au Liban à partir du 23 septembre 2024.
Pour autant, les deux mouvements terroristes ne seront jamais complètement détruits et l'Iran a aussi attaqué Israël (180 missiles envoyés en Israël le 1er octobre 2024 après une première attaque le 14 avril 2024). À cause des bombardements du Hezbollah, 80 000 Israéliens ont dû être évacués du nord du pays, ce qui représente l'équivalent d'environ 500 000 Français déplacés en France si on prend en compte la différence de population.
Revenons au massacre du 7 octobre 2023 qui a été le catalyseur de cet embrasement régional. Il y a eu près de 1 300 personnes massacrées, la plupart de jeunes Israéliens qui se sont rassemblés pour des festivals musicaux, à quelques kilomètres de la frontière avec Gaza (quatre kilomètres). Parmi les personnes rescapées, une jeune femme qui a eu du cran de venir témoigner à la télévision. Elle l'a fait sur BFMTV dans la matinée du vendredi 13 octobre 2023, interrogée par le journaliste Bruce Toussaint. Elle était encore sous le choc, moins d'une semaine après la tragédie.
Elle s'appelle Laura Blajman-Kadar. Son témoignage était d'autant plus poignant, émouvant, qu'elle s'exprimait bien, très bien, avec une aisance naturelle à l'oral. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'elle était à la fois très émue, effondrée, encore sous le choc après quelques jours (elle a perdu beaucoup d'amis sous ses yeux dans des conditions atroces), mais elle avait cependant le cran, le courage, de penser à l'avenir, à plus tard. Elle est Franco-israélienne, venue habiter en Israël à l'âge de 8 ans. Elle avait 35 ans et faisait partie des organisateurs du festival. Plus exactement, elle avait organisé l'Unity Festival la veille, le 6 octobre 2023, et elle est restée sur place le lendemain pour donner un coup de main (et participer) à un autre festival de musique électronique, Tribe of Nova.
Ses premiers mots exprimaient son état d'esprit : « On ne peut pas se sentir très miraculés quand on est entre des enterrements. Là, dans quelques minutes, je dois partir parce qu'on enterre un de mes meilleurs amis. Hier, on a reçu cinq noms des amis qui ont été retrouvés morts. Je ne sais pas si vous savez, mais ils ont retrouvé des centaines de corps, mais ça prend du temps à identifier les corps car on ne peut seulement le faire qu'avec des tests ADN, parce que les corps sont dans des états terribles. En fait, on reçoit tous les jours des noms des gens qui ont été retrouvés morts. Et on a énormément d'amis absents, on attend d'entendre s'ils sont morts ou s'ils sont pris otages. Donc, ce sont des jours très très durs pour nous. ».
Son histoire : elle et son mari ont entendu des roquettes, alors ils se sont couchés mais au début, ils n'étaient pas très inquiets car c'est habituel. Ils se sont mis dans la caravane et ils allaient ensuite partir : « On attend que les roquettes se terminent et on rentre à la maison. On a pris notre voiture et notre caravane, on allait partir et puis on a entendu les coups de feu et on a compris qu'ils tiraient sur tout le monde. Il n'y avait aucun endroit pour se cacher (…), pas d'abri. Il y avait des roquettes qui tombaient du ciel, il y avait des terroristes de partout, qui tiraient de partout, et on a couru se cacher dans la caravane. On était restés dans cette caravane sept personnes, pendant six heures, c'est une petite caravane de deux personnes, c'est pas plus que ça, c'était fermé à clef mais c'est une fermeture en plastique, et pendant six heures, on était couchés parterre dans la caravane. Il faisait une chaleur, c'était de 50°C, on était en train de transpirer. On était allongés sept personnes parterre dans le silence et on entend les terroristes dehors crier Allah akbar, et tuer tous nos amis, on les a entendus arriver débarquer, tuer des quantités... on a entendu des gens hurler dehors. ».
L'hésitation du destin, ce fil si fin qui l'a reliée à la vie : « Et après l'endroit est devenu silencieux, ils sont revenus une deuxième fois, pour achever les gens, pour vérifier que... tirer une deuxième fois sur nos blessés pour être sûrs que tout le monde était mort. Ils ont essayé de nous ouvrir la porte de la caravane. Mon mari et moi, on était encore dans la caravane. C'est le moment qu'on s'est dit au revoir. Parce que, quand tu as un terroriste en train de taper à la porte, vous comprenez que votre dernier moment arrive. Alors, j'ai dit à mon mari que je l'aime. J'ai fermé les yeux. Et j'espérais mourir vite. C'était ça, ma seule prière, de mourir vite. De ne pas être kidnappée parce que... on a des dizaines de filles, de femmes qui sont maintenant kidnappées dans la bande de Gaza. Et je n'ose pas réfléchir, mais qu'est-ce qui est en train de se passer à mes copines qui sont là-bas ? On a des filles de 13 ans et de 15 ans qui sont maintenant, pendant que nous discutons, à Gaza. Donc, oui, moi, j'ai préféré sur le coup, j'espérais, j'ai prié de mourir vite et de ne pas être kidnappée. ».
L'horreur à l'état pur : « Et donc, cela a pris six très très longues heures que Tsahal a réussi à arriver où on était et à se battre contre eux. Après six heures, quand on nous a dit qu'on pouvait sortir de la caravane, ce que mes yeux ont vu, je ne l'oublierai jamais. Parce que les centaines de cadavres de mes amis qu'ils ont trouvés, on les a vus. On est sortis de la caravane et c'était un massacre total. Il y avait des cadavres partout, des jeunes couples. Surtout, il faut dire, ce festival de musique, c'est des festivals de tous âges. Il y a des familles qui viennent avec leurs enfants, il y avait des poussettes là-bas, il y a des enfants de 20 ans, il y a des gens de mon âge de 35 ans. On a un ami, Ilan, qui est pris en otage, qui a 57 ans. Il y avait des gens de tous âges qui dansaient dans ces festivals, et des heures plus tard, il y avait cadavres de tous les âges, qui étaient là-bas parterre. ».
Combattre le terrorisme jusqu'au bout : « Pour nous, ce n'est toujours pas terminé, parce que la guerre, que nous, on n'a pas demandée, vient seulement de commencer. Nous, on n'a demandé qu'aller danser quelques heures dans un champ, c'est ce qu'on voulait. On continue à recevoir les noms de nos morts tous les jours, on enterre nos amis tous les jours, et aujourd'hui, on comprend qu'il n'y a plus aucune différence entre le Hamas et Daech. Parce que les choses que j'ai entendues juste à côté de moi, ce n'est pas des hommes qui font ça, ce n'est pas des êtres humains. ».
Poursuite du témoignage, pendant les combats : « On les a entendus se battre avec Tsahal. Après, les choses sont devenues silencieuses. Ils ont tiré sur la caravane. Mon mari a eu une balle qui est passée juste au-dessus de sa tête. Et la deuxième balle, elle est rentrée dans la clim. Et donc, on a entendu le gaz de la clim rentrer dans la caravane. On a commencé à se sentir mal. J'ai eu très très peur de perdre connaissance. Puis après une heure, c'est devenu silencieux. On a eu beaucoup de chance, on a réussi à discuter avec le producteur du Nova Festival, c'est un ami à nous (…). Il est resté sur le terrain, il a réussi à prendre une arme d'un des terroristes et se battre avec Tsahal. C'est un homme incroyable. Et on a réussi à l'avoir au téléphone, il a dit qu'il nous voyait de loin parce qu'il était aux urgences, il voyait ma caravane de loin, il m'a dit qu'on peut sortir, mais sortez les mains en haut, pour que personne ne se trompe et ne tire dessus. Il y avait encore des terroristes un peu partout. Il nous a dit qu'on peut sortir, on a cassé la porte et on a couru, c'était peut-être deux cents, trois cents mètres, mais... Dans les films, dans les films, on ne voit pas les choses comme ça ! ».
Le deuil et la désolation : « J'ai couru au-dessus des cadavres des amis à moi. Comme je suis productrice de festival de musique, je connais ces gens, c'est mon monde. Tous les visages qui étaient parterre, c'est des gens que je connais, j'ai dansé avec, j'ai travaillé avec, c'est de copains, c'est des amis, c'est des camarades. On a perdu des centaines de personnes. Vous savez, l'été dernier, on était en festival au Portugal, en Suisse, c'est le même genre de festival. Mais qui peut imaginer une chose pareille ? Quand j'étais au Boum Festival il y a deux ans, j'étais étonnée de rencontrer tellement de Français qui aiment cette musique (…), qui connaissent tous les DJ israéliens, j'ai rencontré plein d'amis français qui ont dansé avec nous là-bas. Alors, vraiment, je demande à mes amis français, qui ont dansé avec nous, qui nous connaissent, des Français que j'ai grandi avec en France, comprenez ce qui nous passe. On a des hommes, des femmes, des enfants, des bébés, des bébés de quelques mois qui sont pris otages à Gaza. Alors, il faut comprendre ce qui nous passe. Il faut comprendre que c'est un massacre qui n'a jamais eu dans le passé pareil, en Israël pour le peuple juif. Pour nous, c'est la Shoah, la deuxième fois, ce qu'on nous a fait. Et il faut aussi comprendre qu'on a le droit maintenant de tout faire pour ramener nos amis à la maison. Parce que mes amis sont à Gaza. J'imagine que vous avez tous vu la vidéo de Noah qui était prise otage en auto. Hier, c'était son anniversaire, c'était son 26e anniversaire. Elle doit revenir à la maison. Ils sont obligés de revenir à la maison. Et c'est notre devoir, comme pays d'Israël, l'âme d'Israël, notre devoir de ramener nos gens à l'abri à la maison. ».
Son témoignage très émouvant d'une dizaine de minutes s'est déroulé sans quasiment aucune interruption du journaliste, laissant ainsi s'installer des silences remplis de larmes. Et puis, cette dernière remarque, cette anticipation de la guerre difficile qu'allait mener Israël contre les organisations terroristes.
Aucune haine, et le souci de l'avenir, en paix pour tous : « Je voudrais juste dire une seule chose, si vous permettez, une dernière chose. Il commence maintenant une guerre qu'on n'a pas voulue qui va être horrible. J'ai perdu énormément d'amis, mes deux petits frères là maintenant sont dans l'armée, et je sais que je perdrais encore des amis. Mais quand cette guerre se terminera, le Hamas ne peut plus exister, parce que le Hamas, c'est comme Daech, il ne peut plus exister. Et à la fin de cette guerre, il y aura deux gagnants, ce sera le pays d'Israël et le peuple palestinien. Parce que surtout, il ne faut jamais oublier que le peuple palestinien souffre du Hamas, comme nous. Et espérons que cette guerre se terminera le plus vite possible avec le moins de morts des deux côtés. Parce qu'on veut tous simplement vivre en paix et en silence. ».
Laura Blajman-Kadar a eu besoin de raconter ce qu'elle a vécu, surtout en mémoire de ses amis tués ou enlevés. Elle a fini son livre en Inde. Il est sorti le 21 mars 2024 aux éditions Robert Laffont (avec la collaboration de Dominique Rouch) sous le titre "Croire en la vie". L'occasion pour elle de retourner devant les micros pour parler de cette horreur indicible (en fin d'article, cinq exemples en vidéos). Un besoin de parler, de ne pas se taire, de garder la mémoire, pour les générations futures, et aussi, cette interrogation qu'ont eu la plupart des rescapés des camps d'extermination : pourquoi moi ? pourquoi ai-je réchappé au massacre ? pourquoi suis-je encore vivant ? Et cette terrible évidence : le hasard.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie.
Laura Blajman-Kadar.
7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
Discours du Président Emmanuel Macron en hommage aux victimes du 7 octobre 2023 aux Invalides le 7 février 2024 (texte intégral et vidéo).
L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
La naissance de l’État d’Israël.
David Ben Gourion.
Eden Golan.
Walid Daqqa.
Gaza : quel est l'accord entre Israël et le Hamas ?
Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
Dominique de Villepin toujours pro-palestinien ?
Emmanuel Macron participera-t-il à la grande marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023 ?
Gaza, victime avant tout du Hamas ?
Quel est le bilan de la visite d'Emmanuel Macron au Proche-Orient ?
Proche-Orient : l'analyse crue de Jean-Louis Bourlanges.
Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Israël ce mardi 24 octobre 2023 ?
Hôpital à Gaza : la vérité aveuglée par la colère ?
Hamas : tirs groupés contre les insoumis.
Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président du Sénat Gérard Larcher le 11 octobre 2023 (texte intégral).
Horreur totale en Israël ; émotion et clarification politique en France.
Israël en guerre contre son agresseur terroriste, le Hamas.
Les Accords d'Oslo.
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