8 mars 2009 : Une journée internationale des femmes pas comme les autres
Les femmes n’ont toujours pas la place qu’elles méritent dans la société. Chaque fait, chaque évènement le soulignent, l’élection de Barack Obama et la Crise économique plus que d’autres. N’oublions pas le poids des inégalités et des discriminations qui frappent les femmes. Mais, comme à chaque date anniversaire, regardons d’abord le chemin parcouru, tant la mémoire est courte. Comment être fidèle à la révolte des femmes de 1848, ou au combat de Olympe de Gouge, lors de la révolution Française, par exemple ? L’histoire des femmes fait défaut dans l’éducation nationale comme dans la mémoire collective. Un exemple ? Connaissez-vous Julie Daubé ? Son nom est oublié, et pourtant, en 1861, elle fut la première bachelière. Aujourd’hui, que de chemin parcouru ! Mais si les jeunes filles réussissent souvent mieux que les garçons dans les études, les femmes sont toujours victimes d’injustice liées à leur sexe, et la cible de discriminations dans le monde. « On ne naît pas femme, on le devient » écrivait en 1948 Simone de Beauvoir dans « le deuxième sexe ». Est-ce vrai ?
Quelle est la part de l’égalité des genres et de la spécificité hommes femmes ? Qu’est-ce que la féminité ? Retraçant, par leurs créations et leurs combats, les places et les rôles des femmes dans la famille et la société contemporaine, je vous invite toutes et tous à une aventure des genres. Nous pensons que , l’idée d’une féminisation de la société n’est pas ce que certains redoutent, à savoir la perte de la virilité des hommes, leur subordination au pouvoir des femmes, mais au contraire une société plus juste et plus humaine.
Mais, avant d’introduire cette conférence, j’aimerais démontrer comment Barack Obama et la Crise économique s’invitent en « guest star » à cette journée internationale des femmes…

Barack Obama ou l’avènement du « diversity maindstreaming »
L’élection à la présidence des Etats Unis d’Amérique d’un homme de couleur et le soutien qu’il rencontre aux Etats Unis et dans le Monde avalise une évolution historique du regard et des mentalités , du peuple américain comme de toutes les nations. Celles et ceux qui parlaient d’une « approche intégrée de l’égalité » sont dépassés. Par un vote, ce 4 novembre 2008, les Etats Unis sont passés de l’égalité de droit à l’égalité réelle des noirs. En cela, en passant de l’égalité des droits et des pouvoirs de jure à de facto Barack Obama a ouvert la voie au « Gender mainstreaming » c’est-à-dire à une approche intégrée de l’égalité homme-femme, dépassant les textes de lois pour atteindre une égalité réelle, se basant sur la transformation des relations de genre.
A l’identique de la conquête du pouvoir initiée par Barack Obama, il s’agit d’agir en amont et non en réaction à un constat d’échec. Il s’agit de miser sur l’égalité des chances autant que sur la lutte contre les discriminations. Il s’agit aussi de s’appuyer sur la différence des situations qui offre des choix clairs s’inscrivant dans une préoccupation de l’égalité qui ne bouleverse pas les structures sociales – et / ou masculines - existantes.
Pourquoi ce constat ? D’abord parce qu’il existe une imbrication vérifiée des dominations sexistes et racistes. Parce que le processus partant des différences, obtenant l’égalité, défendant les identités et ce du cas particulier à la règle générale est le même, qu’il s’agisse d’une lutte pour l’égalité des sexes ou contre les discriminations d’origine éthniques, de handicap ou d’orientations sexuelles.
Dans ce contexte, l’élection de Barack Obama est bien une bonne nouvelle pour les femmes, car, en intégrant l’égalité pour tous, elle intègre l’égalité des sexes, de façon transectorielle,en portant des intérêts différents, mais avec une telle force, symbolique et réelle, qu’il fallait la souligner à l’occasion de cette journée internationale des femmes.
Crise économique et le débat sur les valeurs essentielles.
Le vécu difficile de la crise économique révèle –elle des choix de société ? En effet, entre des travailleurs obsédés par le profit financier, donc à l’accroissement du PIB, au mépris de la qualité et je dirais même de la densité de la vie, et des acteurs investis dans la construction d’une société équilibrée ménageant l’avenir en permettant à chaque individu de produire sa propre individualité, où se situe le bien-être individuel et social ? Quel modèle permet la meilleure articulation des temps sociaux ? Comment garantir à chacune et à chacun un emploi convenable, le droit et la participation à une vie familiale ? Tout en soulevant, mais sans répondre à cette question, nous insisterons simplement sur l’opportunité qu’offre la crise économique pour redéfinir certain principe. Si, comme le disait Picasso, toute création est d’abord une destruction, il s’agit notamment de passer de l’identité à la transversabilité. Qu’est-ce que cela veut dire ? Par exemple déspécialiser les rôles dans le couple, en considérant notamment que c’est en élargissant et en augmentant le droit des pères que le droit des femmes progresse. C’est aussi en alliant l’asexualisation des politiques sociales et familiales ( comme la reconnaissance des beaux-parents) avec la sexualisation des mesures permettant une représentation équilibrée des sexes dans la politique par exemple. Bref, il s’agit d’allier des politiques globales et ciblées, les cas particuliers et le cas général.
A l’évidence, l’élection de Barack Obama et la crise économique permettent une remise à plat des valeurs et des principes d’action qui portent la journée internationale des femmes.
Car n’oublions pas deux constats et deux défis : Les femmes sont devenues pivots dans la famille comme dans la société mais restent les principales victimes des injustices.
Dans la famille : la mère et la grand-mère sont devenues des pivots d’une famille élargie. En première ligne du soin aux autres, les femmes sont les piliers des aidants aux personnes dépendantes. Désormais, une femme sur trois gagne plus que son mari. Alors que les Françaises sont celles qui font le plus d’enfants en Europe, plus d’un enfant sur deux naît hors mariage. Les solidarités mères-filles prennent le pas sur l’incertitude du mariage. Le divorce des séniors se développe souvent à l’initiative de la femme. La société du « papy boom » se révèle être une société du « mamie boom ».
Dans la société : Contraception, avortement, autonomie : Le 20ème siècle a consacré les combats des femmes en occident. Le statut de la femme cristallise les choix de société dans tous les pays. La maîtrise de la fécondité est devenue une question mondiale. La parité hommes-femmes est entrée dans les mœurs politiques. Brillantes dans les études, les femmes investissent tous les champs professionnels. Toutes les responsabilités publiques ou économiques sont désormais accessibles indifféremment à un homme ou à une femme.
Mais les femmes restent toujours les premières victimes des injustices et des inégalités.
Dans la famille, le partage des tâches du ménage repose toujours sur les femmes. Elles sont les premières victimes des violences conjugales. Les mères au foyer n’ont aucune sécurité d’avenir. Les principales victimes de la précarité sont les familles monoparentales, essentiellement féminines.
Dans la société, l’activité professionnelle des mères est fragilisée par la crise. Deux tiers des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Elles ont des rémunérations toujours inférieures à celles des hommes. Elles sont victimes des violences sexuelles et des conflits armés, dans le monde. Les intégristes les enferment dans un statut moyenâgeux, pourchassent et tuent les femmes qui affirment leurs refus ou leur indépendance. Dans le même temps, les conquêtes des féministes – mot qui n’est entré dans la langue française qu’en 1837, pour le droit à l’avortement et l’égalité hommes-femmes sont considérées comme des acquis par les nouvelles générations qui les relativisent souvent. Pourtant, ces droits n’ont pas quarante ans. Conquis à l’échelle de deux ou trois générations, ces droits ils ne sont toujours pas inscrits dans les acquis de la société. Ils sont même souvent remis en question de façon insidieuse, par exemple par une restriction des horaires scolaires pénalisant les femmes actives. Dans les cités, la condition des jeunes filles est même devenue un sujet très sensible.
Puis une question : En 2009, où en est la différentiation des sexes ?
Quelles sont les convergences et les différences hommes femmes, dans les cycles de vie ? Quelle est la part des femmes dans l’affirmation des genres ? Le territoire féminin est par excellence celui du soin aux tous petits, d’une attention sensible à la santé, à la protection sociale et à l’environnement. L’apport spécifique des femmes à la littérature et aux arts est revendiqué par certains courants féministes. L’influence des femmes pour la paix dans le monde, contre les pollutions et pour l’éducation est incarnée par quelques figures. Mais devons nous parler d’une spécificité féminine, ou d’une évolution de la conscience humaine ? De même, l’esthétisme féminin, la mode et les parfum, le culte du beau et le soin de soi et le développement personnel ne sont plus le domaine exclusif des femmes.
Comment, au sein de la société contemporaine, les femmes font évoluer les pratiques collectives.
Par nature partagées entre le foyer et le travail, l’éducation des enfants et la vie sociale, les femmes sont reconnues plus concrètes et polyvalentes que les hommes. Progressivement, elles ont également disputé aux hommes la notion d’autorité, qui n’a aujourd’hui plus de sexe. De fait, les métamorphoses des pères sont aussi un effet induit de l’émancipation des femmes. En gagnant en autorité, les femmes permettent aux hommes d’affirmer davantage leur part de « féminité ». Le congé paternel est un succès, et, si on demande maintenant aux pères d’être plus sévères, ils le font avec une tendresse nouvelle.
Dans le monde de l’entreprise les femmes ont encore beaucoup de chemin à faire pour être traitées à égalité avec les hommes. Elles ont cependant prouvé leurs capacités, et démontré une approche méthodologique plus transversale que celle des hommes, une capacité à gérer différents dossiers simultanément et une plus grande attention aux détails. Les femmes sont reconnues comme indispensables au développement de l’entreprise en phase avec son époque et sa clientèle. Mais elles sont toujours sous représentées à la tête des grandes entreprises comme dans les conseils d’administration. A la tête des Etats, les femmes peuvent aussi se montrer plus intransigeantes que les hommes. Bref, invitées davantage que les hommes à « faire leurs preuves » dans des fonctions exécutives, les femmes innovent davantage et cherchent des résultats.
En un siècle, que de chemin parcouru
Avec l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé, de presque trente années, l’affirmation de la femme comme sujet social à part entière est le grand acquis du siècle dernier. N’oublions pas que ce n’est que dans la deuxième partie du 20e siècle qu’elles ont acquis le droit de voter et de travailler librement. Le droit à disposer de leur corps s’est heurté à certaines morales religieuses autant qu’à une société vissée sur sa misogynie. Mais n’oublions pas que, au cours du 19e siècle notamment, c’était surtout les femmes qui étaient des obstacles à l’émancipation des femmes, en reproduisant, avec « l’éducation des filles » les principes de la société patriarcale. C’est ce modèle, hérité du code Napoléon, qui est devenu caduque avec la « faillite des pères » dans les années 70.
Quelles perspectives ?
La naissance de la liberté des femmes a accompagné la naissance d’un nouveau sujet social. Aujourd’hui chaque individu doit construire son propre modèle. Evoluant dans un monde ou le lien conjugal devient plus contractuel et où l’emploi est plus flexible. Il quitte la sécurité linéaire pour entrer dans un monde mouvant et réflexible, dans le sens qu’une remise en question potentielle permanente.. Ce nouvel individualisme peut entraîner de nouvelles inégalités, des solitudes et de l’exclusion. C’est sans doute à partir de ces valeurs dites « féminines » du souci de l’autre, de la capacité de chaque individu à produire sa propre individualité, que ce nouvel individualisme, loin d’écraser les hommes, peut se révéler un nouvel humanisme.
Loin des concepts du « Gender mainstreaming » comme des diverses thèses féministes, je regarde la société telle qu’elle se présente. A l’évidence, l’idée d’une féminisation de la société se confirme. Et elle n’est pas ce que d’aucuns redoutent, à savoir la perte de virilité des hommes, leur subordination au pouvoir des femmes, mais au contraire une société plus juste et plus humaine.
Eric Donfu
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