Alerte orange !
De plus en plus attaché au tricolore quand il s’agit de son drapeau, le Français est atteint d’aveuglement total pour le feu tricolore dont les trois signaux pourtant ont pour fonction de protéger sa vie. L’alerte rouge qui lui dit « Stop ! Il faut cesser de multiplier les profits et protéger le travail » ne l’émeut guère. L’alerte verte qui lui indique qu’il est grand temps de sauver la planète ? Peu le chaut le chaud anormal du mois d’avril ! Enfin, si l’alerte orange tirée par François Bayrou éveille chez lui un sursaut de conscience, il s’arrête net à l’orange en déclarant « Surtout, ne changeons rien ! ». Pourtant, dieu sait s’il clignotait le feu orange !

L’alerte Arlette est sans effet. Le « travailleurs, travailleurs, on vous exploite, on vous spolie » devient « Actionnaires, actionnaires, on vous chérit ». Le buffet n’attire pas davantage le convive, plus volontiers attiré par le râtelier rose pâle de la démagogie ou bien le bleu horizon du patriotisme ressuscité. Même le pli urgent du facteur qui vient annoncer le slogan très juste « Nos vies valent mieux que leurs profits » ne passe pas. Bloqué sans doute en poste restante !
Est-ce la faute au déclin des idéologies ? Si on peut
comprendre la crainte des Français pour des idéaux passés ou inquiétants, pourquoi
ont-ils rejeté la « révolution orange » qui n’avait rien de
violente ? Et pourquoi ont-ils re-tué Jaurés ? Pourquoi laissent-ils un
candidat très à droite -et très adroit-
répéter vingt-sept fois dans son discours le nom de ce grand homme socialiste
sans que cela titille le sens critique du citoyen qui sommeille encore en eux.
Les valeurs de Mai 68 ? Ce n’est guère le moment de les
invoquer : le même candidat vient de les déclarer obsolètes à tout jamais,
avec une violence inouïe dans le verbe : "Ecoutez-les,
les héritiers de mai 68 qui cultivent la repentance, qui font l’apologie du
communautarisme, qui dénigrent l’identité nationale, qui attisent la haine de
la famille, de la société, de l’Etat, de la nation, de la République."
Un réquisitoire qui jette l’opprobre définitif sur la moitié de la France, accusée
de tous les crimes passés, présents et à venir, honnie pour de supposés crimes
qui privent toute une génération de la présomption d’innocence. Le crime est
là, il faut l’expier ! Et quel meilleur moyen pour cela que de se jeter à corps perdu dans la marchandisation totalitaire, que d’enrichir encore
davantage la classe minoritaire dominante en travaillant plus, en consolidant
ses privilèges notamment fiscaux par un appel solidaire, Français, à vos impôts
? Toutes valeurs libérales sont désormais jetées aux orties si elles portent sur le
champ social, mais portées aux nues si elles s’appliquent à l’économie. Soyons
libéral, d’accord, mais dans un sens seulement. Cela veut-il signifier que le
peuple renie en bloc tout l’héritage de leur dernière grande révolution sociale
y compris le meilleur : les droits des femmes, le rejet de l’autoritarisme
et du pouvoir personnel qui écrasait ou censurait la liberté d’expression... ?
Est-ce la faute à la logique
binaire de l’ordinateur qui s’étend à la conscience humaine : tout
devient en effet binaire : le bien d’un côté (dans son camp) et le mal de l’autre ;
Est-ce la faute à la bipolarisation : la gauche et la droite ? Est-ce
la faute à la « pipolisation » de la vie politique : la star de
droite, la star de gauche ?
Quelle que soit la cause profonde
de ce mal, une occasion historique a été manquée. Un homme a parlé le langage
de la vérité. Il a dit « voilà quels sont les véritables dangers »
sans jouer sur les peurs mais en interpellant au contraire l’être raisonnable
qui est en nous. Il a alerté le peuple français. Il a fait bien plus, il a
donné aux électeurs une chance quasi certaine d’écarter du pouvoir un postulant
ambitieux et sans scrupules qui le convoite pour lui-même et, pour ainsi dire,
se l’achète ! Une opportunité inouïe de rénover pour longtemps la vie démocratique,
fondée sur une attente légitime, est passée et nous ne l’avons pas saisie au
vol. Que pouvait-on exiger de plus de cet humaniste rénovateur ?
La perfection ? Certes non : nul n’est parfait. S’exprimer au-delà du premier tour ? Il l’a fait ! L’homme sans scrupule le lui
a reproché en disant en substance « en démocratie, telle que je la conçois, pas de
débat : seulement des discours !" et dans un excès d’égocentrisme : "On est avec moi ou contre moi !" La messe est dite.
Le peuple a repoussé dans sa
majorité la révolution orange et s’est rangé derrière les mots d’ordre des deux
partis dominants qui confisquent le pays, un mot d’ordre repris par un grand
journal à trois jours de l’élection, comme moyen d’intimidation définitif, mais
comme le signe avant-coureur, inquiétant, du déclin sérieux de l’impartialité
de la presse et donc de danger pour la démocratie.
Les Français se sont exprimés, ils ont dit "Nous préférons à la révolution d’orange le règne de la loi du marché ou de l’Etat providence !" Un prochain rendez-vous orange se présentera bientôt. Aux électeurs de ne pas se tromper !
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON