Apprendre à vivre (ou à revivre) avec Luc Ferry

J’ai apprécié Luc Ferry bien avant de le rencontrer, et bien avant qu’il ne se lance dans une mission ministérielle impossible dans laquelle Claude Allègre s’est coupé les ailes avant lui... pour les mêmes raisons. Pour cette lâcheté politique que droite et gauche gouvernementales partagent trop... J’ai connu Ferry par ses trois ouvrages de philosophie politique. Trois volumes qui m’ont servi de livres de chevet pendant longtemps, et dans lesquels je puise encore références, inspirations, réflexions. Sujets de méditations.
J’ai apprécié aussi le Sens du beau, L’Homme-Dieu ou le sens de la vie, Le religieux après la religion, (avec Marcel Gauchet) .
Et j’ai adoré la lucidité et la franchise de Comment peut-on être ministre ? Réflexions sur la gouvernabilité des démocraties : un livre qui devrait être au programme de Sciences Po, de l’ENA, de toutes les disciplines du droit et ... des écoles de journalisme (et d’animateurs du médiatique-show).
Paradoxes français : nos esprits les plus fins, les plus pertinents, les plus courageux, de gauche, de droite et du centre, sont les plus démolis par le « système »... C’est sans doute pour cela que nous sommes aujourd’hui l’un des pays les plus « conservateurs » (au sens le plus con du terme) d’Europe, avec des alliances « objectives » entre les « con-servateurs » de droite et de gauche. « De Gaulle, reviens ! », redirait André G. ... « Descartes, où es-tu ? »...
Les mauvais esprits (qui lisent la presse dite people dans les toilettes) jalousent Ferry. Son talent ? Trop grand. Sa femme ? Trop belle et trop intelligente. Ses placards ? Trop dorés : le Conseil économique et social , la CSA et des succès d’édition... « Médiatique malgré lui », dit un organe de presse... L’un des problèmes-clefs de la France d’aujourd’hui est là, en fait : le « on », collectif et anonyme, ne supporte ni le nous, ni le tu, ni les je... Les « talents-paillettes », oui : les talents authentiques, non ! C’est pour cela d’ailleurs que nous sommes collectivement dans une merde historique. Du jamais vu depuis Pétain, le héros de 14-18 devenu traître, lâche et collabo. Humilié et humiliant. Exécrable. Haïssable. « La France moisie », redirait Sollers... Moisie et pourrie : nous ne nous en sommes pas lavés.
Luc Ferry ne fait pas partie de cette France moisie-là. Parce qu’il prône une theoria qui « accorde à l’auto-réflexion la place qu’elle mérite ». Parce que son dernier ouvrage Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l’usage des jeunes générations (chez Plon) est un cri de révolte contre la bêtise, la connerie, le défaitisme, le « déclinisme » ambiant. Paul Valéry (si méconnu et sous-estimé) disait : « La philosophie cesse d’être philosophique dès qu’elle est érigée en système. » Ferry le rejoint avec intelligence et sensibilité : « Espérer un peu moins, aimer un peu plus. » Sans dogmatisme. Son cas Nietzsche vaut lecture et réflexions. Pour que post-modernité ne soit pas synonyme de dé-modernisation. Et pour que déconstruction ne rime pas avec destruction. Merci, Luc Ferry, pour ce traité : son succès en librairie est un bon signe. En cette ère de défaite de la pensée, il est temps de réhabiliter la réflexion. Vous y avez contribué. C’est par un réveil de la réflexion contre le sommeil des réflexes que nous sortirons de ce qui se traduit d’abord par des crises de la démocratie. Moi, j’ai lu votre livre, et je vous dis merci. Tout simplement. Mais sincèrement.
Apprendre à Vivre. Traité de philosophie à l’usage des jeunes générations, Editions Plon.
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