Attention à la dernière marche !
L’affaire Pérol montre une fois de plus la désinvolture du Président de la République concernant les institutions dont il est pourtant le garant. Qui peut s’opposer à la volonté de Sarkozy ? Apparemment, il n’existe aucune procédure, aucune autorité suprême qui puisse contester officiellement un abus manifeste du pouvoir exécutif.
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Grâce à Sarkozy, la France est en avance sur le mouvement général d’abandon de l’ambition démocratique. Les citoyens doivent ouvrir les yeux sur le proche aboutissement du long processus de reconquête du pouvoir par une nouvelle aristocratie, l’aristocratie financière.
La mise en place d’un système se substituant à la démocratie inachevée est en passe d’être achevée. Le terme qui caractérise le mieux ce type de gouvernance est « oligarchie », c’est-à-dire une forme de gouvernement par une classe dominante largement minoritaire, qui se coopte selon des critères connus d’elle seule.
Dans ce texte, et dans mon esprit, les conservateurs sont définis comme étant ceux qui conçoivent l’Etat comme un outil au service exclusif des intérêts de l’aristocratie financière. Cette définition englobe l’ensemble des personnes employées, parfois rétribuées, à cette fin, qu’ils agissent par conviction ou par opportunisme, consciemment ou inconsciemment, du plus haut niveau de l’Etat à l’électeur manipulé votant contre ses intérêts.
Cette reconquête a commencé a porter ses fruits avec les élections de Thatcher (1979) et de Reagan (1981), dans les deux pays identifiés par les Français comme Anglo-saxons et conservateurs (ou néo-cons).
Les conservateurs ont commencé par détruire les organisations syndicales de salariés et les solidarités nationales. Ils ont favorisé les délocalisations des productions industrielles et détourné à leurs profits les savoir-faire. L’utilisation systématique des dumpings sociaux, fiscaux et écologiques par la globalisation, la déréglementation notamment financière, la mise en concurrence généralisée des travailleurs du monde, la maîtrise des médias et des centres de décisions, assurent dorénavant à l’aristocratie une puissance politique et de confortables revenus garantis au dépend des populations dans leur ensemble.
Le processus géré par les conservateurs remettra à court terme le peuple au rang que l’aristocratie lui assigne et qu’elle considère comme naturel : à son service.
La stratégie mise en œuvre pour aboutir à cette nouvelle Restauration est assez simple : ruiner l’Etat et l’endetter au point de le réduire à sa plus simple expression, la force publique, seule dimension nécessaire et indispensable pour protéger l’aristocratie contre les conséquences inévitablement violentes de l’apartheid social. Dans cette perspective, le « Patriot Act » voté après le 11 septembre 2001, est une arme redoutable.
Le remboursement des seuls intérêts de la dette épuise toute politique de redistribution d’autant que l’aristocratie est dispensée de l’impôt par de fallacieux prétextes. La réduction indispensable des déficits est mise en avant à chaque revendication, qualifiée systématiquement de catégorielle, improductive ou génératrice de nouveaux déficits.
La Restauration a été rendue possible par l’utilisation d’organisations supranationales (type OMC et Union Européenne) prenant des décisions hors de tout contrôle démocratique. Les diktats des conservateurs majoritaires dans ces enceintes s’imposent à tous les pays et donc à leurs citoyens, sans débats et sans votes des représentants élus.
Cette stratégie a été rodée avec succès sur les pays les plus pauvres d’Afrique, puis en Argentine. Les résultats ayant été certainement jugés satisfaisants quant au buts poursuivis, nous en sommes les victimes à notre tour.
Les désordres sociaux ne sont pas inévitables dans les sociétés où l’individualisme, donc la faiblesse des solidarités, est une caractéristique nationale revendiquée comme aux USA et en Grande Bretagne. En France, il semblerait qu’une bonne partie de la population ait adoptée cette attitude si l’on en juge par la catastrophique élection présidentielle de 2007.
Quoiqu’il en soit, si des révoltes surviennent, elles seront circonscrites dans leurs dimensions sociales au moyen de puissants médias subordonnés, et dans leurs dimensions physiques, par des forces publiques bien équipées et bien préparées sinon motivées.
Pour finaliser la mise en place de l’oligarchie, il sera indispensable de réduire les libertés individuelles, de neutraliser les médias hors contrôles, de détruire les réseaux solidaires publics, de marginaliser les opposants en les dénonçant comme terroristes, de désigner des boucs émissaires à la vindicte populaire, voire de supprimer le suffrage universel.
Un projet politique c’est d’abord une utopie.
De nombreux citoyens sont certainement désireux de contrer cette Restauration et de reprendre le chemin vers la construction d’un état démocratique. Pour cela, la stratégie réaliste est la conquête légale du pouvoir par la création d’un parti politique moderne, c’est-à-dire considérant les citoyens pour ce qu’ils sont, des êtres angoissés soucieux du devenir de la société.
Les citoyens ne votent pas pour leurs véritables représentants ou en fonction de leurs idées ou de leurs intérêts, sinon Sarkozy n’aurait jamais obtenu 53%, ils votent pour le candidat qui apaise leurs angoisses. Angoisses dont la montée est scientifiquement programmée en période pré-électorales par des officines au service de partis politiques dont elle est le fond de commerce.
Les gens sont effrayés par ce qu’ils ne comprennent pas. Ils ne voteront pas massivement pour un candidat renvoyant une image de fragilité, d’incompétence ou de confusion, et peu importe la réalité. Convaincre tient plus de la psychologie, de la sociologie et d’arguments de bon sens que de l’étalage d’idéologies théoriques dogmatiques.
Sarkozy ne pouvant s’appuyer sur un bilan présentable n’a fait que reprendre la vieille recette de l’angoisse qui a si bien réussi à Chirac et à Bush. Son message est clair et s’adresse autant à l’inconscient qu’au conscient : « Les loups sont tout autour de vous. Votez pour moi car moi seul est la volonté et la force de vous protéger ». Il suffit que, comme par hasard, les projecteurs des journaux télévisés se braquent sur les nombreux faits divers qui surviennent chaque jour dans la quasi indifférence des médias, pour concrétiser la menace. Et le tour est joué.
La source de nos ennuis provient en grande partie du mode de désignation des candidats aux élections présidentielles. Les partis politiques ont confisqué le processus et ils imposent leur candidats, or ces partis ne représentent qu’eux mêmes étant encore moins représentatifs que les syndicats de salariés dont ils ne se privent pourtant pas de se moquer.
Il serait peut-être temps de proposer aux citoyens du 21ème siècle un véritable choix. Pourquoi pas une liste éditée par le Conseil Constitutionnel comportant les noms de personnalités justifiant d’une expérience locale ou nationale de haut niveau : Premiers ministres, Présidents de région, Maire de très grandes villes par exemple. Ils sont certes issus de partis politiques mais ils ont au moins une expérience et des résultats. Ces derniers permettent un choix éclairés car ils sont réels, observables et critiquables au-delà de l’esbroufe et de la démagogie.
Pour conquérir le pouvoir, un parti moderne progressiste pourrait paradoxalement reprendre certaines méthodes utilisées efficacement par les Communistes dans le passé et les partis religieux au Moyen Orient : occuper physiquement les zones populaires denses, constituer des cellules de débats et d’information, instruire politiquement et économiquement la population, former des cadres, monter des associations sont les bases d’une construction politique pérenne.
Il est important que le peuple prenne conscience des milles manipulations dont il fait l’objet surtout pendant les périodes de vote. Le chemin est long et difficile mais c’est le seul qui mène vers la démocratie. La violence, recours ultime des victimes innocentes et abandonnées, ne profiterait qu’à nos ennemis. Ils y sont préparés et la légalité, sinon la légitimité, est de leur côté. Ils seront même tentés de la provoquer s’ils se sentent en danger.
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