Burkini : la honte de Grenoble !
« Nous débattons d’un sujet sans intérêt, aussi démagogique que dangereux, votre burkini. (…) Ce jour est un jour historique, celui où vous nous demandez de voter et d’acter un renoncement sur le droit des femmes. (…) Vous sacrifiez la liberté d’une femme libre à la pudeur d’un salafiste. Votre texte n’est pas à destination des femmes mais de ceux qui les regardent. » (Émilie Chalas, députée LREM de l’Isère).
Le dernier conseil municipal de Grenoble s’est tenu ce lundi 16 mai 2022, à partir de 15 heures. Malgré la polémique sur une délibération ou alors, à cause de cette polémique, aucun public n’a été autorisé à assister physiquement à cette séance qui était seulement accessible en direct vidéo sur le site Internet de la ville de Grenoble. Malgré la division de la majorité écologiste de gauche, le maire Éric Piolle a pu faire passer l’autorisation du port du burkini dans les piscines municipales de la ville à partir du 1er juin 2022.
Présentée laborieusement par Céline Mennetrier, la 19e adjointe chargée des sports et du quartier de l’école Alphonse-Daudet, la délibération n°4-(28744) portant nouveau règlement intérieur des piscines municipales applicable à compter du 1er juin 2022, a été votée à 19 heures 52 par 29 voix pour et 27 voix contre sur 57 présents (sur 59 élus), à l’issu de 208 minutes de débats de sourds, plus une interruption de 22 minutes et une demande rejetée de vote public par appel (voulue par 14 élus mais il en fallait 15, un quart des présents, pour l’imposer au conseil municipal ; notons que le mode de scrutin des élections municipales permet à la liste qui a obtenu la majorité absolue de détenir au moins les trois quarts des sièges).
Le résultat du vote a donc montré une profonde division de la majorité. Les élus de l’opposition ont souligné les contradictions du maire Éric Piolle, en particulier quand il a refusé de considérer que le burkini a une connotation religieuse puis en répondant à une autre question en faisant comme si le burkini équivalait à l’appartenance à une religion. Soupçonné par de plusieurs élus d’opposition d’être en collusion politique avec un groupe de pression qui avait déjà fait des opérations commandos dans des piscines pour imposer l’autorisation du port du burkini, le maire les a réfutées en parlant de fake news (sans convaincre).
En tant qu’ancien Grenoblois, je suis désolé comme beaucoup des élus d’oppositions dépités et impuissants par le vote de cette délibération qui va plomber durablement l’image et la réputation d’une ville de Grenoble qui a besoin de son rayonnement international pour vivre, se développer et s’épanouir.
Je propose ici de citer quelques extraits intéressants des interventions de plusieurs élus d’oppositions, en particulier de la députée LREM Émilie Chalas, candidate malheureuse à la mairie en 2020, et de l’ancien maire (et ancien ministre) Alain Carignon, autre candidat malheureux à la mairie en 2020, toujours sur le front sans avoir perdu son talent oratoire, malgré les années. J’ai indiqué pour ces élus l’étiquette du parti de la tête de liste même si ces élus pourraient ne pas l’avoir personnellement prise, comme une simple information sans évoquer les spécificités politiques municipales.
La première à s’exprimer, Émilie Chalas, députée LREM : « Monsieur le maire, vous faites honte aux musulmans et vous faites honte à la ville de Grenoble et à son histoire. Depuis des semaines, notre ville fait la une des journaux locaux, nationaux et parfois même internationaux. Notre ville est devenue, grâce à vous, la risée de la France. Alors même que nous connaissons une crise écologique sans précédent, alors même que la précarité augmente et inquiète (…), alors même que l’insécurité galope (…), vous faites perdre son temps à cette respectable assemblée. (…) Nous débattons d’un sujet sans intérêt, aussi démagogique que dangereux, votre burkini. (…) C’est un débat éminemment politique (…). Sa portée est immense et votre responsabilité sera considérable. (…) Ce jour est un jour historique, celui où vous nous demandez de voter et d’acter un renoncement sur le droit des femmes. Ce jour restera comme un symbole de votre déchéance politique. (…) Vous sacrifiez la liberté d’une femme libre à la pudeur d’un salafiste. Votre texte n’est pas à destination des femmes mais de ceux qui les regardent. ».
Nathalie Béranger (LR) : « Le port d’un voile est inversement proportionnel à l’émancipation des femmes. ».
Delphine Bense (LREM) : « Vous imposez par cette délibération une adaptation majeure de la vie des Grenoblois sans l’aval de votre majorité, sans débat avec les oppositions, sans concertation publique avec les Grenoblois et même pire, sans que vos électeurs ne se soient prononcés sur la question puisqu’elle n’était pas incluse dans votre programme. Le fait du prince ! Vous avez cédé à un groupe de pression minoritaire dont la méthode consiste à se victimiser en s’affrontant aux institutions. En faisant droit à cette victimisation, vous donnez l’impression que la société française rejette l’islam alors qu’elle ne fait que respecter les normes communes grâce auxquelles nous vivons en bonne intelligence. Vous avez cédé à un groupe de pression religieux qui se cache derrière une organisation en apparence inoffensive et honorable dont la stratégie de conquête du pouvoir politique consiste à imposer progressivement les normes de leur religion et de les consacrer sur le plan juridique pour les imposer à la collectivité. (…) Vous avez cédé au capitalisme et au libéralisme. Eh oui, le burkini n’est qu’un pur produit du capitalisme marchand destiné à faire de l’argent. Car voyez-vous, le burkini n’existe ni dans l’islam ni dans le Coran, il n’est qu’une récupération religieuse bien pratique dont se nourrit le libéralisme. Finalement, les sirènes du modèle américain auront eu raison de vous. Vous confondez attachement aux libertés individuelles et sujétion au modèle libéral et multiculturel anglo-saxon. (…) Le burkini clive, c’est cela qui est recherché. Le burkini est une remise en cause de la règle commune. Avec le burkini, s’exprime l’exigence d’un droit à la différence qui conduit à la différence des droits. ».
Parmi les derniers à s’exprimer sur cette délibération, Alain Carignon (LR) : « Nous observons, comme tout le monde, impuissants pour l’instant, l’isolement de la ville (…) dans la nation. Nous nous en inquiétons (…). Nous observons, impuissants, la ville de Grenoble devenir le théâtre national de votre désir de rompre, de fait, avec le modèle universaliste républicain. Nous observons, dépités, le fait que quand même, cette grande métropole universitaire, de recherches, de technologies, de star up, d’entreprises, devient l’épicentre du retour à l’âge de pierre avec l’autorisation du burkini. ».
Alain Carignon a cru voire une opportunité du maire de Grenoble d’imposer ce débat juste avant les élections législatives pour profiter d’un vote communautariste. Je crois au contraire à sa bonne foi sur le calendrier, qu’il puisse faire adopter ce nouveau règlement pour cet été, mais je pense que c’est un acte politique complètement stupide, dangereux, et surtout contreproductif au moment où les écologistes se sont alliés avec Jean-Luc Mélenchon qui n’avait pas besoin de voir se renforcer sa réputation de communautarisme.
Beaucoup vont donc réfléchir à deux fois avant de glisser le bulletin d’un candidat NUPES aux élections législatives et en particulier en répondant à la question : suis-je d’accord avec cette autorisation du port du burkini dans les piscines et est-ce que je pense que c’est une mesure d’émancipation des femmes… ou tout le contraire ? Dans quelques semaines, se jouera l’avenir des cinq prochaines années de la France. Autant savoir à quoi les électeurs nationaux s’engagent, à défaut des électeurs grenoblois pas au courant aux élections municipales de 2020 des visées communautaristes de leur maire écologiste…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (16 mai 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Burkini : la honte de Grenoble !
Éric Piolle.
Burkini à Grenoble : Laurent Wauquiez et Alain Carignon vs Éric Piolle.
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Le burkini dans tous ses états.
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