Café philo
L’homme se pose beaucoup de questions et entretenir cette curiosité c’est assurer sa liberté et son dynamisme. Ainsi c’est pour débattre et écouter les débats, c’est pour varier mes sources et considérer le plus d’éclairages possibles que j’ai assisté il y a quelques mois à mon premier Café-Philo. Revenons à cette occasion sur ces rencontres qui permettent de partager une réflexion.
Qu’est-ce que le Café Philo ?
Quasi phénomène de mode il y a quelques années rappelons rapidement le principe de ces discussions initiées à Paris au début des années 90 par Marc Sautet. Il s’agit d’un débat à visée philosophique, ouvert à tous. Un café-philo n’est pas une conversation informelle mais une séance de discussion organisée, avec un horaire bien précis, un sujet choisi et une équipe d’animateurs compétents (Un animateur du débat, un synthétiseur, un distributeur de parole…). Je ne rentre pas beaucoup plus dans les détails (Wikipédia ou le site http://cafephilo.unblog.fr/ s’en chargent). Je rajoute simplement les quelques principes de base : replacer le débat au cœur de la société, être neutre et égalitaire (notamment dans la distribution de la parole).
Je découvre aujourd’hui à Narbonne un café philo qui a su perdurer après le temps de l’éclairage médiatique. Les précédents échanges auxquels j’ai assisté et/ou participé tentaient de donner une réponse aux problèmes : "Quelle place pour le silence ?", "l’avenir est-il au métissage ?", « qu’est-ce que réussir ça vie ? ».
Le lundi 19 mai 2008 :
Aujourd’hui ce sera « Qu’est-ce que la dignité humaine ? ». Au-delà du débat sur la question elle même je trouve passionnant d’observer, d’essayer de comprendre les réactions des participants.
A peine avant 18 heures, bien installé devant un café je regarde les gens arriver. Cette fois nous serons une trentaine (parfois nous sommes 50 !), je remarque une étonnante parité (presque 15 pour 15). La soirée commence par quelques brèves annonces, les participants étant curieux de tout (expositions artistiques, concerts, conférences…). Après une petite intro rapide le débat est lancé et très vite mis en relation avec l’actualité (judiciaire dans ce cas) ou l’Histoire (2° Guerre Mondiale ici). Chacun donne ses premières réflexions, ce ne sont pas toujours des points de vue organisés, la liste des arguments est loin d’être exhaustive mais petit à petit on rentre dans le vif du sujet et une définition se construit. Au fil des interventions, certains acquiescent d’autres trépignent de répondre. Avec l’aide précieuse du reformulateur deux thèses principales émergent. On sent que chacun cherche d’abord à s’approprier le débat, à le mettre en rapport avec sa vie de tous les jours.
Au bout d’une heure alors qu’on pourrait redouter une discussion qui tourne en rond, la pause permet de discuter avec le voisin, d’échanger ses impressions, de commander le repas, de délier la séance dont la première partie est synthétisée avant la reprise.
Le temps permet d’avancer et lorsque la parole se remet à circuler il semble que le débat rebondisse et s’approfondisse. Chacun semble avoir profité de « la mi-temps » pour trouver la méthode qui lui permettra d’attaquer plus habilement le sujet. Les thèses du départ sont mieux argumentées ou au contraire mieux contestées, de nouveaux aspects apparaissent. Avec ces précisions les animateurs peuvent indiquer quelques références bien utiles pour structurer la discussion.
Même après 2h d’échanges il est difficile pour le président de séance d’arrêter les idées qui fusent. Je ne suis pas sûr que beaucoup des points de vus aient évolué mais je suis persuadé que la réflexion (personnelle) ne s’arrêtera pas là, que la confrontation des opinions aura permis d’éclairer des zones d’ombre. D’ici quelques jours nous pourrons lire la synthèse sur internet, garder une trace de la soirée que le retour en voiture aura prolongée…
Où situer la réflexion ?
Comme tout phénomène le café philo a ses défenseurs et ses détracteurs. Les uns y voient un moyen d’apprendre à conceptualiser, à argumenter, à problématiser pour lutter contre ses propres préjugés, les autres une confusion entre des discussions de comptoirs et la philo. Pourtant des rencontres de ce type constituent un moyen de reconstruire une pensée collective « d’en bas ». On n’a pas toujours conscience que les hommes politiques agissent selon une logique réfléchie. Les choix économiques (FMI, banque mondiale…) ou les orientations culturelles (UNESCO) des institutions sont des raisonnements construits, bien documentées par des avis d’experts. Malheureusement on pense en haut, on pense chacun chez soi mais au niveau de la vie concrète on bloque. Par manque de clarté dans les conclusions, par manque de communication et d’échange d’idées on ne distingue même pas les objectifs :
« Refaire de la France une grande puissance », voilà la finalité politique actuellement exprimée. Il est peut être là le schisme entre la communication gouvernementale et les attentes des français. La croissance, la « puissance » sont-elles les objectifs ou les outils que doit atteindre le pouvoir ?
J’ai parlé dans des précédents articles de la crise de l’éducation ou bien de la médiation entre les disciplines. Je ne démords pas de l’importance de ces sujets. C’est par la discussion et la mise en commun des talents sous toutes ses formes que nous devons réussir à agir pour permettre à chacun de satisfaire ses besoins et ses aspirations.
Ne serait-ce que pour s’occuper, chacun d’entre nous doit avoir le droit et les moyens de poursuivre un objectif et même un idéal. Nous ne sommes pas contraints de rester bloquer au stade de la résignation. C’est en multipliant les lieux de discussions, en variant les tons et les points de vue, souvent en provocant que l’on peut faire bouger les choses et redynamiser l’expérience humaine. Les problèmes de « l’identité Européenne » ou de « l’environnement » sont de ces exemples qui s’impliquent dans tous les grands challenges de la pensée contemporaine. Je les trouve d’autant plus intéressants qu’ils portent en eux la prochaine étape d’une mondialisation « positive », celle du décloisonnement de nos convictions.
Les commentaires que suscitent mes articles relèvent à la fois mon optimiste, (ma naïveté) et mon âge. Si c’est ma jeunesse qui me permet d’errer dans des utopies ou dans les évidences alors j’en profite. Je regrette cependant que l’on ne nous présente pas avant la terminale les bases d’un « raisonnement philosophique » (chercher les buts, les liens, construire ou analyser des idées en fonction de la société où elles ont été émises…). Même sans portée immédiate et concrète je suis convaincu que chaque rêve, chaque discussion, chaque rencontre, chaque idée est déjà une finalité en soi.
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