Cantonales : étonnante maturité des Français
L'abstention aux élections cantonales rappelle la désaffection des Français pour leur géographie administrative, et singulièrement pour les départements. Elle exprime un besoin de renouveau institutionnel. Le succès relatif du Front National nous permet de poser dès 2011 les termes du débat de 2012, spécialement à droite.
Dans la masse des commentaires très pessimistes sur les résultats des cantonales, je me permets d'instiller une petite touche d'optimisme. A la lecture des résultats, je trouve en effet que nous avons un certain nombre de raisons de nous réjouir des résultats finaux, qui manifestent somme toute une grande maturité des Français. Si tant est que nous dépassions les aspects purement partisans du scrutin.
Les Français ne se déplacent pas pour des élections inutiles
L'abstention aux élections est analysée comme un symptôme de maladie pour notre démocratie. L'excellent tableau :http://www.france-politique.fr/participation-abstention.htm permet de mettre les chiffres de l'abstention dans leur juste perspective. Certes, l'abstention à battu un record historique aux cantonales, avec un taux d'environ 55%. Il était d'à peine 45% en 2008 pour le même scrutin. Mais... il n'est guère plus élevé qu'au premier tour des régionales de l'an dernier. Et il reste inférieur aux élections européennes de 2004 et 2009.
Faut-il s'inquiéter de l'abstention aux cantonales ? Depuis plusieurs années, l'existence des départements et des conseils généraux est fortement en suspens en France. Notre mille-feuilles administratif est une source d'embrouillamini pour les citoyens, surtout dans la dynamique intercommunale qui modifie les grands équilibres locaux. Entre la commune, la communauté de communes, le département, la région, le pays, qui retrouve ses petits ? Comment s'étonner de la faible mobilisation citoyenne pour des échéances auxquelles personne ne comprend rien ?
Ces points ne sont une surprise pour personne, puisqu'ils constituent l'essentiel de la loi du 16 décembre 2010. Celle-ci, en créant les conseillers territoriaux, a transformé nos cantonales en collector, où il est bien hypocrite de s'étonner que les citoyens ne se soient pas déplacés. La vraie question est de savoir pour quoi la loi n'a pas supprimé les cantons.
Si l'on revient aux sources de notre géographie administrative, on comprend le caractère totalement désuet du canton, entité inventée par la révolution, en 1790, dans une France essentiellement rurale. La France d'aujourd'hui est essentiellement urbaine, et ses cantons appartiennent au folklore. La meilleure chose qui nous reste à faire est de les supprimer, pour passer au scrutin de liste proportionnelle dans les départements.
Sur le fond, le maintien de départements comme entités distinctes des régions est extrêmement contestable. A quoi servent-ils ? Souvenons-nous des préconisations du rapport Mauroy, en 2000 : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/004001812/0000.pdf. Il n'aura fallu que 11 ans pour envisager de les mettre timidement en oeuvre, notamment en prévoyant la possibilité de fusionner, sur une base de volontariat, le département et la région (articles 26 à 29 de la loi du 16 décembre 2010).
En réalité, il y a trop d'instances de représentations en France, qui sont devenues trop dispersées, avec trop peu de pouvoirs. Nous sentons tous que ce manque de lisibilité sur le territoire, cette dilution des responsabilités, sont des freins à la modernisation du pays. Ils jouent un rôle d'amortisseurs d'alternance pour les partis de gouvernement. Quand l'un perd les législatives, il garde les territoires, et inversement. Mais gouverne-t-on un pays pour préserver ses élus ou pour promouvoir l'intérêt général ?
En s'abstenant massivement, les Français ont clairement répondu à cette question. Et exprimer leur volonté de voir le cadre institutionnel de notre Vè République entamer un processus de transformation bien plus radical.
Les résultats du Front National posent clairement le débat pour 2012
Fait amusant, pour ceux qui aiment l'humour noir en chemises brunes, les rares électeurs qui se sont déplacés au second tour ont infligé un cinglant camouflet aux apôtres du Front Républicain. Le FN est en effet passé de 600.000 voix au premier tour à 900.000 voix au second.
Rappelons cependant que Jean-Marie Le Pen avait recueilli près de 4 millions de voix en 2007, plus de 5,5 millions au second tour de 2002. Aux législatives de 2007, les candidats FN avaient engrangé 1,1 million de voix. Je ne cite pas ces chiffres pour minimiser la menace nationaliste en France. Simplement, il faut la placer dans ses justes proportions.
Paradoxalement, l'immense avantage de cette percée du Front National est de mettre chacun devant ses responsabilités avant l'échéance de 2012. Cet exercice est vertueux, car il permet de savoir d'ores et déjà, ce qui se passera entre les deux tours si Marine Le Pen obtient un bon score l'an prochain. Les querelles de l'UMP ont un air de répétition générale. On voit clairement la tentation qui s'insinue de passer des alliances tactiques avec le FN pour garder le pouvoir.
De ce point de vue, ce qui se passe en ce moment est un bon test élyséen pour voir comment l'opinion publique réagit à la banalisation du FN. Manifestement, la ligne qui se dessine à droite est de briser le front républicain et de durcir le discours pour mordre sur l'électorat lepéniste.
La seule conclusion qu'on peut en tirer aujourd'hui est plutôt simple : la crise de 2008 n'a pas tardé à radicaliser le discours politique dans notre pays. Après des décennies de relative sérénité, nous entrons dans le dur du projet républicain. L'heure vient de se mobiliser.
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