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Ces refus d’honneurs qui honorent plus qu’ils ne déshonorent

Il y a quelques jours, je m’interrogeais ostensiblement sur le peu de femmes honorées chaque année par la Légion d’honneur.

J’affirmais explicitement que c’était quasiment un déshonneur pour la société d’accepter un tel déséquilibre dans l’attribution de cette distinction, surtout pour celles qui le valent bien.

Mais passé l’effet d’annonce des nominations, on se rend vite compte que la distinction (bien tardive) de Simone Veil, contraste violemment avec le refus de cette même légion d’honneur par une autre femme.

On peut donc légitimement se poser la question de savoir pourquoi une distinction honorifique aussi convoitée que la Légion d’Honneur soit refusée ici.

Michèle Audin, professeur de mathématique à l’université de Strasbourg, a en effet refusé la légion d’honneur et Guy Sorman pourra toujours insinuer qu’on n’est jamais distingué à l’insu de son plein gré, il n’en demeure pas moins que le refus de Michèle Audin est tout à son honneur. Il est parfaitement justifiable et même magnifiquement justifié par une lettre qui sonne comme une véritable claque pour Nicolas Sarkozy.

Michèle Audin met en lumière la position courageuse de son père à l’époque où la logique du plus fort l’emportait sur celle du plus faible, tout en condamnant cette volonté délibérée et inexplicable des autorités françaises de maintenir à ce jour le secret sur les circonstances de sa mort (malgré les demandes insistantes de sa famille).

Maurice Audin, son père, un mathématicien membre du parti communiste algérien était opposé à l’hégémonie coloniale française en Algérie. Il finira par le payer de sa vie le jour où il tombera entre les main de la 10ème division de parachutistes, commandée par le tristement célèbre général Massu. Arrété le 11 juin 1957 puis torturé jusqu’à une mort scabreuse maquillée en évasion par des parachutistes qui ne se sont pas formalisés avec le code de procédure pénale.

L’habileté littéraire du licencié en latin-grec devenu tortionnaire et assassin, qu’était le général Aussaresses, ne masquera pas l’atrocité de la mort de Maurice Audin, dès lors qu’on en connait les méthodes.

A l’heure où la logique des chars de Tsahal qui entrent dans Gaza est plus forte que la logique de la population assiégée, nul besoin de chercher très longtemps le parallèle avec les événements de la guerre d’Algérie. Aussi légitime soit-elle, la création de l’état d’Israël, s’est en effet rapidement transformée en une colonisation de fait.

J’ai donc tout naturellement cherché à trouver ce qui aujourd’hui, pourrait honorer la mémoire de Maurice Audin à la lumière des événements tragiques du moment et par là même donner un sens à sa mort, si toutefois on pouvait trouver un sens à une mort que je qualifie d’inutile, car il n’y a pas de mort utile.

En effet, pendant que des chars bombardent à l’aveuglettte, des hommes et des femmes meurent à Gaza sous des bombes à l’Uranium appauvri, voire pire, des bombes au phosphore blanc, la position d’un groupe d’intellectuels juifs qui contestent la forme qu’a prise l’occupation Israélienne avec la même force et la même conviction que Maurice Audin contestait celle d’Algérie, résonne comme un écho à son engagement humaniste.

Je vous laisse découvrir aussi bien la lettre de ces intellectuels que la lettre ouverte de Michèle Audin adressée par au Président de la République pour signifier son refus de la légion d’honneur.

Michèle Audin.

Lettre (ouverte) à Monsieur le Président de la République.

Monsieur le Président,

Par une lettre datée du 30 décembre 2008, vous m’informez de votre décision de me décerner, sur la réserve présidentielle, le grade de chevalier de la Légion d’honneur.

Je suis très heureuse, Monsieur le Président, de cet intérêt montré à ma contribution à la recherche fondamentale en mathématiques et à la popularisation de cette discipline et je vous en remercie.

Monsieur le Président, il y a un an et demi, vous receviez une lettre (ouverte) envoyée par ma mère, Josette Audin, qui vous demandait de contribuer à faire la vérité sur la disparition de mon père, Maurice Audin, mathématicien lui aussi, et disparu depuis le 21 juin 1957 alors qu’il était sous la responsabilité de l’armée française.

A ce jour, vous n’avez pas donné suite à cette demande. Vous n’avez d’ailleurs même pas répondu à cette lettre.

Cette distinction décernée par vous est incompatible avec cette non-réponse de votre part. Vous me voyez donc au regret de vous informer que

je ne souhaite pas recevoir cette décoration.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’expression de mon respect,

Le 1er janvier 2009

Michèle Audin
Mathématicienne


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6 réactions à cet article    


  • anomail 7 janvier 2009 12:30

    La légion d’honneur a de tout temps été décernée à tout et n’importe qui, en voici un splendide exemple :
    http://www.pcinpact.com/actu/news/29849-DADVSI-une-lobbyiste-de-Vivendi-Universal-de.htm

    La petite chansonnette de brassens à ce sujet, qui dit en gros qu’on peut l’obtenir même en se pissant dessus :
    http://www.musikiwi.com/paroles/georges-brassens-legion,honneur,32566.html


    • Le pirate des caraibes 7 janvier 2009 14:58

      Ils n’en veulent pas ? tant pis.

      Mais à partir de combien de temps y a t’il prescription pour les morts causées par nos ancetres ???

      Devons nous, nous aussi, en vouloir eternellement aux autres pays ?


      • Warhouha Warhouha 8 janvier 2009 10:14

        Dans l’affaire évoquée, des Français ont tué un Français.
        Chacun peut constater, à la lecture de votre commentaire, que vous limitez vos ancêtres aux assassins. Ca vous va si bien.
        La victime ? D’un autre peuple, sans doute, puisque communiste.


      • appoline appoline 8 janvier 2009 12:14

        La légion d’honneur aujourd’hui ne veut plus rien dire. Honneur est un mot banni depuis belles lurettes par les gouvernements successifs en France. Ils ont beau gratter les fonds de tiroirs, ils font chou blanc. De ce fait, nous avons droit à une belle palanquée d’arrivistes à chaque giclée de légions.


        • Pierrot Pierrot 10 janvier 2009 13:49

          Je ne comprend pas ces affaires.

          Je pensais que l’on ne pouvait être "nommé" à la Légion d’Honneur que lorsque on la demandait.
          Si cette hypothèse est exact je ne comprend plus les refus !


          • marielle 12 janvier 2009 13:56

            les gens qui recoivent la legion d’Honneur ne l’ont pas demandé eux meme.Cela peut etre demander par un proche ou par quelqu’un de l’entourage ou autre.
            Mme AUDIN a refusé cette legion qui n’a plus d’honneur que de nom.Et sa lettre au president est parfaitement explicite et argumentée. Je suis à 100 % avec elle.

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