Comment N. Sarkozy foule aux pieds la laïcité, valeur fondamentale de la République
« La loi de séparation, c’est la marche délibérée de l’esprit vers la pleine lumière, la pleine science et l’entière raison », Jean Jaurès.
Une nouvelle fois, Nicolas Sarkozy, dans le cadre de son déplacement à Rome où il est allé rencontrer le pape et prendre possession du titre de Chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran, non seulement a contredit les propos qu’il a tenus en tant que candidat à l’élection présidentielle, mais surtout continue à verser dans une politique-spectacle des plus affligeantes, des plus démagogiques, des plus populistes.
Ce qui me semble le fait le plus grave, c’est que tant par l’acte d’aller revendiquer ce titre religieux purement honorifique (s’il s’en était arrêté là, il n’y aurait que demi-mal, car à deux exceptions près, tous les autres présidents depuis 1957 ont fait cette démarche) que surtout par les propos qu’il a ensuite tenus dans le discours qui a suivi, il met à mal un des principes fondamentaux de la République, à savoir la laïcité, pilier de la République et par là même, il prend le risque de relancer certaines tensions et polémiques dirigées contre la communauté musulmane de ce pays.
Diviser pour régner, comme toujours, diviser les Français entre eux, aujourd’hui catholiques contre musulmans, à défaut de tenter de remédier à la crise économique, à la crise du logement, au pouvoir d’achat qui ne décolle pas, au malaise social qui perdure, exercices autrement plus difficiles...
Gagner du temps en monopolisant la une des médias, en multipliant les gesticulations, cela semble sa méthode favorite pour retarder le moment où le peuple se rendra enfin compte qu’il a été berné en l’élisant à la tête de l’Etat, qu’il comprendra l’inefficacité, voire la dangerosité, du personnage, de ses formules à l’emporte-pièce, de sa stratégie qui ne considère que la partie la plus favorisée de la société française et ignore superbement les autres !
Ce titre de « Chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran » accordé à tout chef de l’Etat français en exercice est une tradition qui remonte à... 1604 ; initialement il a été créé par le pape de l’époque pour le roi Henri IV et ses successeurs, pour services rendus à la papauté par la France.
C’est la Révolution qui va mettre fin à la monarchie de droit divin et donc, à partir de cette date, la France ne doit plus être perçue comme « fille aînée de l’église », ni se prévaloir de telles charges.
Tombé en désuétude, ce titre sera remis à l’honneur en 1957 par René Coty. Depuis cette date, hormis G. Pompidou et F. Mitterrand, tous les présidents ont accepté cette fonction honorifique.
... Donc s’il n’y avait eu que le fait, pour Nicolas Sarkozy, de s’être rendu à Rome pour aller chercher ce titre d’opérette, cela ne vaudrait pas la peine de noircir du papier sur le sujet ! Cela tendrait seulement à conforter l’image mégalomaniaque de cet homme, épris de tout ce qui représente le pouvoir et les manifestations de son prestige. Mais, certains propos tenus par Nicolas Sarkozy à cette occasion sont aberrants, dans le sens où il renie des idées qu’il a exposées durant sa campagne en vue de l’élection présidentielle, et donc des idées sur la base desquelles il a été élu :
Le 30 novembre 2006, lors de l’émission A vous de juger, sur France 2, il déclarait notamment : « la laïcité, c’est la séparation de l’Eglise et de l’Etat, cette séparation doit être absolue ».
... Cependant ses convictions ayant pour particularité d’être à géométrie variable, et fonction de tendances sondagières, il faut relativiser la portée de cette déclaration péremptoire en se souvenant que le même Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, avait commandé en 2006 le rapport Machelon, lequel préconisait de réinstaller le religieux dans l’espace politique en permettant toutes les formes de financement public pour la construction de lieux de culte. Cette proposition consistait tout simplement à vider de son sens l’article 2 de la loi de 1905 dite de séparation de l’Eglise et de l’Etat, qui garantit que l’Etat « ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. ». De même, le 29 septembre 2005, il déclarait qu’on peut « légèrement adapter la loi de 1905 sans que la laïcité ne s’écroule » afin de « s’adapter à la réalité du temps ». On peut donc dire que la position de Nicolas Sarkozy sur le sujet est caractérisée par ses incessants revirements d’opinion !
Pourtant nos textes fondateurs ne laissent place à aucune ambigüité : Article 1 de la Constitution de 1958 : « la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Le message délivré par cet article est on ne peut plus clair : les religions relèvent de choix privés, et la France est l’un des rares pays laïcs pour lequel la laïcité fait partie des principes fondamentaux de la République. La laïcité est considérée comme un cadre protecteur des droits de l’homme ; la laïcité doit concourir à « l’égalité de tous les Français devant la loi, la liberté de tous les cultes, la constitution de l’état civil et du mariage civil et, en général, l’exercice de tous les droits civils désormais assuré en dehors de toute condition religieuse » (Ferdinand Buisson, XIXe siècle). Les déclarations de Nicolas Sarkozy prononcées le 20 décembre 2007 à Rome, dont je vous propose ici un florilège sont donc purement et simplement inacceptables de la bouche de l’homme censé représenter la France et l’ensemble des citoyens français dans le monde, et diriger la politique de notre pays ! « La laïcité n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû » : ce n’est pas la laïcité, mais plutôt la Révolution française et les principes de liberté et d’égalité dont elle a permis l’émergence, qui ont coupé les racines chrétiennes de la France, pour lui permettre de développer ses racines de laïcité, de fraternité et de tolérance ! « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes. » ... Enfin, jusqu’à la Révolution française !! « Assumer pleinement le passé de la France et ce lien particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Église » : assumer pleinement le passé - certes prestigieux mais dont un certain nombre de valeurs sont définitivement révolues -, oui, mais pour mieux vivre dans le présent, attaché à ses valeurs de diversité et de laïcité. « Partout où vous agirez, dans les banlieues, dans les institutions, auprès des jeunes, dans le dialogue interreligieux, dans les universités, je vous soutiendrai » : par cette phrase, Nicolas Sarkozy reconnaît donc l’échec des politiques qu’il a menées, d’abord en tant que ministre d’Etat et, maintenant, en tant que président de la République, pour résoudre la crise sociale et économique dans laquelle notre pays est plongé depuis un certain nombre d’années maintenant. De plus, il semble ignorer que la deuxième religion présente en France est l’islam, et que de tels propos non seulement renouent avec l’esprit colonialiste qu’il a réfuté lors de sa visite récente en Algérie, mais ne respecte absolument pas les convictions et croyances des citoyens musulmans de notre pays. Après le kärcher il compte utiliser l’ostie et le crucifix pour résoudre les problèmes des habitants des banlieues ?? ... Et après nous avoir conseillé de travailler plus pour gagner plus, bientôt le conseil d’aller bruler un cierge pour trouver plus facilement un appartement ou un travail ???
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