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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > Commerce équitable : la confusion règne

Commerce équitable : la confusion règne

L’ouverture de la septième édition du commerce équitable, du 29 avril au 15 mai, a mis à jour la zizanie qui règne entre organismes certificateurs et certaines associations.

Le commerce équitable s’inscrit dans une démarche tendant à impulser un changement de conscience et de comportement du consommateur, au même titre que le développement durable ou le Bio. Le message est simple : devenez un « consom’acteur » grâce à un acte d’achat citoyen qui soutient des groupements de producteurs des pays du Sud. Seul repère d’achat éthique, le label devient la caution et le repère du respect de la charte émise entre l’entreprise qui commercialise et les groupements de producteurs. Et c’est autour de cette notion de label que la confusion, pour ne pas dire plus, s’installe dans l’univers de l’éthique. À un label correspond une définition et la démultiplication des labels ouvre le champ à une multiplication de ces définitions.

L’ouverture de la septième édition du commerce équitable, du 29 avril au 15 mai, a mis à jour la zizanie qui règne entre organismes certificateurs et certaines associations qui viennent de quitter la PFCE (Plate-forme du commerce équitable) en créant comme Azimuts-Artisans du Népal leur propre label, Transparent trade (www.transparent-trade.org). Et l’association ne fait pas dans la dentelle pour expliquer son départ de la plate-forme : « Le commerce transparent est une réponse à la dénaturation et à la banalisation du commerce équitable, et à son utilisation sans aucune garantie ni traçabilité ». Ce ne sont pas les seuls à quitter le vaisseau amiral qu’est la PFCE. Le premier réseau de commerce de proximité, Artisans du monde, (www.artisansdumonde.org), vétéran du commerce équitable, fort de ses 160 points de vente, et l’association Minga (www.minga.net) sont également en rupture de ban. Les raisons de cette rupture peuvent se synthétiser en deux reproches majeurs.

  1. Le premier concerne l’association Max Havelaar, accusée d’avoir « mis la main sur la plate-forme ». Il est vrai que le représentant en France de l’ONG Fairtrade Foundation, représente en France 80% du chiffre d’affaires du commerce équitable. En 1997, Max Havelaar est à l’origine de la plate-forme, mais la quinzaine organisée cette année (bus, jeu, guide, événements), qui devrait être sous logo de la plate-forme, se retrouve très marquetée Max Havelaar. On peut comprendre la grogne des autres associations partenaires. Grogne qui vient de trouver le soutien du Conseil de la concurrence, s’inquiètant, sans citer personne, que « des organismes suppriment la concurrence entre eux en créant un référentiel dominant ». Très orientée sur les produits agro-alimentaires (café, banane, thé...) , Max Havelaar concentre son action vers la grande distribution, là où se commercialisent 85% des biens de consommation courante. D’où un chiffre d’affaires des produits estampillés MH passé de 18 millions d’euros en 2001 à 120 millions en 2005.
  2. La grande distribution, voilà le second reproche de fond fait à la plate-forme par les dissidents, puristes. Le plus véhément est certainement Michel Besson, le directeur de l’association Minga, pour qui « le commerce équitable, c’est de l’équité tout au long de la chaîne, du producteur au distributeur ». Pour lui, les chaînes de grande distribution représentent le symbole de la surconsommation et de l’exploitation de salariés sous-payés. Propos repris en écho par Artisans du monde, pour qui ces réseaux ne peuvent en aucun cas être représentatifs de l’acte équitable. Surtout lorsque des enseignes comme Carrefour créent leur propre label, Agir solidaire, ou lorsque un groupe comme Kraft Foods lance une gamme éthique très marquetée et très contreversée, « Un café pour agir », qui ne garantit pas un prix minimum aux cultivateurs.

Le développement de ces pratiques ne peut que créer la confusion et montre l’urgence de créer une véritable norme, un véritable "repère consommateur" où ne viendront pas s’engouffrer tous les opportunistes de la planète. Comme vient de le confirmer le rapport du Conseil de la concurrence (avis N°06-A-02 du 22 mars 2006) la loi devrait « établir des critères objectifs, clairs et non discriminatoires pour garantir la démarche du commerce équitable ».

Confusion des labels et des promesses, stratégies et philosophies de la « famille » en opposition, voilà le commerce équitable plongé dans le marigot économique sur la base d’une question simple : le commerce éthique doit-il rester une niche de consommation entre gens de bien, ou au contraire se concentrer là où les Français font leurs achats, en essayant de les orienter vers les produits éthiques et en faisant tout pour verrouiller les dérives ?

C’est ce second choix qu’a fait, entre autres, la société Alter Eco (altereco.com), en se positionnant comme une référence permanente de commerce éthique en grande surface. Une idée ambitieuse et solidaire : le commerce équitable doit convaincre un maximum de Français. Le dernier baromètre Malongo TNS Sofres de mars 2006 nous dit que 72% de nos concitoyens ne se sentent pas concernés en termes d’achat, 23% achètent ces produits occasionnellement lorsqu’ils les trouvent, et seulement 5% les cherchent en priorité. Et si on se mettait à rêver d’inverser les tendances ?


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13 réactions à cet article    


  • Aurélie (---.---.91.156) 2 mai 2006 17:06

    Je me permet de mettre le doigt sur quelques erreurs émises dans cet article très intéressant.

    Je suis l’actuelle coordonnatrice de l’association Transparent Trade et je voulais signaler qu’il ne s’agit pas du label équitable de l’entreprise Azimuts même si c’est elle qui a créer ce concept de commerce transparent, et qu’à l’heure actuelle Transparent Trade et Azimuts sont deux choses bien différentes. En fait ce n’est pas un label mais un moyen de certifier via la transparence, la lisibilité financière et morale de ses membres. Par contre le logo Transparent Trade est une marque communautaire collective qui permettra aux structures commerciales membres de cette association de communiquer sur leur démarches individuelles de transparence et leur propre éthique.

    Il faut savoir que les informations communiquées font obligatoirement l’objet d’un audit réalisé par un Commissaire aux Comptes. Le commerce transparent n’impose aucune norme préétablie. Il n’est le juge d’aucune pratique, juste le garant impartial et certifié de pratiques commerciales éthiques. Il s’adresse à toute entreprise empreinte de certaines valeurs et désirant le montrer. Il ne se limite pas aux relations Nord-Sud et permet aussi de légitimer la valeur du travail dans nos régions et de l’artisanat local. Le jugement des consommateurs reste l’enjeu principal de cette mise en transparence.

    Cela dit merci beaucoup à Jean Charles Espy de communiquer sur les enjeux du commerce équitable, car...en parler, c’est déjà une avancée...


    • Firenze 2 mai 2006 19:57

      Pour se convaincre de l’utilité du « commerce equitable », il suffit de voir le documentaire de H. Sauper « Le cauchemar de Darwin » (même si ce dernier a été critiqué dernièrement, cela n’enlève rien à son propos). Acheter des produits « commerce equitable » ou même Agriculture Biologique chez Carouf, grand temple de la consommation et grand exploiteur de ses propres salariés, c’est un peu du n’importe nawak évidemment. C’est un peu comme Mc Do qui communiquerait sur la tradition culinaire ou Rhone Poulenc sur le respect de la nature. Cela dit, si le phénomène de mode pour gogos urbains peut contribuer à une petite prise de conscience et a terme rabattre certains vers d’autres types de distribution, c’est toujours ça de gagné.


      • Antoine (---.---.250.19) 2 mai 2006 20:02

        ben moi commerce équitable ou pas, chuis un consommateur basique...donc je compare prix-qualité-produit de substitution, c’est tout.

        Bon ou pas bon, chimio-concero ou pas, etc....

        Pas envie de mourir obèse, cancéreux et diabétique....


        • nico (---.---.252.139) 7 mai 2006 10:32

          Mourrir en bonne sante’e, c’est aussi un peu triste...


        • (---.---.183.56) 2 mai 2006 20:36

          Si demain la grande distribution s’ apercevait que les produits fabriqués sur la lune pourraient avoir une clientèle,aussitôt on verrait des têtes de gondoles avec des produits fabriqués làs-bas et Michel-Edouard de Tassigny viendrait nous en vanter les mérites, suivi par les autres noms des grands épiciers réunis.

          Rocla


          • George (---.---.176.75) 3 mai 2006 00:32

            Pour moi, le fait que des grandes enseignes comme carrouf, Leclerc etc... commercialisent ces produits du commerce équitable est plutot bien (un mal pour un bien...car faut pas se leurrer, ils en vendent juste parce qu’ils savent qu’une partie des consommateurs représente un marché potentiel, tout en tirant sur les couts d’achats des produits hors comerce équitable, notamment dans le domaines de l’agroalimentaire.)

            Donc, ce bon côté est qu’ils permettent de montrer aux consommateur de base (et j’en suis) que ces produits ne sont pas que le fait de quelques extrémistes qui n’achèteraient que ca dans des boutiques spécialisées et permettent donc de faire une relation, dans nos esprits, entre les messages relayés par articles de presse et autres communications (comme ce présent article), et la vie de tout les jours. Sinon, je vous avoue que si je ne n’avais jamais vu ces produits dans ces enseignes, et donc fait le premier pas vers l’achat de ces produits, je n’aurais jamais cherché à savoir s’il existait d’autres réseaux de distribution près de chez moi.

            Pour résumer, le fait que carrouf vende ces produits représente le cheval de Troy qui détournera des (quelques, certains, beaucoup de ?) consomateurs de ses réseaux de grande distribution, pour un monde plus équitable.


            • Jojo (---.---.145.162) 3 mai 2006 09:30

              Je suis d’accord. Et je n’ai pas envie de brûler de l’essence pour aller à perpète (j’habite en banlieue et il n’y a plus de petits commerçants) trouver mon café d’Ethiopie ou mon sucre du Pérou (ce sont des exemples).


            • spud (---.---.254.75) 3 mai 2006 11:18

              Exactement le commentaire que j’allais faire... « la grande distribution est le cheval de troie du commerce équitable ! »

              Pour toucher le publics, il faut être là où ils sont : dans les supermarchés. Une fois au courant, ce sera déjà un grand pas de fait. Restera pour le publics à s’informer sur ce qu’est le commerce équitable, les tenants et les aboutissants et à communiquer les bienfaits de ce « nouveau » commerce autour de soi...

              Merci pour l’article !


            • stiw 10 mai 2008 18:39

              Bonjour,

              Aujourd’hui plus besoin de prendre sa voiture..des boutiques en lignes proposent des produits équitables et là aussi vous pouvez realiser votre acte de consomation ethique tout en étant hors des sentiers battus par carrouf et les autres.

              www.ekitabl.com une petite structure, un large choix et surtout TOUT est équitable !!


            • alek (---.---.114.248) 3 mai 2006 12:10

              Il s’agit en effet de maximiser la notoriété du sujet, ce que les polémiques favorisent... merci donc pour cet article !

              En ce qui concerne le rôle des grands (distributeurs ou autres entreprises engagées : Danone, Carrefour, Monoprix etc...), il est vrai que leur « engagement » peut paraitre suspect (simple outil marketing ?), mais il faut aussi reconnaitre que c’est en partie par eux que passera le message au grand public. La notoriété et l’information (de la transparence !!) sont les seules variables capables de faire évoluer les mentalités. Pourquoi ne pas admettre que l’union fait la force ? J’ai parlé a un de nos producteurs au Brésil, qui me dit que « grande distribution » ou pas, pour lui l’important est de pouvoir se développer durablement et dans des conditions respecteuses de son travail et de son environnement. Toutes nos polémiques n’ont pas grand sens à ses yeux, si le système permet une progression du mouvement alternatif aux règles du commerce mondial actuel...

              Donc si le commerce éthique peut prendre un réel essor via les grandes enseignes et ne pas rester dans une sphère élitiste et exclusive, et si les producteurs sont conscients de l’opportunité que cela représente, pourquoi se braquer ? Il suffit d’établir un dispositif de reconnaissance du commerce equitable (ce que vient de faire le ministère des PME - présentation officielle de Mr. Renaud Dutreil ce matin !), en en posant les normes officielles, et en limitant la concurrence déloyale. A nous de les faire respecter ! Le pouvoir du consommateur est bien plus puissant que le distributeur ne se l’imagine...


              • antoine (---.---.166.92) 4 mai 2006 09:12

                Les techniques marketing ont indéniablement réussi à assurer la notoriété de l’expression « commerce équitable » dans l’opinion. Mais elles ont transformé en quelques années une problématique politique en produit publicitaire, dont l’efficacité en terme d’améliorations concrètes des conditions de vie des producteurs du sud est discutable.

                D’une action de sensibilisation, la quinzaine du commerce équitable est devenue au fil des années une quinzaine pour la promotion du prétendu label Max Havelaar. L’objectif de la Plate Forme du Commerce Equitable (PFCE) est aujourd’hui de faire adhérer l’opinion à une marque, d’en assurer la notoriété. En aucun cas d’inviter nos concitoyens à réfléchir sur leurs actes de consommation...

                et suite au annonce gouvernemental des acteurs du commerce équitable réagissent... Pour un commerce équitable partout ! Changeons la loi !

                http://www.minga.net/article.php3?id_article=411


                • Z (---.---.107.66) 30 mai 2006 11:33

                  Le commerce équitable n’est pas non plus la panacée ! Il n’a d’équitable que le nom, malheureusement. Soyons clair, il est certes moins inéquitable que le commerce traditionnel, et donc préférable à celui-ci, mais il participe tout de même de la même exploitation des pays pauvres, et n’améliore pas vraiment la situation mondiale. S’il est suffisant pour donner bonne conscience aux gens et pour ne pas remettre en cause le reste, c’est dommage.

                  Lire par exemple ici ou .

                  Moralité : assurons-nous que nos bonnes intentions altruistes ne soient pas assouvies uniquement par des inactions cachées derrière des termes magiques (développement durable, commerce équitable), qui permettent de s’acheter une bonne conscience à peu de frais, sans véritable effet finalement.


                  • J.e. (---.---.192.237) 22 juillet 2006 23:42

                    Si le commerce équitable n’est, comme vous le dites, pas la panacée, il a le mérite de proposer une action concrête et pragmatique qui contrairement à ce que vous affirmez a un « véritable effet ». Comme exemple parmi d’autres vous pouvez jeter un oeil à l’excellent film de Fokus 21 : fokus.free.fr.
                    Quand aux sites que vous citez, ils oscillent entre caricature, arguments volontairement provocateurs et mauvaise foi... pas de quoi les citer comme exemples !

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