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Confiance et Défiance en politique

Tandis que commence la campagne électorale pour les élections européennes ; tandis que chaque parti appelle à lui faire confiance, peut être est-il bon de rappeler que la confiance, cela se mérite...

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Rachida Dati eu PE (2011)
Mme Dati, parlant un peu trop fort, se fait rappeler à l’ordre

 

On entend souvent l'homo politicus demander à ses concitoyens qu'ils lui fassent confiance. Qu'est-ce à dire ?
Avoir confiance, à ce moment, pour elle ou lui, c'est dire : "Donner moi le temps et la latitude pour faire les choses, et croyez bien que j'oeuvre dans le sens de vos intérêts". Soit.
 
On peut comprendre très facilement, pour l'homme politique, pour ses intérêts propres d'homme de parti à vouloir changer le monde dans le sens de ses convictions, le bien-fondé de cette affirmation. Il n'y a en effet rien de plus contre-productif, à tous les niveaux, que des voix divergentes pour faire capoter un projet. Si je vais faire des courses pour ma famille, j'entends bien qu'on me fasse confiance, et qu'on me laisse acheter à ma guise les biens nécessaire à ma famille, étant entendu que je connais ses habitudes de consommation. Ça n'empêche pas que la critique sera vive si j'achète telle ou telle marque plutôt qu'une autre, si j'explose le budget pour acheter des fringues personnelles ou si j'oublie de prendre du lait (surtout si moi même je n'en bois pas !). Si tel est le cas, la fois suivante, on désignera une autre personne ou alors on me refera éventuellement confiance en me reprécisant le cadre imposé. Ça s'appelle la reddition des comptes.
 
De la même manière pour l'homme politique, lui faire confiance ne signifie pas lui donner un blanc-seing pour toutes ses décisions qui vont avoir un impact sur notre vie. L'homme politique n'a pas à prendre des décisions "à notre place", mais il le fait "en notre nom". C'est nous qui le déléguons pour qu'il nous représente au mieux. Et si nous devons l'élire, nous n'attendons pas moins qu'il nous invite à réfléchir avec lui aux prises de décisions qui, si nous sommes légalistes, vont nous soumettre. Comment pourrait-il, sinon, savoir quelles décisions prendre ?
De telle sorte que si confiance il doit y avoir, ce serait plutôt aux citoyens de demander que leurs représentants leur fassent confiance dans les décisions qu'il spourraient prendre, plutôt que l'inverse.
 
Lorsque nous élisons une personne censée nous représenter... qui est-ce que nous élisons ? Je veux dire : si nous choisissons le meilleur, sur quels critères nous basons-nous ? Ne serait-il pas pertinent que ce soit sur sa capacité à nous représenter au mieux ?
Le citoyen n'est pas un bénéficiaire ou un sujet. Dans un système démocratique, il est le patron, et l'élu son salarié. Toute la difficulté de l'exercice, c'est de concilier l'ensemble des avis de tous les patrons, au mieux. C'est alors que l'on peut comprendre que si le serviteur qu'est l'élu doit avoir une prérogative, ce n'est pas celle de gérer ses patrons, mais de créer les conditions optimales et les outils permettant de gérer UNIQUEMENT le débat démocratique entre les patrons, c'est à dire les conditions nécessaires et suffisantes pour que chacun puisse s'exprimer librement et de façon éclairée, prendre position, et délibérer. Ici, la démocratie est vue comme un processus actif et incluant.
 
Ces conditions nécessaires sont finalement assez limitées :
 
- Réelle transparence des décisions prises au nom des citoyens. J'insiste sur "Réelle", car cette condition est remise en cause lorsque des lois incompréhensibles sont publiées. Quand bien même ferions-nous l'effort de nous y intéresser, il faut aujourd'hui être sacrément malin pour comprendre les enjeux, les causes et les conséquences d'une loi.
 
 
- Réelle publicité des lois (les rendre publiques). En effet, une publication n'a d'intérêt que dans sa capacité à construire le sujet politique délibérant. Elle doit donc être vulgarisée et partagée au plus grand nombre. Vulgariser ne veut pas dire simplifier à outrance, mais dégager dans des formulations claires, les conséquences de leur action. Aujourd'hui'hui, le processus législatif est a priori publique (encore qu'avec l'affaire du traité transatlantique, on peut sérieusement en douter...) mais il n'est absolument pas publicisé.
 
- Réelle analyse politique des propositions, par les représentés eux même. En effet, on peut tout à fait ne pas être d'accord avec tel ou tel argument, on peut aussi comprendre l'idée et avoir des craintes sur leur mise en oeuvre. Celles ci sont à prendre en compte. Chacun doit pouvoir s'exprimer et faire sa propre analyse de la situation. C'est ce qu'on appelle la construction du sujet politique. L'élu se doit d'inciter à cette construction autour de débats réels, performatifs et contradictoires. Si l'on reste dans un exercice de pensée, nul doute que les citoyens n'investiront pas l'outil : "A quoi bon !".
 
- Réelle prise en compte des positions des concitoyens. En effet, dès lors que des opinions sont formées, il importe de les prendre en compte. Imaginons un instant un pays improbable dans lequel une position majoritaire à un référendum sur une constitution serait son rejet. Qu'adviendrait-il de la crédibilité politique de ses représentants s'ils agissaient contre le sens de la majorité ? Seraient-ils des serviteurs de leurs concitoyens ou leurs maîtres ?
 
- Réelle évaluation de l'action politique. Celle ci doit être basée sur les objectifs qu'elle se donne ET sur les craintes émises par ses détracteurs. Cette évaluation, envisagée dès le début du processus législatif, et comme le débat, doit être conjointement produite, et pas uniquement faîte par celui qui est partisan de la loi. Sinon, on est dans un cas flagrant de conflit d'intérêt, car celui là va évidemment ne mesurer que ce qui va dans le sens de son intérêt à voir publier une loi ! C'est ce qu'il se passe malheureusement tous les jours...
 
C'est à l'aune de ces quelques principes (ici, survolés) que s'envisage un réel débat démocratique , et mon propos est d'affirmer que quelque soit l'échelle que l'on étudie, ce processus aujourd'hui n'existe pas, dans le sens où ses modalités sont telles qu'elles rendent le débat démocratique performatif inopérant, et donc dénué de tout intérêt.
 
Souvent, les hommes politiques demandent la confiance du peuple, écrivais-je au début de cet article. Ce serait oublier que le processus politique démocratique est par essence un système basé sur la défiance, qui permet de soumettre le représentant-salarié au regard de ses patrons, et de le sanctionner le cas échéant.
Aujourd'hui'hui, il n'existe ni mandat impératif, ni mandat révocatoire, ni reddition des comptes...
Aujourd'hui, les représentants ne sont pas responsables devant leurs électeurs, n'ont aucun devoir de les consulter, de travailler avec eux des questions qui les concernent. Ils n'ont pas de comptes à rendre autres que celui de leur ré-élection.
 
Se défier n'est pas se méfier. La méfiance consisterait effectivement à empêcher quelqu'un de faire quelque chose.
La défiance, dans un processus démocratique comme dans la démarche scientifique, c'est se donner la possibilité de douter pour tenter de distinguer le judicieux du fallacieux dans un jeu de causalités. Le travail de la question politique se trouve précisément dans notre capacité à être dubitatif.
 
La confiance, tout le monde la réclame. Elle permet de faire les choses vite. Mais non contrôlée, elle est dangereuse. DANGEREUSE. Car chaque individu à qui l'on fait confiance, et à qui l'on donne un pouvoir de faire quelque chose, a tendance à tendre vers les limites qui lui sont données... voir à les dépasser.
Les oligarchies ne sont-elles pas autres choses que le pouvoir que l'on donne inconsidérément à des personne à qui, en outre, nous accordons notre confiance pour qu'ils l'utilisent dans le sens de nos intérêts ?
 
L'homme politique, donc, quand il s'adresse à nous, plutôt que de nous demander d'avoir confiance en lui, devrait nous dire qu'il a confiance en nous, et de fait nous donner toutes les cartes pour que nous puissions, enfin, porter l'expression de notre pouvoir au plus haut niveau.
 
Et je ne saurais terminer cet article sans évoquer, en cette période de campagne électorale, le mouvement Démocratie Réelle, dont le mot d'ordre est celui, très simple finalement, de n'avoir pas d'avis à notre place, sur ce qu'il convient de faire, mais de vouloir construire avec tous les volontaires, un modèle de mandat qui permettra aux représentants de ne voter au parlement européen que dans le sens de ses concitoyens, et de mettre en place, dans la circonscription, les outils pour le faire.
 
Une animation qui explique brièvement la démarche
 
En créant des listes dans 5 circonscriptions, ils sont en passe d'obtenir le passage médiatique nécessaire pour porter ces problématiques au delà de cercles finalement assez fermés.
Certes, l'initiative est jeune et imparfaite. Mais elle a le mérite de soulever et de porter au niveau national des questions éminemment actuelles que les partis d'inspiration traditionnelle, avec leur vision d'une "population ignorante, et à éduquer" peinent à aborder (c'est un euphémisme !), et elle nous invite à prendre part au débat ! C'est un bon début...

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8 réactions à cet article    


  • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 29 avril 2014 10:16

     POUR L’ UE SEULEMENT 38% DE VOTANTS !!

    quand on voit les tetes « a la cahuzac » de certaines tetes de listes on comprend mieux : DES TETES DE TRUANDS !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    • appoline appoline 29 avril 2014 18:08

      Vous les avez voulus, vous les avez eus


    • Alpo47 Alpo47 29 avril 2014 10:59

      Rendre des comptes, c’est un pas en avant vers la démocratie, et pourtant je pense que vous oubliez -éludez- le plus important : Un élu doit rendre des comptes périodiquement ET LES ELECTEURS DOIVENT AVOIR LE POUVOIR DE LE REVOQUER S’IL NE VA PAS DANS LE SENS DE LEURS CHOIX.

      C’est uniquement cela qui va obliger l’élu à respecter ses engagements et prive les lobbies de leur capacité de nuisance.

      La plupart des lois et réglementations qui nous privent, oppressent ... sont instituées pour défendre les intérêts des lobbies et des 0,01% qui tirent les ficelles. Rétablir une démocratie, c’est d’abord couper ce lien.

      Sans cela, c’est du vent ou de la poudre aux yeux.


      • colza 29 avril 2014 11:31

        Tout à fait !
        Ce qui nous manque, ce n’est pas une autre république, mais uniquement un contrôle citoyen et le moyen de révoquer des élus ou des responsables politiques qui sortent des clous.
        Genre : référendum d’initiative populaire pour censurer des élus et proposer ou infirmer des lois et des orientations.


      • appoline appoline 29 avril 2014 18:11

        La démocratie, ça fait un moment qu’elle n’existe plus, preuve, le traité de Lisbonne, heureusement qu’on nous avait demandé notre avis.


        J’espère que l’UMPS va prendre une belle branlée car il ne faut pas oublier que la droite non plus ne fait rien alors que, si j’ai tout compris, elle est majoritaire à Bruxelles, quant à la gauche, elle ne mérite que l’oubli pour ses trahisons.

      • Wilemo Wilemo 23 mai 2014 23:41

        Bonjour,

        Je réponds un peu tard, mais non je n’élude pas (enfin... je ne crois pas ! )
        Je précise bien que je ne fais que survoler ces questions, juste histoire d’inviter à réfléchir sur la nécessité et les possibles façons de se « défier » plutôt que de se « méfier ». D’ailleurs, j’évoque le mandat révocatoire.

      • zygzornifle zygzornifle 29 avril 2014 17:39

        Gang de requins à droite et chez les Fauxcialistes les pieds nickelés avec CroquignHollande et sa bande ....


        • zygzornifle zygzornifle 1er mai 2014 08:50

          Avant un nouveau gouvernement déshabillait Pierre pour donner à Paul et son successeur déshabillait Paul pour redonner à Pierre mais avec les Fauxcialistes Pierre et Paul se retrouvent à poil ..... 

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