Darcos ou la course à l’orientation
Un frémissement inhabituel s’est emparé de notre gouvernement depuis une dizaine de jours. On a d’abord annoncé la nomination de Martin Hirsch chargé de la Jeunesse mais qui a aussi autorité conjointe sur le Délégué interministériel à l’Orientation. Il y a eu ensuite Richard Descoings, nommé à la tête de la mission sur les lycées qui a annoncé qu’il fallait réfléchir en tout premier point… à la question de l’orientation.
On a appris plus tard que le député Benoist Apparu venait d’obtenir la création d’une mission parlementaire sur la réforme du lycée avec un calendrier similaire à celui de la mission Descoings, une mission parlementaire qui n’éludera sans doute pas la question de l’orientation.
Et tout cela sans compter les récentes propositions du Conseil d’Orientation pour l’Emploi sur l’orientation scolaire et professionnelle des jeunes !
Le Figaro, ce mercredi 22, interviewait Xavier Darcos. Celui-ci annonce le recrutement de 5 000 agents pour lutter contre l’absentéisme scolaire et la mise en place, dès la rentrée prochaine, d’une plate-forme téléphonique d’informations et de conseils accessible tous les jours jusqu’à 20 heures, doublée d’un service de réponses par Internet. Elle sera placée sous l’égide de l’Onisep et associera des conseillers d’orientation-psychologues et des acteurs économiques.
Nous nous trouvons là en terrain connu car si la plateforme téléphonique n’existe pas encore, le service de questions réponses sur Internet a démarré de façon expérimentale en mai 2006. J’avais fait à l’époque un article détaillé sur ce service. Je concluais : « Si l’ONISEP se dote de moyens d’évaluation en interne, cet outil pourrait vite devenir redoutable en efficacité. »
Certes une plateforme téléphonique pourrait renforcer la plateforme actuelle sur Internet. Mais pourquoi faire cette annonce maintenant ? Pourquoi mettre sur cette plateforme des « acteurs économiques », et qui sont-ils ? Quel niveau d’expertise sur les cursus scolaires auront ces acteurs économiques ?
Durant ces trois dernières années, on a vu la mise en place de l’option Découverte professionnelle en 3e, des entretiens d’orientation au lycée, des parcours de découverte des métiers à partir de la 5e. Tous ces dispositifs se sont créés alors même que le nombre de conseillers d’orientation-psychologues ne cesse de diminuer. Aujourd’hui, le ministre annonce encore un nouveau dispositif. Pourquoi pas ! Mais l’enjeu véritable n’est-il pas de repenser une organisation d’ensemble des services qui concourent à l’information et à l’orientation des jeunes ?
A ce propos, on peut également s’étonner qu’après tant de rapports dénonçant la superposition des missions des services d’information et d’orientation, on crée un service de plus sans même prendre soin de réfléchir à une plateforme réunissant les différents acteurs : CIO, réseau Information jeunesse, missions locales, CIDF, etc.
Où est le grand « service public de l’orientation » promis depuis le 27 juin 2006 ? Un engagement repris par Nicolas Sarkozy et dont la mise en œuvre a été sans cesse annoncée… puis différée par le ministre.
Xavier Darcos dans l’article des Echos, concernant la mission que lui a confié le Chef de l’Etat, s’exprimait ainsi : « J’ai rempli ma lettre de mission, soit il faut que j’en ai une autre, soit il faut que je me la crée. » Si chacun des nombreux interlocuteurs en charge des questions de l’orientation se met à « écrire sa propre lettre de mission » et à créer de nouveaux dispositifs, on va se retrouver très loin de ce mécanisme de coordination et d’impulsion que Martin Hirsch appelait de ses vœux afin de reconcevoir des politiques qui jusque là se neutralisent les unes les autres.
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