De Charybde en Scylla...
Comment se raccrocher aux branches sans les casser ni se casser la g...
Patrick Devedjian a dérapé, d’accord, il en convient, il s’excuse, ça arrive à tout le monde.
On ajoute de la graisse aux caractères d’écriture quand il n’y a pas lieu, on utilise dans le cadre d’une conversation privée des épithètes disgracieux pour désigner les gens du camp d’en face, ou même parfois pour "faire un bon mot", aussi mauvais soit-il... Tout ça ne vaut pas tripette, et les journalistes sont bien à plaindre s’ils ne trouvent plus d’autres sujets "passables" aux infos que les pitreries des uns ou les bavures et bévues des autres...
Mais il y a bien plus grave qu’un propos assassin, c’est l’arrière-pensée assassine... Or, je relève sur son blog le reproche suivant à l’intention des internautes qui ont relayé l’anecdote :
"Enfin, la façon dont mes propos ont été diffusés et visionnés par des millions d’internautes pose quand même un vrai problème : si plus rien n’est privé, si tout doit être totalement transparent, le totalitarisme n’est pas loin et la liberté individuelle vraiment menacée. Et, au-delà d’une indignation que je crois sincère chez certains, il y a chez d’autres une exploitation politique qui a peu de choses à voir avec les bons sentiments évoqués."
(blog Devedjian)
Parler de "totalitarisme" à propos d’internet - et qui plus est sur un blog ! c’est le comble... - au prétexte de s’excuser d’un mauvais propos public me semble un tantinet plus dangereux et bien plus grave que de traiter de salope une adversaire politique... Ca révèle une pensée qui, elle, est totalitaire... Et pour le moins une impudence assez scandaleuse ! Car les dirigeants qui voudraient mettre internet sous tutelle de quelques grands groupes financiers et sous surveillance policière permanente, c’est bien vous, c’est bien l’UMP dont vous êtes, M. Devedjian ?... Qui a fait passer DADVSI aux forceps ? Qui a interdit la diffusion de vidéos privées sur les bavures policières sans carte de presse éjectable ? (et pas seulement sur le détestable happy slapping)...
En bref, qui veut la mort des libertés d’expression individuelles ? Ce ne sont pas les internautes M. Devedjian, c’est vous et votre parti !
Entendons-nous bien : je ne suis pas anti quoi-que-ce-soit ou qui-que-ce-soit, et tout autre parti disposant des mêmes écrasantes majorités partout aurait sans aucun doute été tenté lui aussi de chercher à contrôler l’incontrôlable, car c’est la tentation de tout pouvoir que de tendre vers l’absolu.
M. Devedjian est-il pour autant un salaud ? Non, bien sûr ! Pas plus que Anne-Marie Comparini n’est une salope. Mais comme il devrait tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, il devrait aussi réfléchir avant d’écrire, surtout "sur" internet quelque chose qui ressemble à un reproche "envers" internet...
On sait très bien qu’internet est un vecteur d’information libertaire, c’est-à-dire parfois de n’importe quoi, mais aussi et surtout d’information brute, non filtrée ni édulcorée par un service de presse quelconque dépendant d’amis politiques...
C’est précisément ce qui fait l’intérêt et la force d’internet par rapport aux autres médias. Quand on est un homme public, on s’expose donc - bien plus qu’avant l’arrivée du net - au jugement permanent des électeurs. Plus rien n’est vraiment "off" comme on disait dans les couloirs de la télé. Et ça oblige, non plus seulement à "paraître" sincère devant les caméras, ou pas seulement à dire vraiment le fond de sa pensée quand on prend la parole à l’Assemblée même si le parti pense majoritairement autrement, ça oblige à être vrai tout le temps ! Exercice difficile, j’en conviens, pour un homme politique...
Alors, oui M. Devedjian, aujourd’hui tout doit être plus transparent, tout doit être inattaquable sur le plan éthique. Mais tout doit être et rester libre.
A vous, à moi, à nous tous, de prendre conscience de ce que nous disons ou de ce que nous faisons hors de nos pénates, dès que nous sommes dans la rue ou sous l’oeil d’une caméra physique ou virtuelle.
Les libertés individuelles ne sont pas "menacées" par le net, elle sont simplement plus "étroitement surveillées". Tout comme les caméras de surveillance au-dessus de nos têtes dans les rues permettent aujourd’hui d’épier nos moindres fréquentations légitimes ou pas, ou les radars sur les routes photographient très intrusivement nos passagers ou passagères... Et plus on est un personnage public, et plus on doit se surveiller soi-même, sous peine d’être immédiatement "épinglé"...
Qu’avez-vous donc instauré avec DADVSI ?... La même chose !... Mais là c’est le pouvoir, autrement dit vous, qui cherchez à épingler les internautes... Pire ! Vous avez donné le droit à certains groupes privés de mettre en place une police parallèle sur le réseau... Les débordements ne tarderont pas à se produire, et vous osez parler de "menace sur les libertés individuelles" parce que quelques-uns ont rapporté cette broutille vous concernant ?... Mais contrôlez-vous, cher Monsieur ! J’espère que là aussi cette expression a dépassé votre pensée !
N’en doutez pas un instant, les internautes ne vous rateront pas si d’autres bévues verbales ou politiques surviennent à l’avenir. Que ce soit d’ailleurs dans le camp de la majorité ou dans celui de l’opposition. Et c’est bien là la grandeur du net, précisément ce que sont en train de perdre les "médias sous contrôle" !
Le net n’a pas réussi à s’ériger en 5e pouvoir à l’occasion de cette série d’élections. Trop neuf encore et trop inorganisé face aux écrasants moyens médiatiques de certains partis politiques, dont le vôtre. Mais ce sera pour la prochaine fois. N’ayez crainte pour nos libertés individuelles, nous saurons les préserver... et la vôtre du même coup... Il suffit juste d’être "vrai" !
18 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON