De longues heures d’attente pour un récépissé
Renouveler une carte de séjour à la préfecture du Rhône relève du parcours du combattant pour les résidents étrangers. Des heures d’attente, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des locaux du quai Sarrail, et ceci quelque soit la saison et la météo. Une organisation ultra-rigide, une attitude plus que pointilleuse des agents. Les demandeurs passent de longues heures avant d’avoir leurs papiers. Dans le meilleur des cas, car une seule photocopie manquante renvoie à la case départ. Pourquoi une telle rigidité ? Enquête.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH226/service-etrangers-pref01-23c18.jpg)
7h. Le ciel est gris, une fine pluie tombe sur Lyon. 75 personnes attendent déjà sur le trottoir devant l’annexe de la Préfecture, quai du Général Sarrail (Lyon 6ème). 2 heures plus tard, à l’ouverture du service ils sont plus de 200. Jeudi est un jour calme. Les lundis et vendredis, l’affluence est encore plus forte, plus de 300 personnes.
En tête de la file d’attente, il y a Guy, arrivé à 4h45, soit plus de 4 heures avant l’ouverture du service. « J’aime bien être le premier », affirme ce Malgache. C’est le prix à payer pour que son dossier soit traité rapidement. Il estime en avoir pour quelques minutes, une fois l’accueil ouvert. « Pour moi, c’est normal », affirme-t-il avec le sourire. Il est bien le seul.
Les autres hésitent entre indignation et résignation. « Avec toute l’informatique qu’il y a, être obligé de faire la queue comme ça, c’est grave », se désole Khemsi, un Algérien né en France, venu avec sa femme. « C’est fait pour décourager les gens », pense un Comorien, qui n’a pas voulu donner son nom.
Pour Zina, la journée a commencé à 5h30. Obligée de dormir chez sa belle-soeur à Francheville, à qui elle laissera sa fille de 2 ans, cette Algérienne avait un peu de route à faire pour se rendre à Lyon. Puis, « j’ai pris le temps de prendre un petit déjeuner », précise-t-elle. Car une fois dans la file d’attente, impossible d’en sortir, sous peine de perdre sa place.
Il y a bien un distributeur de friandises, rempli à raz-bord de barres de Mars et de canettes de Coca à 1 euro. Sauf qu’une pancarte « EN PANNE » en interdit l’utilisation. C’est pareil pour le distributeur de café, les 2 photocopieuses et les photomatons. Tous en parfait état mais condamnés. « C’est fait exprès », explique un policier. En effet, depuis le 7 janvier, seuls les dossiers parfaitement complets sont acceptés. « S’il vous manque un seul document, vous devrez vous représenter ultérieurement », prévient une pancarte. C’est à dire revenir un autre jour et refaire plusieurs heures de queue. Pour Zina, c’est la troisième tentative. « La première fois, j’avais juste oublié l’acte de naissance de ma fille dans la voiture, garée à quelques mètres de là. » « Aucune exception ne sera possible », prévient la pancarte. Et Zina repassera.
« Je ne viendrai pas une quatrième fois, je préfèrerais rester clandestinement », soupire-t-elle. La dernière fois, elle s’est faite refouler pour être arrivée trop tard. Car à 9h20, les policiers ferment les portes. Du coup, cette fois-ci, elle n’a pas pris de risque et fait la queue depuis 7h du matin. 2 heures à l’extérieur sous le crachin lyonnais qui tombe par alternance.
« Si votre dossier est complet, il sera traité dans la journée », la rassure un agent d’accueil. Sur les 6 guichets seuls 4 sont ouverts. Zina est en vacances. Fabrice non. Ce Gabonais a dû poser une journée sans solde pour pouvoir venir. Ce jour-là, il ne travaillera pas plus pour gagner plus. « Il y a 10 ans, ce n’était pas comme ça », se souvient Zina. « Avant, on prenait un ticket, puis on pouvait faire un tour, boire un café. S’il manquait des pièces, on allait les chercher. »
Depuis janvier, cela n’existe plus. Aucune souplesse non plus quant aux documents demandés. Pour prouver son domicile, il faut une facture de téléphone fixe, d’électricité ou de gaz, rien d’autre. « Toutes nos factures sont au nom de mon ami », raconte Zina. Ainsi, l’autre fois, elle avait apporté l’acte notarié de l’appartement qu’ils ont acheté ensemble, et sur lequel figurent les 2 noms. Refusé. « J’ai été obligée d’ouvrir une ligne fixe exprès. »
A 10h17, elle passe le premier barrage. Cette fois-ci est la bonne, son dossier est jugé complet, elle obtient le fameux ticket qui permet d’espérer de repartir avec un récépissé. Elle a le numéro 133. Cette deuxième phase d’attente est plus cool. Pour la première fois depuis plus de 3 heures, Zina peut s’assoir, voire sortir fumer.
Si cette jeune Algérienne a pu laisser sa fille chez sa belle-sœur, d’autres ont dû venir avec leurs enfants. Dans la salle d’attente, les plus grands courent dans les travées, les plus petits restent attachés dans leurs poussettes. Certains pleurent.
Zina, elle, envisage de se faire naturaliser. Ses parents sont nés en Algérie française, elle vit en France depuis l’âge de 2 ans et sa fille est Française de par son père. Elle remplit ainsi toutes les conditions. Avant, elle n’y avait jamais pensé. Depuis qu’elle se démène pour faire renouveler sa carte de séjour, elle a changé d’avis. « Les gens prennent la nationalité française, juste pour être traité différemment », explique un voisin.
Pourquoi une telle gestion ?
« Avant c’était pire », admet la préfecture en guise d’explication. « Les usagers venaient sur convocation, mais après ils devaient attendre jusqu’à 6 mois avant de recevoir leurs papiers. C’était long. Aujourd’hui c’est beaucoup plus rapide. Si le dossier est complet, ils repartent dans la journée avec leur récépissé. » Consciente que l’argument est léger, la porte-parole ajoute : « on sera plus performant dans les années à venir. »
Pourtant, il suffit de regarder du côté de Grenoble. A la préfecture de l’Isère, les demandeurs se présentent simplement aux horaires d’ouverture, soit du lundi au vendredi, de 9h à 15h30, prennent un ticket et attendent leur tour. Cela peut être aussi simple que ça.
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