J'ai rencontré Luca aux législatives de 2012, où nous étions tous deux candidats pour le RIC (Rassemblement pour l'Initiative Citoyenne). J'ai discuté avec lui à l'occasion des élections européennes.
beo111 : Bonjour Luca. Le 9 juin, c'est les européennes. As-tu prévu de faire quelque chose ?
La démocratie réelle c'est quoi ? Et décidons nous-même, de quoi ?
La démocratie réelle, c'est lorsque la population décide elle-même des choses les plus importantes (et non une petite proportion : ce serait une oligarchie, ni un seul : ce serait une monarchie) : c'est la souveraineté, étymologiquement, décider des choses supérieures.
Mais les choses les plus importantes, ne serait-ce pas les gens qui vont nous représenter au Parlement de Strasbourg ?
Déjà, ce n'est pas le Parlement qui est le plus puissant dans l'UE. La Commission Européenne a plus de pouvoir.
Ensuite, il s'agit bien d'une oligarchie, puisque les citoyens ne décident pas des choses les plus imporantes, qu'il n'y a pas de référendum, en particulier d'initiative citoyenne.
Plusieurs choses : déjà, c'est vrai que la Commission a plus de pouvoir que le Parlement. Mais les Commissaires sont désignés par les gouvernement nationaux, dont les chef — en tout cas le Président en France — est élu au suffrage universel. D'autre part il y a une sorte de RIC en Europe, même si ses prérogatives sont définies par les traités inter-étatiques de l'Union.
Il y a l'ICE, initiative citoyenne européenne, qui n'est nullement décisionnaire, et donc ne laisse aucune souveraineté populaire. C'est une sorte de gadget, comme le référendum d'initiative partagée en France depuis 2008, qui était inutilisable et n'a jamais abouti.
J'entends bien, mais la limite des référendum, c'est que les dirigeants ne sont pas obligés d'en appliquer les résultats. Mais d'un autre côté, s'ils y étaitent obligés, ils auraient des mandats impératifs, qui ne sont pas forcément compatibles avec le concept de liberté. Si les élus n'ont plus de liberté dans leur action, en laisseront-ils au peuple ? Ne risque t-on pas de tomber dans un monde totalitaire ?
Il ne sa'agit donc pas là de référendums, mais que de consultations. En Suisse, un référendum est décidionnel, peut changer la constitution.
Seuls les élus seraient libres, et les citoyens resteraient sous la coupe des élus ? Ce serait bien une oligarchie, une aristocratie.
N'importe quel citoyen doit appliquer la loi, les élus comme les autres citoyens. La différence, c'est qui fait la loi, et surtout la loi suprême (la constitution) ? Quelques privilégiés ou la population ?
Mais les citoyens sont libres, de voter pour qui ils veulent. Pourquoi les élus
ne seraient-ils pas libres, non plus, dans leurs décisions ?
Si ce sont les élus les plus libres de faire les lois à qui tous les autres seraient soumis, ils seraient effectivement souverains, auraient la souveraineté. Il n'y aurait pas d'isocratie entre citoyens (égalité de souveraineté), mais certains énormément plus libres que les autres.
Mais je le répète, le peuple conserve la souveraineté. C'est lui qui décide qui est élu ou pas.
Décider qui est élu, et cet élu fait ce qu'il veut, c'est juste choisir un maître, ou un contremaître de maîtres derrière lui. On a vu avec les derniers présidents de la République française que la même politique s'appliquait, imposée par les banquiers ou les Etats-Unis, comme l'a dit lui-même François Mitterrand qui a dit qu'il n'avait pas le pouvoir.
On ne choisit pas des maîtres. Les élus sont soumis aux mêmes lois. Ils ont juste la possibilité de les voter, mais on ne peut pas faire un référedum par loi. Trop compliqué.
Les élus font les lois. Donc on n'est pas en démocratie. Donc ils font les lois qui les arrangent. Par exemple, il ont choisi le seuil des élus au Parlement Européen à 5%, qui leur permet d'éliminer des opposants.
Les Suisses font toute leur Constitution par référendums. LE référendum y est obligatoire pour tout changement constitutionnel.
Tu es contre la démocratie représentative. Mais le peuple la voit comme un moindre mal, par rapport à ce qu'il a enduré, comme la monarchie et les privilèges du sang.
Les citoyens français sont à trois quarts pour le référendum citoyenne, mais ils ne l'ont pas.
Alors que si on demandait aux Suisses s'ils voulaient sortir de la démocratie directe, ils refuseraient comme ils l'ont fait dans les années trente lorsqu'un groupe de proches du nazisme a obtenu de faire un référendum sur une réforme totale de la constitution pour sortir de la démocratie directe.
Après, il y a un mensonge sur la Révolution Française. Les Français ont proteste contre le libéralisme qu'imposait les physiocrates aux rois faibles Louis XV et Louis XVI : les rois devaient garantir l'accès à au blé, à la farine, au pain, et il y eut la Guerre des Farines en 1775 lorsque les libéraux ont pu avoir le droit de stocker le blé et spéculer, rendant l'accès à la nourriture difficile.
Le socialisme dans les années 1830, avec les Luddistes, la Révolte des Canuts était une opposition à des ravages du libéralisme. La lutte de la Révolution Française était celle d'un remplacement d'élites, entre des aristocrates guerriers qui devenaient des éugénocrates fainéants, et une bourgeoisie qui prenait le pouvoir, en particulier grâce à la création monétaire, devenant selon l'expression de l'économiste Maurice Allais, des faux monnayeurs légaux.
Trois quarts des Français pour le RIC... Et il y en a certainement plus qui voudraient que l'on rase gratis ou qu'il y ait la paix dans le monde.
Le RIC existe en Suisse, où les citoyens n'ont pas à se faire gazer, crever les yeux ou arracher les mains lorsqu'ils veulent quelque chose majoritairement (par exemple contre la réforme des retraites désapprouvée à 70%).
Les Suisses votent l'âge des retraites, et savent qu'ils paient les impôts. Ils ne votent pas pour la retraite à 50 ou 40 ans.
Je remarque que le RIC en Suisse n'a pas empêché les privations de liberté exagérées durand le COVID.
Tout à fait, car ce qui manque en Suisse, c'est 'iségorie, c'est à-dire une égalité médiatique du pour et du contre. Les élus peuvent trafiquer la question.
Quand même, le fait que le RIC ait eu comme résultat 38% d'opposition à la politique gouvernementale covidiste a fait que les restrictions de libertés ont été plus faibles qu'en France, Italie, Canada ou Australie..
Ça fait quand même 62% qui ont voté pour que 38% n'aient pas le droit d'aller prendre un café...
Oui, encore une fois, c'est le manque d'iségorie.
Ils ont eu en 2018 un référendum sur la monnaie pleine, qui n'a été approuvée qu'à 35%. Les médias des milliardaires invitaient les économistes de garde pour communiquer contre cette menace pour les banquiers.
Mais quand même, les Suisses ont entendu parler de la monnaie pleine, que la plupart des Français ignorent.
Je ne suis pas sûr que l'iségorie soit dans l'intérêt du peuple. Car dans un tel cas, la démocratie, c'est le nivellement par le bas...
L'iségorie, c'est le principe du débat contradictoire pour solutionner tout conflit, comme dans les tribunaux où l'accusation et la défense doivent pouvoir s'exprimer également.
Si on ne laisse pas les citoyens être également exposés aux arguments d'un camp et de l'autre, il y a manipulation, et absence de démocratie. Le souverain reste le manipulateur de l'information et de l'opinion.
Bon, et la monnaie pleine, c'est quoi ?
C'est une monnaie qui n'est pas créé par le crédit et détruite par son remboursement.
Dans notre système actuel, la monnaie c'est de la dette, crée par les banquiers qui choisissent à quoi sert la monnaie, et les Etats deviennent soumis à la souveraineté monétaire des banquiers.
Irving Fisher a proposé la monnaie pleine dans les années 1930, lorsqu'il a compris que la quantité monétaire était dépendante des demandes de crédits, qui pouvaient être insuffisantes pour assurer les échanges.
La monnaie pleine permet d'obtenir une souveraineté monétaire populaire.
Tout-à-fait. Mais justement, l'euro donne l'espoir aux citoyens que l'on aura jamais dans la zone euro de catastrophe économique comme celle qu'a connue la Russie au début des années 90.
L'euro, étant une monnaie trop forte pour la Grèce les a plongés dans la misère, beaucoup de personnes ne pouvant plus se soigner, se nourrir, des enfants s'évanouissant dans les écoles, la mortalité infantile augmentant.
On nous avait fait voter sur une monnaie commune, puis on nous a imposé une monnaie unique, en mettant en concurrence des travailleurs avec des protections sociales inégales.
Oui, c'est vrai que la monnaie unique a de graves inconvénients quand les pays ont des régimes économiques différents. D'un autre côté, ce qui est arrivé à la Grèce s'est accompagné d'une certaine améliration dans la rigueur qui doit présider dans les comptes publics. Et, c'est moins pire, beaucoup moins pire que le cauchemard qu'on connu les Russes au début des années 90.
Le critère, c'est que les gens soient heureux, en bonne santé. Il ne s'agit pas de soumettre un moyen (la monnaie) au service de dogmes qui profitent à certains privilégiés.
Les cauchemars des Russes dans les années 1990 est venue de la destruction des services publics, la vente à la découpe libérale des biens russes au profit de quelques uns.
Mais surtout du fait que le rouble ne valait plus rien. Tout cela parce que la création monétaire était décidée en assemblée. Le problème étant que la tchatche ne créé pas de valeur.
C'est pourquoi je suis pour un étalon monétaire travailliste.
La monnaie est la seule quantité qui n'a pas d'étalon.
Je propose que l'étalon soit le temps de travail, pondéré par d'autres coûts de cette unité de temps de travail (pénibilité, risques sanitaires espérance de vie, isolement social, responsabilité juridique réelle, etc.).
Cela pourrait être à long terme une monnaie unique, chacun valant autant qu'un autre, selon l'iségorie de la démocratie.